En 2024, une vague d’intérêt pour le coaching émerge en Tunisie, particulièrement autour des transitions familiales comme les mariages, divorces et adoptions. Imaginez des familles, confrontées à ces moments cruciaux, cherchant un phare dans la tempête des émotions et des changements. Ces bouleversements, souvent déroutants, poussent les gens à chercher un soutien, à la fois pratique et émotionnel, pour naviguer dans ces eaux tumultueuses. C’est ici qu’intervient Sophia Feriani, avocate et coach de vie bien connue, pour répondre à ce besoin croissant, déterminée à offrir des outils et des stratégies qui aideront les familles à intégrer ces transitions dans leur quotidien. Dans cette interview, elle partage son expérience et dévoile les enjeux d’une telle démarche, éclairant ainsi la lanterne de ceux qui se trouvent à la croisée des chemins.
De quelle manière la révolution de 2011 a-t-elle impacté le couple tunisien?
Je dirais que la révolution de 2011 a marqué un tournant, c’était un événement socio-culturel, géographico-politique mais un événement plus récent, comme la pandémie de Covid-19, a eu un impact encore plus profond sur la vie des couples et des familles à l’échelle mondiale. En 2020, la crise sanitaire a bouleversé notre quotidien, isolant de nombreuses familles et mettant à l’épreuve des relations déjà fragiles.La pandémie a généré des tensions psychologiques considérables. Beaucoup de couples se sont retrouvés face à face dans un environnement confiné, ce qui a exacerbé des conflits existants. Par ailleurs, les statistiques montrent une augmentation alarmante de la violence à l’égard des femmes pendant cette période. Cette situation a conduit à une prise de conscience sur les difficultés relationnelles et la nécessité de réévaluer les liens personnels.
Cependant, il est également important de souligner que la pandémie a permis à certains couples de se redécouvrir et d’adopter une nouvelle dynamique. En étant forcés de vivre ensemble dans un espace réduit, certains ont réussi à renforcer leur complicité et à aborder leurs relations différemment. Néanmoins, le phénomène des divorces a fortement augmenté après le confinement, témoignant de l’impact durable de cette période sur les relations humaines, tant ici qu’ailleurs.
Je constate souvent, en tant qu’avocate et coach, que ce temps d’écoute et d’échange est négligé. La vie quotidienne, avec ses obligations professionnelles
et familiales, peut reléguer le couple au second plan.
Par quoi expliquez-vous le taux de divorce de plus en plus croissant en Tunisie?
Il existe plusieurs raisons qui expliquent l’évolution des relations de couple aujourd’hui. Tout d’abord, sur le plan culturel, nous ne sommes plus au début du XXe siècle. À cette époque, le mariage était perçu comme un engagement à vie, et le divorce était mal accepté dans de nombreux milieux sociaux. Les couples se mariaient avec l’idée de rester ensemble, que ce soit l’homme ou la femme. Au fil du temps, des évolutions sociales et culturelles ont eu lieu. De nos jours, tant les hommes que les femmes travaillent, ce qui change la dynamique du couple. Les femmes ne sont plus seulement des épouses au foyer, attendant patiemment le retour de leur mari. Elles ont désormais leur propre indépendance financière et une vie sociale active, ce qui peut parfois entraîner une désunion. Dans ce contexte, il est fréquent que les couples ne prennent pas le temps de s’asseoir ensemble pour se recentrer sur leur relation. Un couple repose sur un équilibre entre le « je », le « tu » et le « nous ». Or, je constate souvent, en tant qu’avocate et coach, que ce temps d’écoute et d’échange est négligé. La vie quotidienne, avec ses obligations professionnelles et familiales, peut reléguer le couple au second plan. Cependant, l’amour aujourd’hui est aussi synonyme de liberté. On peut aimer son conjoint tout en préservant son jardin secret et sa propre identité. Pour moi, un mariage est une construction qui nécessite un entretien quotidien. Cela demande attention et engagement, comme arroser une plante. Malheureusement, lorsqu’on est pris dans un tourbillon d’obligations, il est facile de perdre de vue cette construction commune, ce qui peut mener à une séparation.
Un autre aspect que je constate est un manque de responsabilité dans la gestion de la relation. De nombreux couples choisissent le divorce par consentement mutuel, mais il est crucial de bien le faire, surtout lorsqu’il y a des enfants. Cette étape peut être ressentie comme un tsunami, révélant blessures, des souffrances et une confiance ébranlée. Dans chaque situation de divorce, je souligne toujours l’importance de l’enfant. Celui-ci n’a pas demandé à ce que ses parents se séparent et en subit souvent les conséquences. Les séquelles peuvent être importantes, mais tout dépend du comportement de chacun des parents. Il est essentiel que chaque parent respecte ses droits et ses responsabilités envers son enfant.
Pourquoi les enfants sont devenus aujourd’hui (dans certains couples) un instrument de chantage?
Le divorce est souvent une décision difficile, parfois subie par l’un des partenaires. J’ai rencontré de nombreux cas où une cliente m’a confié que son mari voulait divorcer après vingt ans de mariage. Cela peut être un choc émotionnel profond et difficile à accepter. Dans ces moments, l’expression de la douleur et des souffrances peut se manifester de manière destructrice, notamment à travers les enfants: « Non, je ne te les confierai pas » ou « Tu ne verras pas ton fils. ». Je suis fermement en faveur du divorce par consentement mutuel, car il contribue à apaiser les tensions et à mieux gérer l’intérêt des enfants. Il est crucial de rappeler que le père restera toujours le père et la mère toujours la mère. Lorsqu’une annonce de divorce survient, elle s’accompagne souvent de colère et de tristesse, et les parents peuvent, à tort, utiliser les enfants comme un moyen de faire pression sur l’autre.
Ce qui me préoccupe particulièrement, c’est lorsque les parents critiquent l’autre devant l’enfant. Ces échanges doivent être évités; les conflits doivent être réglés entre adultes, sans impliquer les enfants. J’encourage toujours mes clients à préserver leur rôle parental, quel que soit le contexte. Aujourd’hui, les enfants grandissent souvent dans des environnements où le divorce est courant. À Tunis, par exemple, on estime que deux couples sur cinq sont divorcés. Cela signifie que beaucoup d’enfants se retrouvent dans des situations similaires.
Cependant, il arrive que l’un des parents, après avoir refait sa vie, néglige les enfants du premier mariage, ce qui entraîne une grande souffrance. Divorcer est une affaire d’adultes, tout comme se remarier. Les enfants ont besoin de soutien et d’amour, que les parents soient ensemble ou séparés. Malheureusement, le chantage émotionnel peut laisser des séquelles durables, car les enfants vivent dans un environnement de colère, de tristesse et de déchirement.
Que conseillez-vous aux nouveaux mariés?
L’amour est un roman enchanteur, où tout semble magique et où l’on désire ardemment partager chaque moment avec l’autre. Cependant, pour qu’un couple fonctionne, il est important de considérer le « nous », qui repose sur le « je » et le « tu ». Il est utile que chacun trouve son harmonie pour construire une relation solide. Par exemple, je suis passionnément amoureuse d’un homme qui adore le football, alors que je ne comprends rien à ce sport. L’essentiel est de respecter ses passions et d’accepter l’autre tel qu’il est, sans chercher à le changer.
Au-delà de l’amour et du respect, la communication est primordiale dans une relation. Écouter l’autre est essentiel. Lorsque des tensions se manifestent, il est important de prendre un moment pour se calmer avant d’aborder des sujets délicats. Parfois, il vaut mieux s’accorder un temps de réflexion, boire un verre d’eau, respirer profondément, puis engager le dialogue avec son partenaire. Un couple repose sur un échange constant et quotidien. Toutefois, avant d’accepter pleinement l’autre, il est crucial d’apprendre à s’accepter soi-même et de travailler sur sa propre personne. C’est ainsi que l’on peut construire une relation équilibrée et épanouissante.
L’article Sophia Feriani, Coach de Vie, à La Presse: le « je », le « tu » et le « nous », l’équilibre du couple est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.