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Tourisme : Pourquoi la Tunisie doit moderniser d’urgence son secteur hôtelier ?

27. August 2025 um 07:04

Alors que la haute saison touristique bat son plein, la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) multiplie les appels à une stratégie plus volontariste en faveur du secteur. Dans l’entretien ci-après avec WMC, Jalel Hinchiri, vice-président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie dresse un état des lieux du booking, revient, sur les nouvelles tendances du tourisme, déplore l’insuffisance des incitations fiscales et alerte sur la nécessité d’accélérer la modernisation du modèle hôtelier tunisien.

 Quelle est la situation actuelle du booking dans les établissements hôteliers tunisiens ? 

Pour le moment, nous ne sommes pas encore en période de surbooking. Mais comme chaque année, nous anticipons des taux de remplissage très élevés entre le 15 juillet et le 25 août. Cela dit, la tendance actuelle ne diffère pas fondamentalement des saisons précédentes : une forte pression sur la haute saison, alors que les ailes de saison restent encore sous-exploitées.

Les plateformes de réservation en ligne changent-elles la donne pour les hôteliers ?  Absolument. Ces plateformes permettent une gestion plus fine du couple prix-remplissage, ce que l’on appelle le yield management qui repose sur l’analyse de données et l’anticipation du comportement des clients pour déterminer le prix optimal à chaque instant.  Soit une tarification dynamique qui s’adapte en temps réel à l’offre et à la demande.

Les plateformes offrent plus de flexibilité dans l’ajustement des tarifs en fonction de la demande. Malgré le déficit de sièges aériens, elles pèsent de plus en plus sur les réservations, notamment en avant-saison et arrière-saison. Elles sont devenues des outils incontournables dans notre politique tarifaire.

« La Tunisie possède un produit touristique de grande qualité, riche en atouts balnéaires, culturels et humains. Mais nous n’en tirons pas pleinement parti. C’est comme avoir une Ferrari et la conduire à 5 km/h : le potentiel est là, mais il faut l’exploiter avec audace et stratégie. »

La centralisation des réservations ne pénalise-t-elle pas les hôtels indépendants ? 

Pas nécessairement. La question essentielle est celle de la rentabilité. La gestion directe des réservations exige des ressources humaines, technologiques et financières importantes. Pour un établissement indépendant, il n’est pas toujours rentable d’assumer cette charge. La centralisation via les plateformes peut donc représenter une forme d’optimisation commerciale et financière, à condition de maîtriser sa visibilité digitale.

Quelles sont actuellement les régions les plus prisées par les touristes européens dits “traditionnels” ?

Djerba et Sousse restent de loin les régions les plus demandés, notamment auprès des marchés français, allemand et italien. Son accessibilité, ses infrastructures, et son offre culturelle et balnéaire en font un produit complet et attractif.

Voyez-vous émerger de nouvelles typologies de clientèle ? 

Oui, des signaux clairs émergent : digital nomads, tourisme de bien-être, tourisme religieux ou mémoriel… La demande existe, mais l’offre doit suivre. Pour répondre à ces nouveaux profils, la destination doit évoluer : transports internes et internationaux plus efficaces, qualité de service accrue, programmation culturelle enrichie, animation touristique repensée, et marketing digital structuré.

Les marchés libyen et algérien ne doivent plus être perçus comme des solutions de substitution temporaires. Ils sont devenus structurels et représentent aujourd’hui plus de la moitié de nos visiteurs.

 

Les marchés maghrébins, algérien et libyen, sont-ils devenus structurels pour la Tunisie ? 

Contrairement à certaines perceptions, ces marchés ne sont pas volatils. Ils représentent aujourd’hui plus de 50 % du volume total des visiteurs. Cette part importante nous permet de positionner la Tunisie comme une destination touristique autonome et résiliente, capable d’absorber les chocs géopolitiques ou économiques.

Quel est l’état actuel de l’investissement hôtelier dans le pays ?

Il reste relativement modeste. Il y a un intérêt croissant pour certains segments comme les boutique-hôtels, les écolodges ou les hôtels d’affaires, mais cet intérêt se heurte à de nombreux obstacles : lourdeurs administratives, accès difficile au financement, cadre réglementaire inadapté… Tout cela freine considérablement les initiatives.

Les labels environnementaux influencent-ils aujourd’hui les choix des investisseurs ?

Oui, de plus en plus. Les labels comme la Clef Verte, ISO ou d’autres certifications écologiques commencent à compter. Ils valorisent les établissements, répondent aux attentes des clientèles sensibles aux enjeux environnementaux, et peuvent même être un levier d’accès à certains financements ou partenariats. Les hôtels seront tôt ou tard obligés d’intégrer ces aspects dans leur stratégie.

« Les plateformes de réservation en ligne, avec leur tarification dynamique, sont devenues incontournables. Elles permettent d’optimiser l’équilibre prix-remplissage, mais exigent aussi des hôteliers une véritable maîtrise du digital et de leur visibilité internationale. »

 Comment jugez-vous aujourd’hui la qualité des prestations offertes par les établissements tunisiens ?

Nous recevons des retours plutôt positifs sur les plateformes d’évaluation internationales. Les notes sont en progression constante, ce qui reflète une amélioration des services. Cela nous a permis d’augmenter les tarifs tout en maintenant, voire en augmentant, les volumes de réservation. Mais des efforts restent nécessaires, notamment sur la restauration, l’hygiène et le service client.

Qu’en est-il de la formation professionnelle dans le secteur ?

C’est là où le bât blesse. Les efforts des pouvoirs publics et du privé restent très modestes. On souffre d’un déficit de formation qualifiante, mais aussi d’une fuite des compétences vers l’étranger. Or, sans revalorisation des métiers et sans politiques RH ambitieuses, l’hôtellerie tunisienne aura du mal à franchir un nouveau cap.

Quel impact du  nouveau Code du travail  sur le secteur hôtelier ?

Aujourd’hui, il y a beaucoup d’incertitudes. Le cadre juridique reste flou, et cela rend la gestion du personnel plus complexe. Les professionnels sont en attente d’une vision claire et stable, qui tienne compte des spécificités du secteur, notamment en matière de saisonnalité et de flexibilité.

L’augmentation de la taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires dans la loi de finances 2025 est une double peine : elle réduit la rentabilité des établissements et affaiblit la compétitivité de la Tunisie face à ses concurrents méditerranéens.

 

Quels sont les effets de la loi de finances 2025 sur l’activité hôtelière ?

Malheureusement pas très positifs.  L’augmentation de la taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires est doublement pénalisante : elle réduit la rentabilité financière des établissements et nuit à la compétitivité de la destination. Nous aurions espéré des mesures plus incitatives, notamment pour accompagner la relance post-Covid et la transition vers un modèle durable.

Le tourisme durable est-il devenu un passage obligé ? 

C’est aujourd’hui un impératif. Non seulement pour répondre aux attentes des clientèles, mais aussi pour assurer la pérennité du secteur. Le développement durable ne doit plus être perçu comme un luxe, mais comme un levier stratégique de compétitivité.

Existe-t-il des modèles étrangers qui inspirent la FTH ?

À titre personnel, je citerais les îles Maurice pour leur excellence balnéaire, et l’Espagne pour sa capacité à capter la jeunesse, un segment encore trop négligé en Tunisie. Nous avons beaucoup à apprendre de ces destinations, en matière d’offre, de gouvernance et de marketing.

Le tourisme durable n’est plus une option ni un luxe. C’est un impératif vital pour la compétitivité future de notre hôtellerie, mais aussi pour préserver nos ressources naturelles et répondre aux attentes des voyageurs d’aujourd’hui.

 

Quel visage imaginez-vous pour l’hôtel tunisien de demain ? 

Je commencerai par évoquer les perspectives du tourisme en Tunisie. Cette année, nous tablons sur 11 millions de visiteurs et entre 27 et 28 millions de nuitées. Mais nous pouvons viser plus haut.

Avec une vision partagée et des efforts coordonnés, nous pouvons atteindre, d’ici trois ans, les 20 millions de touristes et doubler les recettes en devises. Pour cela, il est impératif que le ministère de tutelle, les pouvoirs publics, les institutions financières et les professionnels du secteur jouent à l’unisson.

Il ne s’agit plus d’empiler les recommandations issues d’études et d’assises : il faut les traduire en actions concrètes, oser les restructurations nécessaires, lancer les mises à niveau Un partenaire m’a récemment glissé une remarque frappante : “La Tunisie possède un produit touristique de grande qualité, mais elle n’en tire pas parti. C’est comme avoir une Ferrari et la conduire à 5 km/h

En ce qui concerne les structures hôtelières, je milite pour un nouveau modèle : des établissements écoresponsables, économes en énergie et en eau, connectés, mais avant tout centré sur l’expérience client. Ils devront proposer des services personnalisés, un design inspiré du patrimoine local, et s’intégrer dans un écosystème touristique entièrement repensé.

Le modèle économique évoluera vers davantage de durabilité, en générant plus de valeur ajoutée locale et en assurant une meilleure résilience du secte La Tunisie n’a jamais manqué de talents, ni d’atouts. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est le courage d’agir, ensemble et avec ambition. Nous avons toutes les cartes en main pour faire du tourisme un vrai levier de prospérité nationale.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • 11 millions de visiteurs attendus en 2025, avec un objectif de 20 millions d’ici trois ans.
  • Les marchés libyen et algérien sont devenus structurels et représentent plus de 50 % des arrivées.
  • Les plateformes de réservation en ligne imposent la tarification dynamique et pèsent sur la stratégie hôtelière.
  • Le secteur souffre d’un déficit de formation qualifiante et d’une fuite des compétences vers l’étranger.
  • La taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires fragilise la rentabilité et la compétitivité des hôtels tunisiens.

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