Indice démocratique 2024 : La Tunisie un pays hybride
En cette période de bouleversements géopolitiques inquiétants en ce sens où elles viennent consacrer à la faveur du «trumpisme» la loi du plus fort, peut-on parler encore de coexistence pacifique entre les peuples ou encore de démocratie comme modèle idéal de gouvernance. Ce même modèle qui peinait déjà avant les récents changements à se faire accepter par tous les pays du monde.
A preuve, selon l’indice démocratique global 2024 publié, le 27 février 2025, par The Economist Intelligence Unit (EIU), «6,6 % seulement de la population mondiale vit aujourd’hui dans un régime considéré démocratique ». Plus grave, cette maigre proportion ne cesse de diminuer au fil des années. D’après le même indice « la démocratie a encore reculé dans le monde l’an dernier : 71 pays sont considérés comme des démocraties, soit 6 de moins qu’il y a une décennie, moitié moins qu’en 2014 (12,5 %)».
Pis encore, la démocratie a été instrumentalisée et travestie par le trumpisme pour accéder au pouvoir à des fins non pas de l’extension de la démocratie mais pour préserver l’ordre ultralibéral léonin. Ses porte-parole font flèche de tous bois pour le faire passer comme une entreprise d’extension de “la démocratie”, dans son acception occidentale (processus électoral purement politique avec statu quo socio-économique).
Conséquence : la démocratie en tant que modèle de gouvernement le plus indiqué pour les peuples n’est plus une référence même pour les anciennes démocraties les plus solides. A ce propos, l’EIU prévient que de nombreux pays démocratiques connaissent des difficultés non négligeables malgré leur indice relativement élevé (cas des pays de l’Union européenne).
Plusieurs sondages montrent, d’après cet indice, que de plus en plus de citoyens de ces pays ne font pas confiance à leur gouvernement, une situation mise en lumière par la mauvaise performance de plusieurs partis au pouvoir lors des élections tenues en 2024.
L’inflation post-pandémique et les inégalités économiques alimentent l’insatisfaction populaire et jouent un rôle « très important » dans la montée de partis populistes.
La Tunisie classée 93ème sur 167 pays listés
La question qui s’impose dès lors est la suivante : qu’en est- il de la démocratie en Tunisie. L’indice démocratique global 2024, qui «mesure» l’état de la démocratie en fonction de cinq critères :
- degré de libertés civiles,
- processus électoraux,
- fonctionnement du gouvernement,
- culture politique et
- participation politique,
L’indice a classée la Tunisie à la 93ème place sur un total de 167 pays listés. La Tunisie a vu ainsi son indice reculer de 0,88 point, « témoignant, d’après les auteurs de l’EIU, de la dérive autoritaire du président Kaïes Saïed».
Avec un score de 4,71 points la Tunisie figure parmi ce que l’indice appelle les pays à «Régime hybride», c’est- à-dire des régimes politiques qui combinent démocratie électorale et tendance autoritaire. Plus simplement encore, de tels régimes ne présentent qu’un nombre restreint de caractéristiques propres aux démocraties.
Au niveau local, les analystes appellent ce régime, une « démocrature », un régime politique qui, par son système d’élection et la relative liberté d’expression qu’il tolère, est démocratique, mais où la réalité de l’exercice du pouvoir penche vers la dictature et la suppression de l’État de droit. L’opposition tunisienne à ce régime l’appelle «un simulacre de démocratie».
La véritable démocratie est celle des individus démocrates
Il faut reconnaître qu’après le chaos et le désordre qui ont prévalu, lors de la soi-disant transition démocratique, depuis 2011 et jusqu’à ce jour, il est très, très, très difficile de parler de besoin de démocratie en Tunise, et ce, pour une simple raison : les tunisiens n’ont jamais été préparés à l’exercice de la démocratie.
L’expérience de cette malheureuse transition avec la partitocratie qu’elle a favorisée a montré qu’il n’existe, désormais, en Tunisie aucune institution politique, sociale ou économique qui peut prétendre qu’elle est démocratique. Mieux, il n’existe pas en Tunisie, aucun responsable politique, syndical ou économique qui peut oser dire qu’il est démocrate.
Et pour cause. Depuis l’accès du pays à l’indépendance en 1956, les dirigeants qui se sont relayés à sa tête n’ont jamais voulu de la démocratie et n’ont jamais aidé les tunisiens ni à s’en convaincre, ni à l’exercer. Car en matière de démocratie, l’essentiel réside dans son inculcation aux individus.
A ce sujet, l’universitaire et essayiste français Georges Burdeau disait à la fin de son ouvrage sur « la démocratie » : « finalement, la démocratie n’est pas dans les institutions, mais dans les hommes, il n’y pas de démocratie, mais seulement des démocrates». A bon entendeur.
Abou SARRA
Indice démocratique 2024 : où en est la Tunisie ?
Un recul démocratique mondial
6,6 % de la population mondiale vit sous un régime pleinement démocratique.
La démocratie recule : 71 pays classés démocratiques, contre 12,5 % en 2014.
La Tunisie en perte de vitesse
93e sur 167 pays selon l’indice démocratique 2024.
Score : 4,71/10 → Classification : régime hybride.
Dérive autoritaire pointée par The Economist Intelligence Unit.
“Il n’y a pas de démocratie, mais seulement des démocrates.” – Georges Burdeau
Entre démocratie électorale et autoritarisme, quel avenir pour la Tunisie ?.
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