Tunisie | Pourquoi la BVMT peine-t-elle à se développer ?
Depuis la création de la Bourse de Tunis, en 1969, et sa relance, en 1995, sous son appellation actuelle de Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT), les gouvernements qui se sont succédé ont cherché à renforcer la contribution du marché boursier au financement de l’économie nationale, sans résultats probant, puisque le financement bancaire reste encore prédominant en Tunisie avec un taux approchant 90%.
Atef Hannachi *

Malgré la diversification des sociétés cotées et la relative expansion du marché boursier, la cote de la BVMT reste dominée par les banques qui s’y procurent la liquidité dont elles ont besoin pour accorder des crédits à leurs clientèles.
Dans ce système où les petits porteurs sont marginalisés, ce sont les intérêts des grandes entreprises qui s’imposent souvent et cet entre-soi laisse la porte ouverte aux abus et aux scandales.
Protéger les petits porteurs
La mise en faillite de plusieurs sociétés cotées a beaucoup affecté les petits porteurs, qui y ont perdu leur argent. Plus grave encore, face aux abus constatés, les décideurs du marché financier n’ont pas cru devoir prendre des mesures strictes pour protéger les petits porteurs.
La faillite de quatre sociétés cotées à la BVMT incite à se demander pourquoi le Conseil du marché financier (CMF), censé contrôler la cotation des sociétés, n’a-t-il pas découvert à temps le pot aux roses et évité ainsi le désastre, et ce, malgré l’existence de plusieurs mécanismes dédiés au redressement des entreprises en difficulté ? Pourquoi le reporting de ces sociétés n’a-t-il pas été effectué de manière rigoureuse et efficace ?
Les banques, dirions-nous plus haut, dominent encore la capitalisation boursière avec une part de marché de 54% en 2024.
Graphique de la capitalisation boursière répartie par secteur :
Perte de confiance
Les conditions à l’entrée des sociétés sur la cote de la BVMT, telles que spécifiées par la loi 94-117, restent difficile à satisfaire pour une société tunisienne en expansion qui cherche des moyens de financement mieux adaptés à ses besoins et ses moyens.
Parmi ces conditions, on citera la publication des comptes annuels certifiés des deux derniers exercices avec possibilité de dérogation pour les sociétés dont l’entrée en activité est inférieure à 2 ans; la diffusion de 10% du capital dans le public avec possibilité de dérogation en cas de diffusion d’un montant de 1 million de dinars; la présentation d’un rapport d’évaluation sur les actifs de la société; la disposition d’une organisation adéquate, d’un audit interne et d’un contrôle de gestion; la présentation d’informations prévisionnelles sur 5 ans, établies par le conseil d’administration, accompagnées de l’avis du commissaire aux comptes ; la production d’un prospectus d’admission visé par le Conseil du Marché ; la présentation de deux derniers exercices bénéficiaires (condition non exigée en cas d’augmentation de capital); la répartition des titres de la société détenus par le public entre 200 actionnaires au moins, au plus tard le jour de l’introduction; et la disposition d’un capital minimum de 3 millions de dinars tunisiens (MDT) le jour d’introduction.
Certaines de ces conditions n’ont pas permis l’entrée de nombreuses sociétés sur la cote de la BVMT et bloqué le développement de celle-ci.
Quant aux insuffisances du contrôle assuré par le CMF, il a dissuadé les petits porteurs de s’engager davantage, puisque beaucoup d’entre eux ont perdu de l’argent dans des opérations douteuses et n’ont plus confiance dans le marché boursier.
* Expert comptable.
L’article Tunisie | Pourquoi la BVMT peine-t-elle à se développer ? est apparu en premier sur Kapitalis.