ECLAIRAGE – Tunisie – Les leçons d’un dilemme monétaire mondial
L’actualité monétaire américaine, marquée par les tensions au sein de la Réserve Fédérale, offre un miroir instructif pour la Tunisie. Derrière la communication de la Fed et sa volonté affichée de transparence, se cache un dilemme classique mais d’une actualité brûlante. A savoir : comment concilier la lutte contre l’inflation et le soutien à l’emploi, sans compromettre la crédibilité de l’institution monétaire.
Un dilemme américain aux résonances tunisiennes
La Fed se retrouve sur une ligne de crête : un resserrement trop hâtif de sa politique monétaire risquerait d’étouffer la reprise et de raviver le chômage; tandis qu’un statu quo prolongé accentuerait les pressions inflationnistes. Ce dilemme, qui place l’institution face au choix entre deux maux, illustre les limites d’une politique monétaire contrainte par la perception politique et la peur de perdre son indépendance.
La situation tunisienne, bien que différente par nature et par ampleur, n’en est pas moins proche dans sa logique. La Banque centrale de Tunisie (BCT) fait face au même tiraillement : préserver la stabilité des prix dans un contexte d’inflation encore élevée; tout en soutenant une économie en sous-régime, minée par un chômage structurel et une faible création d’emplois productifs.
Crédibilité monétaire et pression politique
À Washington comme à Tunis, l’indépendance de la Banque centrale n’est jamais acquise. Aux États-Unis, la Fed est critiquée par un Congrès inquiet de l’inflation. Car celle-ci ronge le pouvoir d’achat d’un électorat déjà fragilisé. En Tunisie, la BCT est soumise à d’autres types de pressions : celles d’un gouvernement contraint par le déficit budgétaire et la dette publique, et par les revendications sociales exigeant davantage de liquidités et de crédit à l’économie.
Le risque est similaire : si la Banque centrale sacrifie la stabilité monétaire pour répondre aux besoins conjoncturels du gouvernement, elle perd en crédibilité. Mais si elle maintient une politique restrictive au nom de la lutte contre l’inflation, elle freine la relance et alimente le chômage. Ce cercle vicieux est au cœur du dilemme tunisien actuel.
Le risque est similaire : si la Banque centrale sacrifie la stabilité monétaire pour répondre aux besoins conjoncturels du gouvernement, elle perd en crédibilité. Mais si elle maintient une politique restrictive au nom de la lutte contre l’inflation, elle freine la relance et alimente le chômage. Ce cercle vicieux est au cœur du dilemme tunisien actuel.
Inflation, chômage et croissance : le triangle impossible
La règle de Taylor, souvent invoquée par les banquiers centraux, veut que la réaction à l’inflation soit plus forte que celle au chômage. Mais dans les économies fragiles, cette hiérarchie se heurte à la réalité sociale. En Tunisie, où le chômage des jeunes dépasse 35 % et où le pouvoir d’achat se dégrade continuellement, privilégier exclusivement la stabilité des prix revient à ignorer la dimension humaine de la croissance.
La Fed, durant la crise des subprimes, avait su sortir des sentiers battus sous l’impulsion de Ben Bernanke, en adoptant une politique non conventionnelle audacieuse. La Tunisie, confrontée à une situation de stagnation prolongée, pourrait s’inspirer de cette flexibilité intellectuelle : oser des instruments de relance ciblés, mobiliser la politique de crédit vers la production et la transformation, et rétablir la confiance dans le circuit financier interne.
La Fed, durant la crise des subprimes, avait su sortir des sentiers battus sous l’impulsion de Ben Bernanke, en adoptant une politique non conventionnelle audacieuse. La Tunisie, confrontée à une situation de stagnation prolongée, pourrait s’inspirer de cette flexibilité intellectuelle : oser des instruments de relance ciblés, mobiliser la politique de crédit vers la production et la transformation, et rétablir la confiance dans le circuit financier interne.
In fine : restaurer la crédibilité sans étouffer l’économie
Le dilemme américain éclaire, à sa manière, les tensions tunisiennes entre orthodoxie monétaire et urgence sociale. Dans les deux cas, la crédibilité d’une banque centrale ne se mesure pas uniquement à sa rigueur; mais à sa capacité à agir avec discernement et courage face aux contraintes politiques et économiques.
La Tunisie, en observant les hésitations de la Fed, doit comprendre que la véritable indépendance d’une banque centrale ne réside pas dans le refus du risque, mais dans sa faculté à articuler stabilité, croissance et équité sociale. Autrement dit, l’économie tunisienne ne peut se contenter d’une politique monétaire défensive : elle doit oser une stratégie d’ajustement active, au service de l’investissement et de l’emploi, sans renoncer à la discipline qui fonde la confiance.
L’économie tunisienne ne peut se contenter d’une politique monétaire défensive : elle doit oser une stratégie d’ajustement active, au service de l’investissement et de l’emploi, sans renoncer à la discipline qui fonde la confiance.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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