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La finance mondiale au service des guerres sans fin

11. Juni 2025 um 13:09

Et si la guerre n’était plus seulement l’échec de la diplomatie, mais aussi la rĂ©ussite silencieuse des marchĂ©s financiers ? Dans un monde oĂč les conflits ne sont plus des accidents, mais des variables intĂ©grĂ©es aux modĂšles financiers, il devient urgent de comprendre comment la logique spĂ©culative façonne les dynamiques de sĂ©curitĂ© globale. Ce n’est pas une dĂ©nonciation, mais une mise en lumiĂšre : celle d’un capitalisme contemporain oĂč la paix semble coĂ»ter plus cher que la guerre, oĂč les armes ne sont plus seulement des instruments de dissuasion mais des actifs financiers Ă  part entiĂšre, et oĂč la gĂ©opolitique dialogue en permanence avec les stratĂ©gies d’investissement.

Ould Amar Yahya *

Dans un monde façonnĂ© par les flux de capitaux, les arbitrages budgĂ©taires et les rĂ©seaux d’influence, une question s’impose : jusqu’oĂč la finance internationale contribue-t-elle Ă  entretenir la logique des guerres sans fin?

Défendre sans agresser : les dilemmes stratégiques

Certes, dans un monde oĂč la souverainetĂ© des nations peut ĂȘtre menacĂ©e par des agressions extĂ©rieures, dĂ©velopper une capacitĂ© autonome de production d’armements revĂȘt une importance stratĂ©gique majeure. Ce n’est pas une fuite en avant militariste, mais un impĂ©ratif moral, politique et Ă©conomique : assurer la sĂ©curitĂ© de ses citoyens, dĂ©fendre les principes de libertĂ©, protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© territoriale, dissuader toute vellĂ©itĂ© d’invasion et favoriser le dĂ©veloppement Ă©conomique. Lorsqu’une guerre est imposĂ©e, la capacitĂ© Ă  se dĂ©fendre avec efficacitĂ© devient une condition de survie nationale, mais aussi un acte de responsabilitĂ© Ă  l’égard de l’ordre international. Dans ce contexte, produire des armes, c’est refuser la dĂ©pendance et affirmer que la paix, parfois, se construit aussi par la force de la dissuasion.

Le capitalisme de guerre : une mécanique bien huilée

Mais cette logique dĂ©fensive ne saurait en aucun cas justifier que l’on dĂ©clenche ou prolonge des guerres Ă  des fins lucratives. Faire de la guerre un simple vecteur de profit, une variable d’ajustement pour les dividendes, une mesure de relance pour l’économie, relĂšve d’un cynisme insoutenable. Aucune courbe boursiĂšre, aucun rendement financier ne saurait compenser le chaos, les destructions massives, les vies humaines perdues ou les traumatismes durables que laisse derriĂšre elle toute guerre inutile. Entre dĂ©fense lĂ©gitime et commerce de la mort, la frontiĂšre est fine, mais essentielle. Il est du devoir des États, des entreprises et des investisseurs de ne jamais la franchir.

Et pourtant, cette frontiĂšre est aujourd’hui largement brouillĂ©e. Depuis 2001, quand les bombes explosent, certaines courbes boursiĂšres montent. Dans le silence feutrĂ© des salles de marchĂ©, la guerre est perçue comme une opportunitĂ©. Car derriĂšre les discours sur la paix et la diplomatie, un capitalisme de la guerre s’organise, portĂ© par les plus puissants fonds d’investissement du monde. Une collusion d’intĂ©rĂȘts se dessine : celle entre les stratĂ©gies d’allocation des grands fonds, la rĂ©munĂ©ration des dividendes et la perpĂ©tuation des conflits.

Trump face au complexe militaro-industriel

En septembre 2024, lors d’un rassemblement dans le Wisconsin, le candidat Ă  la prĂ©sidentielle Trump a vivement dĂ©noncĂ© cette collusion : «Je vais expulser les va-t-en-guerre. Nous avons des gens qui veulent faire la guerre tout le temps. Vous savez pourquoi ? Les missiles coĂ»tent 2 millions de dollars piĂšce. VoilĂ  pourquoi. Ils adorent larguer des missiles partout. Moi, je n’ai lancĂ© aucune guerre
 Je vais expulser les va-t-en-guerre de notre appareil sĂ©curitaire national et mener un grand nettoyage du complexe militaro-industriel pour mettre fin au profit de guerre et toujours faire passer l’AmĂ©rique d’abord. Nous mettons l’AmĂ©rique d’abord. Nous allons mettre un terme Ă  ces guerres sans fin. Des guerres sans fin, ça ne s’arrĂȘte jamais».

Si la campagne affichait une volontĂ© de rupture, les dĂ©cisions budgĂ©taires prises une fois au pouvoir ont tĂ©moignĂ© d’une continuitĂ© stratĂ©gique inattendue.

Trump devenu président a annoncé en mai 2025 un budget de la défense flirtant avec le seuil symbolique des 1 000 milliards de dollars (!), ce qui a suscité une avalanche de réactions et de critiques au sein de son propre camp au CongrÚs, au sein des milieux stratégiques et de la presse spécialisée.

MalgrĂ© ce budget faramineux, Roger Wicker, prĂ©sident rĂ©publicain de la commission des forces armĂ©es du SĂ©nat, a dĂ©noncĂ© une proposition qui risque, selon lui, «d’anĂ©antir les capacitĂ©s militaires amĂ©ricaines et le soutien Ă  nos troupes». Mike Rogers, son homologue Ă  la Chambre, a fustigĂ© une «trajectoire budgĂ©taire irrĂ©aliste». Susan Collins et Mitch McConnell, figures modĂ©rĂ©es et influentes, ont exprimĂ© leurs rĂ©serves quant Ă  l’usage d’«artifices comptables» pour faire illusion, prĂ©venant que le CongrĂšs ne saurait ĂȘtre «dupĂ© par une ingĂ©nierie financiĂšre aussi instable».

Les consultants en défense mÚnent depuis un mois une campagne auprÚs des élus, expliquant que «la crédibilité de la puissance américaine est à ce prix».

Dans les mĂ©dias et les publications proches du lobby militaire, les tribunes se multiplient pour alerter sur le «dĂ©crochage capacitaire» des États-Unis face Ă  la Chine, Ă  la Russie ou mĂȘme Ă  l’Iran. La Foundation for Defense of Democracies, fortement financĂ©e par l’industrie de l’armement, s’indigne : «On ne peut pas faire la paix par la force avec un modeste budget de paix». Ce refrain trouve un Ă©cho jusque dans les rĂ©seaux sociaux, oĂč certains influents vĂ©tĂ©rans n’hĂ©sitent pas Ă  qualifier ce budget de «trahison envers nos troupes».

Enfin, la rĂ©action la plus rĂ©vĂ©latrice est le «silence» des marchĂ©s financiers. À l’annonce du budget, les titres de la dĂ©fense ont peu rĂ©agi, signe que les investisseurs savent dĂ©jĂ  que, quel que soit le chiffre affichĂ©, les arbitrages rĂ©els se jouent ailleurs. Dans les commissions. Dans les comitĂ©s restreints. Et dans ce triangle d’influence oĂč la guerre est moins une nĂ©cessitĂ© qu’un modĂšle Ă©conomique.

La guerre, ultime valeur refuge des fonds d’investissement ?

Le silence des marchĂ©s face Ă  la montĂ©e en puissance des dĂ©penses militaires rĂ©vĂšle moins une indiffĂ©rence qu’un ajustement structurel : celui d’un capitalisme qui intĂšgre la guerre comme levier stable, mais Ă©conomiquement questionnable. L’industrie de la dĂ©fense, hautement concentrĂ©e et protĂ©gĂ©e par des contrats publics, opĂšre en marge des logiques de marchĂ©, Ă©chappant Ă  la concurrence et Ă  l’allocation efficiente des ressources. Sa production, orientĂ©e vers la dissuasion, ne contribue que marginalement Ă  l’innovation ou Ă  la croissance civile.

Ce dĂ©sĂ©quilibre s’accompagne d’un arbitrage budgĂ©taire risquĂ© : en canalisant des ressources considĂ©rables vers des secteurs Ă  faible rendement sociĂ©tal, il fragilise Ă  terme l’investissement dans les infrastructures fondamentales de l’économie rĂ©elle. Cette logique, dĂ©sormais renforcĂ©e par les flux de capitaux institutionnels orientĂ©s vers un secteur jugĂ© rĂ©silient, accentue la tension entre impĂ©ratif stratĂ©gique immĂ©diat et soutenabilitĂ© Ă©conomique de long terme.

Financiarisation stratégique du complexe militaro-industriel

Les fonds d’investissement sont les plus importants actionnaires de toutes les grandes entreprises de dĂ©fense : Lockheed Martin, Raytheon, General Dynamics
 Leur poids est tel qu’ils votent les orientations stratĂ©giques, influencent les politiques ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance), et orientent les flux de capitaux vers les secteurs jugĂ©s «rĂ©silients».

Ces fonds n’investissent pas par idĂ©ologie, mais par logique : la guerre, c’est du rendement prĂ©visible. Les contrats publics sont massifs, rĂ©currents, indexĂ©s sur l’inflation. Les marges sont solides. Et les besoins, depuis 2001, sont devenus structurels. Difficile de trouver un secteur plus protĂ©gĂ© du cycle Ă©conomique.

Dividendes record, morts invisibles

En 2023, Lockheed Martin a distribuĂ© environ 9,1 milliards de dollars en dividendes et rachats d’actions, Raytheon Technologies environ 3,24 milliards de dollars exclusivement en dividendes, et General Dynamics environ 1,35 milliard de dollars ; en 2024, les montants versĂ©s s’élĂšvent Ă  environ 3,13 milliards de dollars pour Raytheon et 1,43 milliard de dollars pour General Dynamics, tandis que Lockheed Martin n’a pas encore publiĂ© de total annuel consolidĂ©.

Mais au-delĂ  des chiffres et des bilans financiers, un autre bilan s’impose : celui du coĂ»t rĂ©el des guerres.

Depuis 2001, les guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au YĂ©men, au Pakistan, en Ukraine et au-delĂ  ont engendrĂ© un coĂ»t global estimĂ© Ă  plus de 9 000 milliards de dollars. Ce fardeau colossal, majoritairement financĂ© par la dette publique, reprĂ©sente non seulement une charge budgĂ©taire intergĂ©nĂ©rationnelle, mais alimente aussi les dividendes d’un complexe militaro-industriel devenu structurellement dĂ©pendant de la guerre.

Mais le coĂ»t humain est encore plus vertigineux. Selon le Watson Institute, ces conflits ont causĂ© entre 4,5 et 4,7 millions de morts, dont prĂšs d’un million directement sur les champs de bataille, et plus de 3,6 millions de morts indirectes liĂ©es aux dĂ©placements forcĂ©s, aux famines, aux effondrements sanitaires. Ces chiffres dĂ©voilent un paradoxe glaçant : alors que la guerre est devenue un levier budgĂ©taire et un actif spĂ©culatif pour les marchĂ©s, elle demeure un gouffre humanitaire aux consĂ©quences irrĂ©parables.

Ce paradoxe est d’autant plus alarmant qu’il ne relĂšve pas du hasard : il est entretenu, nourri et diffusĂ© par un Ă©cosystĂšme d’influence oĂč les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques dictent les rĂ©cits stratĂ©giques.

Think tanks et narratifs : une guerre des idées financée

Une analyse approfondie du Quincy Institute met en lumiĂšre une mĂ©canique troublante au cƓur du dĂ©bat stratĂ©gique amĂ©ricain : la majoritĂ© des think tanks qui commentent les guerres sont financĂ©s par des fabricants d’armes ou leurs sous-traitants. Sur 27 institutions analysĂ©es, 21 reçoivent des fonds du complexe militaro-industriel, et 100 % des dix plus citĂ©es dans les mĂ©dias entretiennent des liens financiers directs avec des acteurs de l’armement. Ce biais se traduit dans l’espace mĂ©diatique par une surreprĂ©sentation systĂ©matique : 85 % des citations d’experts dans la presse proviennent de ces think tanks, dont les analyses s’alignent majoritairement sur les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques de l’industrie de la dĂ©fense. Dans ce systĂšme, le financement privĂ© façonne discrĂštement le discours public, tandis que prĂšs d’un tiers de ces institutions refusent mĂȘme de divulguer leurs bailleurs de fonds.

Ce rĂ©seau d’influence tisse une alliance implicite entre les fonds d’investissement, les entreprises d’armement, les producteurs d’idĂ©es et les politiques. Il crĂ©e une symbiose singuliĂšre oĂč la guerre devient une variable de croissance, et la paix, un risque pour les dividendes. Les experts relayĂ©s ne sont pas neutres : ils sont souvent liĂ©s aux intĂ©rĂȘts financiers qui bĂ©nĂ©ficient du prolongement des conflits.

Trois gĂ©ants dĂ©tenus majoritairement par les fonds d’investissement

A titre d’exemple et pour ne citer que celles-ci, les trois grandes entreprises amĂ©ricaines d’armement Lockheed Martin, Raytheon Technologies et General Dynamics sont cotĂ©es Ă  Wall Street, sur le New York Stock Exchange (NYSE)-la bourse de New York, l’une des plus grandes bourses au monde. Elles font toutes partie de l’indice S&P 500 (les 500 plus grandes capitalisations boursiĂšres), ce qui signifie qu’elles sont largement prĂ©sentes dans les portefeuilles institutionnels et fonds indiciels – Exchange Traded Fund (ETF) qui rĂ©pliquent la performance de cet indice boursier.

Lockheed Martin, symbole de la puissance militaro-industrielle amĂ©ricaine, est un gĂ©ant incontournable dans le domaine de l’armement avancĂ© et des technologies de dĂ©fense. Son cƓur d’activitĂ© gravite autour de l’aĂ©ronautique militaire avec des fleurons comme le chasseur furtif F-35 Lightning II, le F-22 Raptor ou encore les cĂ©lĂšbres F-16 Fighting Falcon et le transport militaire C-130 Hercules. Mais Lockheed ne s’arrĂȘte pas lĂ  : il conçoit Ă©galement des missiles de haute prĂ©cision et Ă  longue portĂ©e, Ă  l’image du Trident II D5 (missile balistique intercontinental lancĂ© par sous-marin), de l’AGM-158 JASSM (missile de croisiĂšre furtif) ou du PAC-3 MSE, intercepteur emblĂ©matique intĂ©grĂ© au systĂšme Patriot. L’entreprise excelle aussi dans les systĂšmes de dĂ©fense antimissile, les satellites militaires et les dispositifs de guerre Ă©lectronique.

Au capital de Lockheed Martin, on retrouve une constellation des plus grandes institutions financiĂšres mondiales. State Street Corporation figure en premiĂšre ligne, suivi de prĂšs par The Vanguard Group et BlackRock. D’autres acteurs majeurs comme Charles Schwab Investment Management, Geode Capital, Morgan Stanley et Capital World Investors composent Ă©galement l’architecture actionnariale, illustrant le poids massif de la finance passive et de la gestion institutionnelle dans l’industrie de guerre.

Raytheon se positionne comme un maĂźtre d’Ɠuvre global dans les systĂšmes d’armement de prĂ©cision, avec une expertise reconnue dans les missiles, les radars, la dĂ©fense aĂ©rienne, les capteurs avancĂ©s et la guerre Ă©lectronique. Parmi ses crĂ©ations les plus redoutĂ©es figurent les systĂšmes de missiles sol-air, les radars phasĂ©s, les solutions de contre-mesures Ă©lectroniques embarquĂ©es, ainsi que des plateformes de dĂ©tection sophistiquĂ©es utilisĂ©es dans les théùtres d’opĂ©rations les plus complexes. Raytheon est souvent au cƓur de l’architecture de dĂ©fense aĂ©rienne intĂ©grĂ©e de nombreux pays de l’Otan et alliĂ©s des États-Unis.

Son actionnariat repose sur les piliers institutionnels de la finance mondiale. Vanguard et State Street, vĂ©ritables mastodontes de la gestion passive, dĂ©tiennent une part substantielle de l’entreprise, suivis par BlackRock, Capital Research, Dodge & Cox, ainsi que Merrill Lynch International. Cette prĂ©sence dense des grands gestionnaires dans le capital de Raytheon tĂ©moigne de la rentabilitĂ© structurelle de la guerre dans les portefeuilles long terme.

General Dynamics se distingue par une capacitĂ© rare Ă  couvrir l’ensemble du spectre de la guerre conventionnelle. Ses spĂ©cialitĂ©s vont des systĂšmes terrestres — notamment les chars Abrams, les blindĂ©s Stryker et d’autres vĂ©hicules de combat — Ă  la construction navale avec des sous-marins nuclĂ©aires et des destroyers pour la marine amĂ©ricaine. L’entreprise est Ă©galement active dans la fourniture de munitions, de piĂšces d’artillerie et de systĂšmes d’information et de cybersĂ©curitĂ© destinĂ©s Ă  l’armĂ©e et aux agences de renseignement.

Le capital de General Dynamics est dominĂ© par Longview Asset Management, suivi de prĂšs par The Vanguard Group et BlackRock. Newport Trust Company et State Street Corporation complĂštent ce noyau actionnarial. Cette composition reflĂšte, lĂ  encore, une alliance solide entre le capital institutionnel et l’économie de dĂ©fense, oĂč la rentabilitĂ© s’appuie sur des contrats publics de longue durĂ©e, une demande stable, et une position stratĂ©gique dans l’appareil militaire amĂ©ricain.

Quand l’instabilitĂ© devient une stratĂ©gie d’investissement

DerriĂšre les Ă©quilibres actionnariaux, c’est une architecture financiĂšre sophistiquĂ©e qui se dĂ©ploie, oĂč l’instabilitĂ© gĂ©opolitique cesse d’ĂȘtre une menace pour devenir une source anticipĂ©e de rendement. Dans ce paradigme inversĂ©, la guerre n’est plus un choc mais un scĂ©nario intĂ©grĂ©, valorisĂ© pour sa prĂ©visibilitĂ© budgĂ©taire, ses marges garanties et sa capacitĂ© Ă  structurer durablement les flux de capitaux.

La paix, quant Ă  elle, devient un actif incertain, moins lisible pour les algorithmes de gestion. DĂ©sormais, les tensions mondiales alimentent les matrices d’allocation, transformant la guerre en variable stratĂ©gique — non pas subie, mais modĂ©lisĂ©e, arbitrĂ©e, et parfois implicitement souhaitĂ©e. Ce dĂ©placement moral du capital appelle une reconfiguration urgente des critĂšres d’investissement et des finalitĂ©s gĂ©oĂ©conomiques.

Ainsi se dessine, au croisement de la gĂ©opolitique et de la finance, une mĂ©canique redoutablement rationnelle oĂč la guerre, jadis tragĂ©die, devient opportunitĂ© ; oĂč la paix, hier horizon de progrĂšs, se voit relĂ©guĂ©e au rang d’anomalie risquĂ©e. Loin d’un simple dysfonctionnement moral, c’est l’architecture mĂȘme du capitalisme contemporain qui est interpellĂ©e, dans sa capacitĂ© Ă  distinguer crĂ©ation de valeur et destruction de sens. Face Ă  la financiarisation croissante des guerres, il devient urgent de repenser les grilles d’évaluation, redĂ©finir les finalitĂ©s de l’investissement, et restaurer l’exigence d’un rendement alignĂ© non sur l’effondrement des nations, mais sur leur stabilitĂ©, leur dignitĂ© et leur avenir. Car si les marchĂ©s peuvent tout anticiper — y compris la guerre — il appartient aux sociĂ©tĂ©s humaines de choisir, lucidement, ce qu’elles veulent valoriser.

* Economiste, banquier et financier.

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