Etats-Unis – Chine : une confrontation globale
La guerre commerciale semblait être déclarée entre les Etats-Unis et la Chine. Face à la décision du président Donald Trump d’augmenter les droits de douane à 104 % pour les produits chinois importés aux Etats-Unis, la Chine avait répliqué avec des droits de douane de 84 % sur les importations américaines. Finalement, le président Trump a décidé de suspendre ses augmentations de taxes. Il n’empêche, la séquence s’inscrit dans une confrontation globale qui va structurer ce siècle.
Les relations internationales contemporaines sont marquées par une dynamique de rattrapage de la Chine sur les Etats-Unis, qui affecte la géopolitique et la géoéconomie mondiales.
Des adversaires systémiques
Si la rivalité sino-américaine est d’abord technologique (compte tenu des conséquences stratégiques de ce volet), celle-ci s’exacerbe et revêt un caractère multidimensionnel.
Dans leur document stratégique d’octobre 2022, les Etats-Unis reconnaissent ainsi que la « Chine est le seul concurrent qui a l’intention de reformater l’ordre international et qui, chaque jour davantage, dispose des moyens économiques, diplomatiques, militaires et technologiques pour ce faire ».
De part et d’autre du Pacifique, les deux grandes puissances mondiales se perçoivent comme des « adversaires systémiques ».
Dans cette compétition, les Etats-Unis disposent encore d’avantages géopolitiques non négligeables par rapport à la Chine : bordé par deux océans, à l’est et à l’ouest, le pays a au nord et au sud deux voisins amicaux, alors que la Chine a des conflits territoriaux avec la plupart de ses voisins. Il est indépendant énergétiquement, contrairement à la Chine. Sa situation démographique, en grande partie grâce à l’immigration, est bien meilleure. En outre, les Etats-Unis continuent d’attirer beaucoup plus de cerveaux du reste du monde que la Chine.
Si la rivalité sino-américaine structure en partie la reconfiguration des relations internationales contemporaines, sa nature interroge. D’un côté, cette compétition multidimensionnelle n’exclut ni le dialogue ni la coopération. De l’autre, elle risque de basculer dans la conflictualité armée.
Une compétition technologique
Le numérique et le digital illustrent cette compétition sino-américaine dans le domaine technologique. Fondés à la fin du XXe siècle, les champions de la tech et géants du web chinois (connus sous le sigle BATX, qui désigne les quatre firmes géantes de l’Internet chinois – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) – rivalisent désormais avec les GAFAM de la Silicon Valley.
Ces géants du numérique sont des acteurs premiers de l’enjeu stratégique que représente la maîtrise de l’intelligence artificielle (de plus en plus intégrée dans la sécurité nationale des deux puissances mondiales). Une compétition technologique prolongée dans le secteur spatial par une course à la Lune (avec deux programmes concurrents), à l’assemblage de stations spatiales, aux constellations internet en orbite basse.
Une compétition idéologique
Si la compétition technologique est largement engagée, la dimension idéologique de la rivalité sino-américaine s’est révélée plus tardivement. La période de la guerre froide se cristallisait sur l’opposition entre deux visions globales de la modernité incarnées par les deux superpuissances : le capitalisme et le communisme. Sur ce plan, la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine se construit sur une opposition plus complexe.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en Chine, la rivalité sino-américaine a pris un caractère plus idéologique. La puissance économique et technologique est mise au service d’une ambition idéologique : promouvoir un modèle chinois. Le président chinois, à l’image de Vladimir Poutine en Russie, a engagé son régime dans un processus de rigidification nationaliste… Il assume désormais l’idée d’un « modèle chinois » alliant efficacité de l’ordre et développement socio-économique[1] (fondé sur l’équilibre entre capitalisme et justice sociale).
La rivalité sino-américaine questionne, plus largement, le positionnement des anciens pays du Tiers-monde, nés de la décolonisation, soit un ensemble de pays en développement et émergents d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud. La Chine tente de nouer un partenariat stratégique avec les pays constitutifs de ce qui est convenu d’appeler (maladroitement) le « Sud global ».
Forte de son passé tiers-mondiste, la nouvelle puissance mondiale refuse d’être perçue comme une puissance impérialiste face à des pays du Sud engagés sur la voie de l’émancipation.
[1] J. Garrick et Y. Chang Bennett, « ‘La pensée de Xi Jinping’ », Perspectives chinoises, n° 1-2, 2018, pp. 105-112.
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