Réunissant professionnels du contrôle technique, représentants ministériels et experts, un atelier organisé par la Conect a mis en lumière les défaillances structurelles du secteur de l’inspection technique en Tunisie. Entre appels à la réforme, critiques des procédures et propositions d’évolution, les discussions ont souligné l’urgence d’une refonte juridique et organisationnelle de la filière.
La Presse — Le Groupement professionnel des organismes d’Inspection Technique de la Conect a organisé, récemment à Tunis, un atelier de réflexion autour du «Contrôle technique et sécurité industrielle», notamment les enjeux du secteur, ses défis, mais également ses opportunités d’investissement.
L’objectif était sans aucun doute de mettre autour d’une table les professionnels du secteur, avec leurs revendications, et les décideurs, qui eux aussi émettent certaines réserves quant au travail de certains bureaux, même si, in fine, l’objectif de l’ensemble des intervenants est de donner un coup de fouet à un secteur qui en a grandement besoin.
D’ailleurs, les organisateurs sont clairs au sujet de leur ambition : «réviser le cadre juridique relatif au secteur, afin d’accompagner l’évolution des activités des entreprises, d’améliorer l’efficacité des procédures et de soutenir l’investissement».
31 bureaux pour 93.000 établissements
Encore plus clairement, les bureaux d’inspection ne sont pas très satisfaits des cahiers des charges organisant le secteur, qui, à leur sens, sont beaucoup trop rigides pour permettre un quelconque développement des activités.
« La Tunisie compte environ 93.000 établissements industriels pour seulement 31 organismes d’inspection. Ce ratio est jugé largement insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins en contrôle », explique au journal La Presse Montasser Dhief, président du Groupement professionnel des industries maritimes et modérateur du débat.
Une situation qui, selon les professionnels du secteur, est intenable au vu des défis et de l’énorme travail qui devrait être fait au niveau du contrôle technique. Pour Dhief, les professionnels déplorent une sorte de « complexification » des procédures. Alors qu’une décision gouvernementale en 2018 visait à simplifier les démarches, ces dernières ont fini par rendre les procédures plus lourdes, techniquement et financièrement.
Le contrôle technique n’est pas une simple formalité : il permet de sauver des vies et d’éviter des catastrophes. Malheureusement, ces dernières années, une grande partie des incidents enregistrés était la conséquence de l’absence de contrôle technique, ou d’un contrôle technique « au doigt mouillé », c’est-à-dire imprécis. Derrière, se jouent des drames humains, des morts, des blessés, et des responsabilités civiles et pénales. Ce sont ces points qui ont été développés lors de cet échange.
Restructuration et amélioration des compétences
Une proposition a émergé, prise très au sérieux : celle d’une implication de la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances (Ftusa), dans le processus. En somme, ce que souhaiteraient les professionnels — pour le bien du secteur mais également pour une plus grande sécurité dans l’industrie — c’est que l’octroi d’une assurance soit conditionné à un contrôle technique préalable.
Une proposition écoutée attentivement par Houssine Bakkouche, chargé de mission «santé et sécurité au travail» auprès du ministre des Affaires sociales, qui a promis de porter cette proposition, tout en rappelant tout l’intérêt qu’accorde le ministère aux questions de sécurité.
Cependant, même s’il affirme comprendre les doléances et semble prêt à agir en faveur du secteur, Houssine Bakkouche est ferme quant à la responsabilité des bureaux de contrôle, qui, selon lui, doivent impérativement faire l’objet d’une restructuration et améliorer la compétence de leurs inspecteurs.
Il a ainsi énuméré un certain nombre de cas où des rapports de contrôle sont bâclés, ou parfois rédigés avec une forme de courtoisie qui peut suggérer l’existence d’une forme de corruption chez certains professionnels. Pour lui, « la vente de certificats » est une réalité impossible à occulter, et c’est là qu’interviennent l’Etat et le législateur. Il faut certes laisser travailler ces bureaux et même les aider à prospérer et à se développer à l’international, mais sévir lorsque c’est nécessaire, particulièrement en cas de non-conformité.
Avec seulement quelques bureaux accrédités, Houssine Bakkouche prône une approche plus souple, avec une stratégie en deux temps : d’abord une période pendant laquelle l’accréditation serait initialement facultative, afin de laisser le temps aux bureaux de se développer et de financer leur système qualité ; ensuite, à l’horizon 2030, parvenir à une accréditation de l’ensemble des bureaux.