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Le jeu complexe de l’Arabie saoudite

19. November 2024 um 09:57

La tragédie que vivent les Palestiniens ne cesse de creuser le fossé entre la passivité ou l’impuissance des gouvernants arabes et la solidarité des peuples arabes. Pour tenter de sauver les apparences, les dirigeants du Golfe qui viennent de se réunir à Riyad ont proposé une feuille de route appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et au Liban. Tout en réaffirmant la solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien.

Pour le leader régional, l’Arabie saoudite, la position officielle est sans ambigüité : la création d’un Etat palestinien (sur la base des frontières de 1967), avec Jérusalem-Est pour capitale, est une condition préalable à toute stabilisation (régionale) et normalisation (avec Israël). Un discours qui illustre le jeu complexe auquel joue le prince héritier Mohammed Ben Salman.

Des liens stratégiques avec les Etats-Unis

Historiquement, l’Arabie saoudite est le premier allié des Etats-Unis dans la région. Dès les années 30, les Etats-Unis s’emploient à contrôler l’extraction, mais également l’acheminement des ressources pétrolières. En février 1945, le président Franklin Roosevelt conclut avec le roi d’Arabie saoudite, Ibn Saoud, le « Pacte du Quincy » (accord historique qui tire son nom du navire de guerre américain sur lequel il a été conclu), prévoyant la garantie de l’approvisionnement des Etats-Unis en pétrole saoudien à des prix préférentiels, en échange de la protection du royaume saoudien contre une éventuelle agression (notamment de la part de l’Irak, de l’Iran et de l’Egypte).

Preuve de la force de l’alliance stratégique scellée entre Américains et Saoudiens, celle-ci a traversé les guerres israélo-arabes, la Guerre froide, les « guerres du Golfe » (1991 et 2003) et même les attentats du 11 septembre 2001 (impliquant des citoyens saoudiens) ou la guerre actuelle à Gaza.

Cette donne est-elle vouée à perdurer? Le prince héritier Mohammed ben Salmane (« MBS ») profite du désengagement américain du Moyen-Orient pour tenter d’imposer un nouvel ordre régional dans un monde multipolaire.

Un rapprochement stratégique avec la Russie, la Chine et… l’Iran

Sans remettre en cause son alliance militaire avec les États-Unis, l’Arabie saoudite est de plus en plus liée à la Russie (partenariat stratégique sur l’OPEP+) et à la Chine (son premier importateur de pétrole et principal partenaire commercial). Pékin a joué un rôle décisif (d’intermédiaire) dans le rapprochement entre deux grandes puissances régionales et adversaires stratégiques : l’Arabie saoudite et l’Iran (médiation qui a abouti au rétablissement de leurs relations diplomatiques en mars 2023). L’événement acte l’ascension de la Chine (les négociations secrètes se sont conclues sous son égide) en tant qu’acteur stratégique dans la région du Moyen-Orient (Pékin est devenu un partenaire des monarchies de la péninsule arabique), sur fond de désengagement américain.

Récemment, l’Arabie saoudite a affiché son soutien à l’Iran dans sa confrontation avec Israël et tente même d’apparaître comme le garant de la cause palestinienne, fonction inhérente à toute puissance qui souhaite s’imposer comme leader du monde arabo-musulman.

Partant, non seulement la pétromonarchie se tourne vers la Chine et se rapproche de l’Iran, mais elle s’éloigne de la perspective de normalisation avec Israël, pourtant ouverte par la signature des « accords Abrahams », du nom des deux traités de paix conclus en 2020 (sous l’égide du président Trump) entre Israël et les Emirats arabes unis, d’une part; et entre Israël et Bahreïn, d’autre part. Le royaume saoudien pourrait être tenté de renforcer un sous-système régional pétrolier et musulman. Et ce, en s’appuyant notamment sur l’instrument à la fois sécuritaire et économique que représente le Conseil de coopération du Golfe (CCG).

A travers son jeu complexe, il s’agit pour l’Arabie saoudite d’ériger un Moyen-Orient stabilisé et développé, qui transcenderait les traditionnels clivages religieux et géopolitiques. Le tout sans volonté de remise en cause des régimes de la région.

Reste que l’émancipation de l’Arabie saoudite par rapport aux Etats-Unis renforce d’autant plus l’enjeu de la relation stratégique entre la puissance américaine et son premier allié dans la région : Israël.

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Trump : une élection contre la mondialisation

12. November 2024 um 09:18

La victoire de Trump à l’élection présidentielle américaine est aussi celle de l’isolationnisme et du protectionnisme. Le discours de campagne du président élu s’est focalisé sur la lutte contre l’immigration et sur la nécessité de plus taxer les produits étrangers importés. Le slogan trumpiste « America first » s’inscrit dans un mouvement plus global remettant en cause la mondialisation et valorisant le retour des frontières contre la libre circulation des personnes et des marchandises.

 

De la crise financière de 2008 à la guerre en Ukraine en passant par le « Brexit », l’élection de Donald Trump et les crises sociales dans le « Sud global » (creusant les inégalités entre pays riches et pays pauvres), le discours sur la « mondialisation heureuse » est battu en brèche.

La remise en cause de la mondialisation

D’une part, la mondialisation, jusque-là considérée comme une force d’harmonisation et de pacification planétaire, est porteuse de fragmentation et de conflictualité, du fait de la montée en puissance de la Chine et autres grands pays émergents qu’elle favorisait; ainsi que des réactions identitaires et réactionnaires qu’elle provoquait un peu partout dans le monde.

D’autre part, la perspective d’une prospérité généralisée, d’un borderless world et d’un marché mondial régi par une « concurrence libre et non faussée », n’est plus à l’ordre du jour.

Dans le monde occidental, la confiance dans le modèle du libre-échange a perdu de son attractivité face à la fragilisation des classes populaires/moyennes par la fermeture d’usines, la destruction d’emplois et le creusement des inégalités. La mondialisation est de plus en plus perçue par les opinions publiques occidentales comme une source de risque et de vulnérabilité.

 

D’autre part, la perspective d’une prospérité généralisée, d’un borderless world et d’un marché mondial régi par une « concurrence libre et non faussée », n’est plus à l’ordre du jour.

 

La pandémie de Covid-19 (avec la dépendance aux masques et aux médicaments « made in China ») a servi de révélateur. Et la guerre en Ukraine (et ses conséquences sur les marchés des énergies et des céréales) a confirmé l’enjeu clé de la sécurité des chaînes mondiales de production et d’approvisionnement.

Partant, un souverainisme politique et économique se diffuse et affecte l’ordre international libéral établi en 1945. Le découplage et la réindustrialisation ont fait irruption dans les débats stratégiques, avec en toile de fond la résurgence du thème de la souveraineté (alimentaire, industrielle, technologique, etc.) et des pratiques protectionnistes.

Un mouvement de démondialisation

Un mouvement de « démondialisation » (conjuguant mesures protectionnistes et plans de subventions massives) prend forme. Même si l’idée doit être nuancée et relativisée, les fondements de la mondialisation sont mis en cause depuis la crise financière de 2008, mais également la première présidence Trump et la pandémie de Covid-19. Le retour des nations et du nationalisme, le néo-nationalisme en vogue (y compris dans les démocraties occidentales) se traduit par une défiance à l’endroit du multilatéralisme (institutionnel et normatif) et du libre-échange.

La vague protectionniste occidentale actuelle a des causes multiples. Elles vont de la crise financière de 2008-2009 à la prise de conscience post-Covid des vulnérabilités de certaines chaînes de valeur dans des secteurs stratégiques. S’y ajoutent les exigences de la bataille climatique et, pour les Etats-Unis, la rivalité avec la Chine dans les technologies de l’avenir.

 

Le retour des nations et du nationalisme, le néo-nationalisme en vogue (y compris dans les démocraties occidentales) se traduit par une défiance à l’endroit du multilatéralisme (institutionnel et normatif) et du libre-échange.

 

Enfin, ce moment protectionniste est aussi une réponse occidentale à la politique économique de Pékin. Aux dépens de la consommation intérieure, la Chine fonde sa croissance sur un blitz à l’exportation – un assaut planifié et survitaminé aux subventions publiques. « Concurrence déloyale », disent les Américains, qui répliquent. Tarifs douaniers sur nombre d’importations chinoises (100 % sur les véhicules électriques). Embargo sur une partie du high-tech américain à destination de la Chine.

La montée du protectionnisme occidental, doublée d’une baisse tendancielle de l’aide internationale, frappe les plus pauvres en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Un tournant unilatéraliste et protectionniste susceptible de nourrir une guerre commerciale entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe, et d’exacerber les tensions internationales, en particulier entre les Etats-Unis et la Chine…

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