Tunisie : le fossé entre défis climatiques et action publique
Dans son dernier rapport sur le climat et le développement intitulé « Jobs in a Changing Climate », la Banque mondiale souligne la menace que représente le climat pour le développement et l’emploi. Les prévisions indiquent que le changement climatique menace potentiellement jusqu’à 260 millions d’emplois et que sans adaptation, les pertes en termes de PIB pourraient atteindre entre 1 et 20 % selon les pays d’ici 2050.
Bien que la Tunisie intègre progressivement les enjeux climatiques dans ses stratégies nationales par l’adoption de contributions déterminées au niveau national (CDN) et une planification du développement sur les objectifs de transition bas carbone, ces progrès restent insuffisants. Le changement climatique continue d’accentuer les fragilités structurelles du pays.
L’agriculture souffre de sécheresses répétées et de la salinisation des terres. Les zones côtières, où sont implantés des pôles touristiques et industriels majeurs, font face à l’érosion accélérée du littoral. La Tunisie voit son écosystème se dégrader, aggravé par la pollution industrielle et urbaine.
Le cas de Gabès l’illustre parfaitement : le Groupe chimique tunisien a profondément altéré la qualité de l’air, de l’eau, affectant la biodiversité marine et la santé des habitants.
Le rapport de la Banque mondiale vient rappeler l’importance de mettre en place des politiques d’adaptation et de transition bas carbone. Et ce, afin de s’inscrire dans une trajectoire de croissance plus inclusive, créatrice de nouveaux emplois dans des secteurs compatibles avec la transition énergétique.
Il insiste également sur l’importance de renforcer les compétences et la requalification à travers des formations adaptées aux métiers verts. De même qu’il recommande de consolider les mécanismes de protection sociale et d’améliorer l’environnement des affaires, par la mise en place d’un cadre de régulation plus favorable à l’investissement privé.
Même si le projet de loi de finances 2026 affiche des signes de prise de conscience environnementale, par des réductions des droits de douane sur les panneaux solaires, des exonérations fiscales sur les véhicules hybrides rechargeables, des incitations pour la filière lithium, la prise en charge partielle des intérêts pour certains projets d’efficacité énergétique…, le « green package » demeure largement en deçà des attentes, compte tenu de l’ampleur des risques climatiques.
Tant que les finances publiques demeurent sous pression, l’urgence du bouclage budgétaire éclipsera la vision stratégique. Une réalité qui tient moins du choix que de l’impasse.
Par Noura Harboub-Labidi
Cet article est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 933 du 3 au 17 décembre 2025.
L’article Tunisie : le fossé entre défis climatiques et action publique est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.