ECLAIRAGES – Un déficit structurel du commerce extérieur tunisien aggravé malgré des signaux d’investissement
Alors que la Tunisie s’efforce de naviguer dans un contexte économique mondial incertain, le premier trimestre de 2025 met en lumière la fragilité de son commerce extérieur, illustrée par un déficit commercial alarmant de 5 050,5 millions de dinars. Cette dynamique, accentuée par une baisse marquée des exportations dans des secteurs clés et une dépendance persistante aux importations, soulève des questions sur la compétitivité de l’économie tunisienne. Entre espoirs d’investissement et défis structurels, quelles stratégies adopter pour redresser la balance commerciale et garantir la pérennité de l’économie nationale ? »
Une dégradation marquée de la balance commerciale
Les dernières statistiques publiées par l’Institut national de la statistique (INS) révèlent une aggravation préoccupante du déficit commercial de la Tunisie au premier trimestre 2025. Celui-ci s’élève à -5 050,5 millions de dinars (MDT), contre -3 027,4 MDT durant la même période en 2024.
Ce creusement résulte d’une baisse des exportations de -5,9 % (15 325,1 MDT), combinée à une hausse des importations de +5,5 % (20 375,5 MDT), ce qui fait chuter le taux de couverture des importations par les exportations à 75,2 %, contre 84,3 % un an auparavant.
Des exportations sous pression dans les secteurs stratégiques
La dégradation des exportations touche plusieurs secteurs clés de l’économie tunisienne. Le secteur de l’énergie enregistre une chute spectaculaire de 34 %, en raison d’un effondrement des ventes de produits raffinés (78,2 MDT contre 499,3 MDT). Le secteur agroalimentaire recule de 18 %, principalement à cause de la baisse des ventes d’huiles d’olive.
D’autres secteurs stratégiques sont également en repli :
Industries mécaniques et électriques : -2,4 %
Textile, habillement et cuirs : -2,6 %
Mines, phosphates et dérivés : -8,6 %.
Ces tendances traduisent une érosion de la compétitivité extérieure, accentuée par la faiblesse de l’offre exportable et la dépendance aux produits à faible valeur ajoutée.
Des importations dynamiques, signes d’un redémarrage industriel ?
Côté importations, la progression des achats concerne principalement :
Les biens d’équipement : +18,3 %
Les matières premières et demi-produits : +5,1 %
Les biens de consommation : +13,9 %.
Ces hausses pourraient traduire une dynamique de reprise de l’investissement et du tissu productif, bien que la consommation conserve une place importante. À l’inverse, les importations de produits énergétiques reculent de 9,6 % et celles de produits alimentaires de 2,1 %, allégeant légèrement la pression sur la facture extérieure.
Une réorientation partielle des échanges commerciaux
Sur le plan géographique, les exportations tunisiennes vers l’Union européenne – qui représentent 70,1 % du total – sont en baisse, passant de 11 620,5 MDT à 10 736,9 MDT. Les exportations diminuent vers la France (-5,7 %), l’Italie (-11,3 %) et l’Espagne (-35,3 %), mais augmentent vers l’Allemagne (+7,8 %) et les Pays-Bas (+13,4 %).
En revanche, les exportations vers les pays arabes progressent nettement :
Libye : +39,6 %
Maroc : +38,6 %
Algérie : +15,3 %
Égypte : +155,7 %.
Du côté des importations, la Tunisie reste dépendante de l’Union européenne (42,9 % des importations totales), avec une hausse notable des échanges avec la France (+8,1 %), l’Italie (+0,8 %) et l’Allemagne (+3,6 %). Hors UE, la Chine s’impose avec une progression spectaculaire des importations tunisiennes de +60,9 %, suivie par la Turquie (+13,7 %).
Un déficit énergétique toujours prépondérant
La structure du déficit commercial reste dominée par la dépendance énergétique. Sur les -5 050,5 MD de déficit total :
Le déficit énergétique s’élève à -2 881,7 MDT
Le déficit en matières premières et demi-produits : -1 616,2 MDT
Le déficit en biens d’équipement : -927,9 MDT
Le déficit en biens de consommation : -239,5 MDT
Seul le poste alimentaire affiche un excédent : +614,8 MDT.
Hors composante énergétique, le déficit commercial se réduit à -2 168,8 MDT, soulignant le poids disproportionné de la facture énergétique dans le déséquilibre des comptes extérieurs.
En définitive, une vulnérabilité structurelle persistante
Le creusement du déficit commercial tunisien au début de l’année 2025 confirme la vulnérabilité structurelle de l’économie face à la conjoncture internationale et aux déséquilibres internes.
Si certains signaux positifs apparaissent à travers la hausse des importations de biens d’équipement, la chute des exportations dans les secteurs phares reste préoccupante. Est-il possible d’espérer que le redressement durable des équilibres extérieurs passera par une stratégie plus volontariste de montée en gamme de l’offre exportable, de maîtrise énergétique et de diversification des partenaires commerciaux ?
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG).
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