«Tous les 100.000 passagers, on crĂ©e Ă peu prĂšs 400 emplois directs et indirects », dĂ©clare la DG des aĂ©roports dâEnfidha et Monastir
Aller chercher le manque Ă gagner en termes de touristes et de voyageurs au profit de lâĂ©conomie tunisienne grĂące au potentiel quâoffrent Enfidha et Monastir. Câest en substance le message que la directrice gĂ©nĂ©rale de la sociĂ©tĂ© gestionnaire de ces aĂ©roports veut lancer.
Quand elle parle de tourisme et de voyages en Tunisie, MĂ©lanie Lefebvre est rĂ©solument optimiste. La directrice gĂ©nĂ©rale de TAV Tunisie/ADP, en poste depuis fin 2023 dans le pays, est de toute Ă©vidence entrĂ©e de plain-pied dans le moule tunisien. Cette adaptation ne se limite pas aux simples conventions puisquâelle sâest mise Ă lâarabe, et plus prĂ©cisĂ©ment Ă des cours de dialecte tunisien qui lui ont permis de commencer Ă se familiariser avec certains mots dâusage et expressions du quotidien.
Mais au-delĂ de cet apprentissage, câest aussi et surtout sur le front du transport aĂ©rien et du tourisme quâelle sâest engagĂ©e pour faire bouger les lignes tant elle estime -avec conviction et sans prise de position opposĂ©e- que le potentiel de la Tunisie est de toute Ă©vidence sujet Ă une croissance soutenue malgrĂ© le risque que fait peser la concurrence des destinations rĂ©gionales.
Relations avec les autorités
MĂ©lanie Lefebvre croit dur comme fer dans un partenariat durable entre les diffĂ©rentes parties intervenantes dans cette longue boucle que constitue le secteur touristique : hĂŽtels, mais aussi aĂ©roports et autoritĂ©s. «Nous sommes dans un moment historique oĂč le ministre du Transport, le PDG de lâOACA, le DG de lâAviation civile sont tous venus voir Ă lâaĂ©roport la dynamique qui sâopĂšre depuis un an et comment cela Ă©volue positivement. Ils nous soutiennent dans le dĂ©veloppement du trafic et nous poussent Ă dĂ©velopper de nouvelles lignes nous disant que toute demande qui serait dĂ©posĂ©e serait vue dâun trĂšs bon Ćil, voire difficilement refusable», annonce-t-elle non sans fiertĂ© et faisant montre dâune rĂ©silience indĂ©niable. Car depuis 15 ans, lâentreprise nâa enregistrĂ© aucune remontĂ©e de dividendes.

LâaĂ©roport Enfidha-Hammamet a enregistrĂ© 1,3 million de passagers en 2024.
Au niveau du trafic aĂ©rien sur les deux aĂ©roports que sont Enfidha et Monastir, les rĂ©sultats sont encore loin des espĂ©rances, sinon des objectifs initiaux qui avaient Ă©tĂ© fixĂ©s notamment lors de leur entrĂ©e en exploitation sous la banniĂšre de lâentreprise turque TAV Airports, passĂ©e depuis sous contrĂŽle français avec ADP (devenu actionnaire majoritaire en 2017 avec plus de 46% du capital).
De ce fait, TAV Tunisie espĂšre pouvoir renĂ©gocier le contrat qui la lie avec les autoritĂ©s tunisiennes, notamment concernant les annĂ©es Covid «pour maintenir une sĂ©rĂ©nitĂ© contractuelle». Egalement sur la table, la question des droits de trafic pour «permettre un dĂ©veloppement pragmatique qui nĂ©cessite de la bienveillance sur les demandes qui vont ĂȘtre apportĂ©es sur les deux aĂ©roports.»
Un secteur créateur de valeur
«Si lâon remplissait la capacitĂ© de nos aĂ©roports actuels qui nâest pas utilisĂ©e (on ne parle pas dâextension), on crĂ©erait des centaines, voire des milliers dâemplois», soutient mordicus la responsable qui estime que pour tous les 100.000 passagers, Ă peu prĂšs 400 emplois directs et indirects sont crĂ©Ă©s.
Outre la crĂ©ation dâemploi, ce sont aussi dâimportants dividendes reversĂ©s Ă lâEtat tunisien quâelle rappelle. «Quand on fait une rĂšgle de 3, remplir notre capacitĂ© de 8 millions de passagers sur nos deux aĂ©roports, câest 7 milliards de dinars rĂ©injectĂ©s dans lâĂ©conomie tunisienne. Et je peux vous assurer que ce nâest pas ADP qui en prend la majeure partie.»
Marchés traditionnels et nouveaux
Dans sa vision prospective du secteur dans sa globalitĂ©, MĂ©lanie Lefebvre considĂšre que plusieurs marchĂ©s de lâEurope de lâOuest et de lâEst disposent encore dâun fort potentiel que la Tunisie peut exploiter. Elle cite Ă ce propos lâAllemagne, la Suisse, lâEspagne, lâItalie, la RĂ©publique tchĂšque mais aussi le marchĂ© polonais quâelle juge insuffisamment exploitĂ©, sans parler de la Russie.
«Il y a ensuite lâEldorado sur lequel on commence Ă mettre de petites graines: le marchĂ© chinois et le marchĂ© qatari qui a besoin de sâĂ©tendre.» Une dĂ©lĂ©gation chinoise a Ă©tĂ© Ă cet effet invitĂ©e dĂ©but dĂ©cembre Ă visiter les installations dans une dĂ©marche de prospection.
Un aéroport à décloisonner
Et quand elle parle dâEnfidha, sa directrice gĂ©nĂ©rale ne tarit pas dâĂ©loges sur son emplacement stratĂ©gique. Elle regrette Ă ce titre quâil soit perçu comme un aĂ©roport en retrait. «Il y a de la connectivitĂ© Ă mettre en place, taxis, bus, on se bat tous les jours pour arrĂȘter de voir cet aĂ©roport comme un aĂ©roport isolĂ©, non connectĂ©, alors quâil est idĂ©alement placé», regrette-t-elle aprĂšs les difficultĂ©s rencontrĂ©es pour mettre en place des liaisons rĂ©guliĂšres par bus ou pour rĂ©guler le trafic des taxis. Elle se dit toutefois attachĂ©e Ă rĂ©soudre la problĂ©matique du transport terrestre qui compte dĂ©sormais parmi ses prioritĂ©s de dĂ©veloppement.

LâaĂ©roport Habib Bourguiba de Monastir gĂ©rĂ© par TAV. La part de marchĂ© de lâopĂ©rateur a Ă©tĂ© 23,26% en termes de passagers en 2024.
Quant Ă lâaĂ©roport de Monastir, celui-ci fait lâobjet dâimportants investissements destinĂ©s Ă sa rĂ©novation Ă plusieurs niveaux, tant intĂ©rieurs quâextĂ©rieurs. «On ne laissera pas Monastir mourir de sa belle mort pour faire le focus sur Enfidha et on ne fera aucune concession sur la sĂ©curitĂ©, sur le maintien des infrastructures et le dĂ©veloppement des standards de qualité», assure-t-elle.
Pour ou contre lâOpen Sky
Pour MĂ©lanie Lefebvre, la question est tranchĂ©e: «il faut jouer avec le setup qui existe, câest Ă dire les accords bilatĂ©raux, les particularitĂ©s des aĂ©roports (ceux qui ne sont pas saturĂ©s)», prĂ©cisant quâelle nâutilise plus du tout le mot Open Sky «qui fait peur et qui tue complĂštement le marché». Elle prĂ©conise au contraire de dĂ©velopper le trafic sur des marchĂ©s ciblĂ©s et maĂźtrisĂ©s.
«Les diffĂ©rents intervenants comme les hĂŽtels et les aĂ©roports doivent se rĂ©unir pour discuter mais pas sâarrĂȘter sur les facteurs limitants. Oui il y a les accords bilatĂ©raux, mais quand on voit le bien pour la Tunisie, on peut sâarranger, on peut le faire de maniĂšre pragmatique.»
Sur le plan positionnement commercial, les aéroports de TAV revendiquent leur ADN touristique et ne peuvent donc pas se poser en concurrent de Tunis-Carthage lequel se positionne comme City Airport.
En termes de trafic, la part des vols charters sur les aĂ©roports gĂ©rĂ©s par TAV est aujourdâhui de 70%. LâidĂ©al pour la direction de la sociĂ©tĂ© serait dâĂ©quilibrer avec les vols rĂ©guliers en parts Ă©gales de 50% pour chaque catĂ©gorie, et ce afin justement de stimuler le trafic.
«Nous ne sommes pas dangereux insiste-t-elle encore, je dis Ă mes Ă©quipes: ne perdez pas de temps Ă rĂ©pondre aux attaques (des rĂ©seaux sociaux ndlr). La meilleure dĂ©monstration, câest que lâon arrive Ă avoir du trafic passager malgrĂ© les derniĂšres annĂ©es de crise, quâon le traite sur le modĂšle de lâexcellence ADP, et que lâon se rende compte que lâon peut dĂ©velopper lâĂ©conomie tunisienne.»
En dĂ©pit de la non rentabilitĂ© jusquâĂ prĂ©sent des deux aĂ©roports, il nây aura aucune renonciation et TAV/ADP ira au bout de sa concession jusquâen 2047, insiste MĂ©lanie Lefebvre, qui annonce 40 millions de dinars dâinvestissements rien quâen 2025 dont la plus grande majoritĂ© de lâenveloppe sera consacrĂ©e Ă lâaĂ©roport de Monastir.
HĂ©di HAMDI
Lâarticle «Tous les 100.000 passagers, on crĂ©e Ă peu prĂšs 400 emplois directs et indirects », dĂ©clare la DG des aĂ©roports dâEnfidha et Monastir est apparu en premier sur Tourisme, hĂŽtels, voyages en Tunisie et ailleurs.