Attaque israélienne au Qatar : plus de questions embarrassantes que de réponses
Ondes de choc dans la région du Moyen-Orient suite aux frappes israéliennes sur le Qatar. Les pétromonarchies du Golfe ont du mal à concevoir que l’État hébreu n’ait pas eu le feu vert de Washington. Ce qui les incite à s’interroger sur leur système d’alliances et de sécurité militaire, entièrement indexé sur les Américains.
Au-delà des slogans creux et de démonstration de force diplomatique contre « l’entité sioniste » destinée à la consommation locale, que retenir du sommet conjoint exceptionnel de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui a eu lieu hier lundi à Doha. Lequel aura réuni 57 dirigeants de pays représentant environ 1,6 milliard musulmans pour soutenir le petit Emirat gazier. Et ce, suite à l’attaque israélienne ayant ciblé des responsables du Hamas palestinien au Qatar la semaine dernière ?
Rien à se mettre sous la dent à l’exception d’un timide appel à « revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël. De même qu’ « à engager des poursuites à son encontre » et « coordonner les efforts visant à suspendre l’adhésion d’Israël aux Nations unies ».
Quant aux six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui se sont rencontrées en marge du sommet à Doha, elles se sont contentées d’appeler pathétiquement leur protecteur, les Etats-Unis à « user de leur influence » pour contenir Israël.
N’est-il pas déconcertant de constater qu’à aucun moment, il n’a été question que les pays arabes ayant normalisé avec l’Etat hébreu- en l’occurrence l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, les Emirats-arabes-unis, le Bahreïn et le Soudan- n’aient évoqué même du bout des lèvres une éventuelle rupture de leur relation avec Israël ? Autre signe qui ne trompe pas : les dirigeants des Emirats arabes unis, de Bahreïn et du Maroc n’ont pas daigné faire le déplacement à Doha, envoyant à leur place de hauts représentants.
Dépendance totale
Reste un point essentiel qui aurait pu être évoqué en interne; mais que les dirigeants du Golfe évitent absolument de divulguer : la dépendance du Qatar et des monarchies pétrolières à la protection américaine.
Car, est-il envisageable que Doha, la capitale d’un pays allié majeur des États-Unis, soit bombardée sans que ces derniers ne soient informés ? Pourquoi le Qatar n’a-t-il été notifié qu’une fois les missiles israéliens lancés, donc trop tard pour réagir ?
Soupçons légitimes
Surtout, n’est-il pas légitime de penser que les défenses aériennes qataries aient été désactivées ou rendues inutilisables à distance, notamment grâce à des systèmes d’exploitation et de maintenance gérés à distance, comme pour les avions de combat F-35 ? Sachant que les États-Unis peuvent clouer un avion au sol en suspendant les mises à jour logicielles essentielles. Ce qui rend de facto l’appareil obsolète et inutilisable. Et ce, d’autant plus que la loi américaine sur le contrôle des exportations d’armes (ITAR) régit la vente d’armes et de composants. Ainsi, en cas de conflit ou de non-respect des termes, Washington peut refuser les mises à jour, la fourniture de pièces de rechange ou des licences d’exportation nécessaires au fonctionnement.
Les avions de combat F-35 illustrent parfaitement cette dépendance. Ces appareils de cinquième génération nécessitent des mises à jour régulières et sont connectés à des systèmes de communication sous contrôle américain. En cas de conflit d’intérêts, Washington pourrait décider de restreindre ou désactiver certaines fonctions critiques, clouant ainsi ces avions au sol.
Qui fait fonctionner les Patriots ?
Rappelons à ce propos que le Qatar dispose de systèmes modernes de défense, notamment d’origine américaine, tels que le Patriot PAC-3, ainsi que d’accords de coopération militaire avec Washington. Le pays abrite également la base aérienne d’Al-Udeid, la plus grande implantation militaire américaine au Moyen-Orient.
Dans ce contexte, les États-Unis exercent une influence stratégique sur la gestion des défenses aériennes qataries. Mais, qui assure en vérité la mise en marche de ces systèmes de défense aérienne extrêmement sophistiqués ? Les techniciens Qatari ? Il est permis d’en douter.
Bref, aucune preuve n’indique que les Américains aient volontairement neutralisé les défenses aériennes du Qatar pour permettre des opérations israéliennes. Mais, il n’en demeure pas moins que la sécurité du Qatar et des monarchies du Golfe dépend entièrement et exclusivement du parapluie américain qui s’est avéré poreux comme un couscoussier.
Et que dire de l’itinéraire qu’aurait pris l’aviation israélienne pour mener des frappes directes contre le Qatar ? La distance entre les deux pays étant d’environ 1 800 km en ligne droite. Ce qui dépasse les capacités opérationnelles de la plupart des chasseurs israéliens sans ravitaillement aérien et qui nécessitent une logistique lourde et visible, difficile à dissimuler…
En effet, pour rejoindre le Qatar, l’aviation israélienne devrait théoriquement traverser l’espace aérien de plusieurs pays arabes à l’instar de l’Arabie saoudite, l’Irak, ou le Bahreïn selon la trajectoire. Ce qui implique forcement des accords diplomatiques explicites. Que de questions gênantes pour les uns et pour les autres.
L’article Attaque israélienne au Qatar : plus de questions embarrassantes que de réponses est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.