❌

Normale Ansicht

Es gibt neue verfĂŒgbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.
Ältere BeitrĂ€geHaupt-Feeds

‘‘L’impĂ©rialisme macĂ©donien et l’hellĂ©nisation de l’Orient’’ │ La naissance du colonialisme et de l’orientalisme occidentaux

11. Juni 2025 um 09:02

Parmi les mythes les plus vivaces constitutifs de la pensĂ©e europĂ©enne, l’un est que la libertĂ© individuelle et son corollaire la citoyennetĂ© en tant que paradigmes sont issues de la GrĂšce. Un autre, que la dĂ©mocratie est nĂ©e Ă  AthĂšnes. Un troisiĂšme, que les Grecs avaient toutes les raisons du monde de conquĂ©rir l’Asie aprĂšs l’invasion de leur pays par les Perses au Ve siĂšcle avant l’ùre Universelle (eU). Un rĂ©examen des donnĂ©es historiques montre l’inexactitude voire le mensonge que recouvrent de telles thĂšses.

Dr Mounir Hanablia *

Le fait est que la GrĂšce, morcelĂ©e en citĂ©s-Etats indĂ©pendantes liguĂ©es les unes contre les autres au grĂ© des circonstances, avait Ă©tĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e par la conquĂȘte macĂ©donienne, qui avec le Roi Alexandre en avait menĂ© les armĂ©es en Asie contre l’Empire Perse, et en Egypte, oĂč leur supĂ©rioritĂ© militaire s’était confirmĂ©e. Il importe peu d’en retracer les Ă©tapes.

Alexandre rĂȘvait apparemment d’un empire universel qui fondrait les Grecs et les non Grecs dans une mĂȘme allĂ©geance envers sa personne puis sa descendance. Il dut donc adopter pour cela le systĂšme asiatique et Ă©gyptien de gouvernement fondĂ© sur la divinisation du Roi et l’absolutisme royal.

Alexandre, un conquérant sanguinaire

Naturellement cela plaça Alexandre en opposition avec ses compagnons macĂ©doniens qui dĂ©siraient une place prééminente dans l’empire qui leur assurerait honneurs et richesses et ne dĂ©siraient nullement l’égalitĂ© avec les barbares qu’ils avaient vaincus. Qui plus est, les Grecs, qui considĂ©raient les MacĂ©doniens comme des envahisseurs Ă©trangers, n’avaient pas de plus grande ambition que de rĂ©tablir les indĂ©pendances perdues de leurs citĂ©s.

Alexandre grĂące Ă  un service de renseignements actif et efficace dĂ©joua les complots et en fit exĂ©cuter impitoyablement tous les participants, y compris ses plus proches amis. En brĂ»lant et dĂ©truisant PersĂ©polis dans une orgie sous l’effet de la boisson, il dĂ©montra ainsi avoir Ă©tĂ© l’un des conquĂ©rants les plus sanguinaires de l’Histoire, qui s’était plus souciĂ© d’étendre ses conquĂȘtes que d’apporter la civilisation.

Avec la mort d’Alexandre, Ă  l’ñge de 33 ans, il faut le prĂ©ciser, ses gĂ©nĂ©raux, qu’on nomma les diadoques, ou successeurs (califes), au nombre de 8, dĂ©cidĂšrent le partage de l’empire. C’était compter sans le dĂ©sir des citĂ©s grecques de recouvrer leur libertĂ©. C’est d’ailleurs au nom de la libertĂ© grecque que Rome interviendrait prĂšs d’un siĂšcle plus tard pour vaincre la MacĂ©doine. Mais aprĂšs la mort d’Alexandre, une premiĂšre guerre qualifiĂ©e de Lamiaque vit l’écrasement du soulĂšvement, aidĂ© par la peur de l’oligarchie grecque, qui par crainte du mouvement rĂ©volutionnaire accordant la citoyennetĂ© Ă  ceux qui en sont exclus prĂ©fĂ©ra se ranger du cĂŽtĂ© des occupants macĂ©doniens plutĂŽt que perdre ses biens et ses privilĂšges.

Ensuite, aprĂšs 42 annĂ©es de guerres, trois royaumes Ă©mergĂšrent, celui de MacĂ©doine et de GrĂšce ou Antigonide, celui de Syrie, qualifiĂ© de SĂ©leucide, et celui d’Egypte appelĂ© Lagide. On les nomma hellĂ©nistiques, en signifiant par lĂ  toute la civilisation hĂ©ritĂ©e de la fusion des Ă©lĂ©ments grecs et allogĂšnes.

Est-ce la rĂ©alitĂ© objective ou une simple vue de l’esprit tendant Ă  confĂ©rer Ă  la civilisation grecque un caractĂšre universel ?

Ces royaumes seraient conquis par Rome, constituant les frontiĂšres de son Empire Ă  l’Est du bassin mĂ©diterranĂ©en. NĂ©anmoins, avant cela, le reflux avait commencĂ© puisque les autres royaumes hellĂ©nistiques macĂ©doniens Ă©tablis sur l’Indus, en Afghanistan et au Punjab, disparaissaient sous les coups des peuplades nomades iraniennes et turco-mongoles venues de la grande steppe centre asiatique, et que les Parthes, un peuple iranien, parti du Khorassan, rĂ©ussissait Ă  reconquĂ©rir la totalitĂ© de l’Iran et Ă  Ă©tablir sa capitale, CtĂ©siphon, sur le Tigre, en MĂ©sopotamie, l’Irak actuelle.

Ainsi l’Euphrate, le nord de la Syrie, constituerait la frontiĂšre orientale que Rome hĂ©riterait du royaume SĂ©leucide et qu’elle finirait par accepter entre son empire mĂ©diterranĂ©en et l’Iran, c’est-Ă - dire le monde centre asiatique. Il est important de le noter pour comprendre la vision gĂ©ostratĂ©gique euro-amĂ©ricaine contemporaine du Moyen-Orient, naturellement partagĂ©e par l’Etat sioniste, privant l’Iran de tout accĂšs Ă  la MĂ©diterranĂ©e.

Des régimes coloniaux ségrégationnistes

Mais y eut-il bien une rĂ©alitĂ© hellĂ©nistique? Bien sĂ»r, dans l’iconographie des livres traitant du sujet, on ne manque jamais de retrouver les fameux Bouddhas de Gandhara habillĂ©s Ă  la grecque, pour apporter la preuve de la fusion des envahisseurs avec les peuples conquis. En rĂ©alitĂ©, celle-ci n’eut pas lieu. En Égypte Lagide l’Etat grĂ©co-macĂ©donien se substitua Ă  celui des pharaons et les rois devinrent des dieux vivants Ă©gyptiens parce que cela renforçait leur pouvoir. Mais c’est aux envahisseurs puis Ă  leurs descendants que les terres, propriĂ©tĂ©s exclusives de l’Etat, furent distribuĂ©es, et on leur attribua mĂȘme le droit de rĂ©sider chez l’autochtone, qui fut soumis Ă  la capitation, que l’islam adoptera des siĂšcles plus tard sous le nom de jizya.

D’autres communautĂ©s, juive ou perse, ont Ă©tĂ© Ă©tablies en Haute Egypte. La sociĂ©tĂ© coloniale en Egypte Ă©tait sĂ©grĂ©gationniste, basĂ©e sur la race. Les Afrikaners d’Afrique du Sud n’auront Ă  l’ùre moderne rien inventĂ©. L’intention du pouvoir Lagide en Egypte Ă©tait clairement d’amoindrir le poids Ă©conomique des autochtones majoritaires et de les entretenir dans un Ă©tat de pauvretĂ© et de dĂ©pendance Ă  mĂȘme de les maintenir dans la servitude supposĂ©e empĂȘcher toute possibilitĂ© de rĂ©volte.

C’est donc un vĂ©ritable rĂ©gime colonial qui fut imposĂ© Ă  la campagne. En ville, ce rĂ©gime acquit un caractĂšre sĂ©grĂ©gationniste puisque seuls les conquĂ©rants pouvaient s’établir et acquĂ©rir les droits de la citĂ©, de participation Ă  la vie politique. Alexandrie d’Egypte, la ville phare du monde, en constitue le meilleur exemple. Et fatalement, c’est la langue et la culture grecques qui furent promues dans l’administration.

Ainsi, si l’autochtone se trouva dans l’obligation d’apprendre et de pratiquer la langue de l’étranger, dans les Ă©coles qualifiĂ©es de gymnases, sa condition sociale ne s’en trouva que peu modifiĂ©e. Il ne faut pas chercher loin pour trouver la source d’inspiration du modĂšle colonial qui a prĂ©valu en AlgĂ©rie ou qui prĂ©vaut actuellement en IsraĂ«l, avec le plein assentiment des occidentaux, imprĂ©gnĂ©s de l’antĂ©cĂ©dent grĂ©co macĂ©donien. Dans le Royaume SĂ©leucide, si les franchises des citĂ©s grecques d’Asie mineure (Anatolie) ont Ă©tĂ© respectĂ©es, il semble qu’une politique d’assimilation de l’autochtone, ait Ă©tĂ© tentĂ©e, afin de lui faire oublier ses coutumes ancestrales en lui faisant adopter celles de l’envahisseur.

Cette politique en Palestine s’est heurtĂ©e au refus des prĂȘtres juifs, de considĂ©rer le roi comme une divinitĂ© redevable d’un vĂ©ritable culte, d’abandonner la circoncision, ou de manger du porc, afin de devenir semblables aux Grecs. Une vĂ©ritable guerre s’ensuivit qui poussa les rĂ©voltĂ©s Ă  proclamer le premier Etat juif non de la lĂ©gende mais de l’Histoire, qualifiĂ© de HasmonĂ©en, et Ă  rechercher la protection de Rome.

Le cas des juifs mĂ©rite d’ĂȘtre discutĂ©. La communautĂ© juive d’Alexandrie Ă©tait nombreuse, riche et puissante, au point de soutenir ClĂ©opĂątre III dans sa quĂȘte du pouvoir. Curieusement, l’Histoire prĂ©tend que la Bible fut traduite en grec dans cette ville. On peut dĂšs lors se poser la question de savoir si la Bible n’a pas Ă©tĂ© tout simplement rĂ©digĂ©e et compilĂ©e Ă  Alexandrie en langue grecque, une ville Ă  l’avant-garde de son temps, qui possĂ©dait le fond culturel, le savoir et le foisonnement d’idĂ©es nĂ©cessaires Ă  la rĂ©daction d’un tel livre, qui serait plus tard traduit en hĂ©breu, et prendrait pour hĂ©ros l’ensemble d’un peuple au lieu d’un personnage selon la coutume hellĂšne. En effet on a du mal Ă  croire qu’elle ait Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e Ă  l’orĂ©e du dĂ©sert dans un village obscur des collines de JudĂ©e nommĂ© JĂ©rusalem.

Ainsi l’Exode de MoĂŻse tel qu’on le lit dans la Bible n’aurait Ă©tĂ© qu’un manifeste lancĂ© aux Juifs d’Alexandrie, en butte aux guerres du pouvoir entre les pharaons Lagides frĂšres et sƓurs, et aux persĂ©cutions endurĂ©es pour avoir choisi un camp au dĂ©triment de l’autre, les invitant Ă  quitter l’Egypte pour s’installer en Palestine.

En effet, comment expliquer l’apparition dans l’Histoire d’un État juif surgi de nulle part en Palestine un siĂšcle plus tard, et luttant victorieusement contre les SĂ©leucides de Syrie?

Le ressentiment de l’autochtone moyen-oriental

En Iran, on a vu que la rĂ©action autochtone contre l’invasion grĂ©co-macĂ©donienne a finalement prĂ©valu avec l’instauration de l’Etat Parthe.

ÉcrasĂ©e en Egypte, avec l’aide des prĂȘtres Ă©gyptiens, soucieux de consolider leur position auprĂšs du roi, la rĂ©volte contre les conquĂ©rants fut donc victorieuse en Asie.

On prĂ©tend toujours qu’il y eut bien une fusion qui s’est traduite dans le culte Ă©gyptien de SĂ©rapis, unissant conquĂ©rants et conquis, ainsi que dans la naissance de la doctrine nĂ©o platonicienne Ă  Alexandrie, quelques siĂšcles plus tard, sous domination romaine.

Il n’en demeure pas moins qu’en Asie et en Egypte les conquĂ©rants grĂ©co-macĂ©doniens et plus tard leurs successeurs romains n’ont Ă©tĂ© que des Ă©trangers qui n’accordĂšrent que rarement l’égalitĂ© des droits aux autochtones, mĂȘme aprĂšs l’avĂšnement du christianisme, qui en quittant le judaĂŻsme essaya de fondre les Grecs et les non Grecs dans une mĂȘme communautĂ© qui ne serait redevable de culte qu’au Dieu du Ciel et non Ă  l’empereur reprĂ©sentant de l’autoritĂ© politique. C’est cela qui fit son succĂšs dans les diffĂ©rentes communautĂ©s puisque, ainsi qu’on l’a vu, la GrĂšce Ă©tait Ă  l’origine une mosaĂŻque de citĂ©s Ă©tats libres auto administrĂ©es et fonciĂšrement antimonarchiques.

Mais l’avĂšnement du christianisme en tant que religion d’Etat ne mit pas fin au ressentiment de l’autochtone du Moyen-Orient politiquement et culturellement aliĂ©nĂ©. Les querelles christologiques ou marianistes au sein de l’Eglise semblent en avoir Ă©tĂ© un reflet.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’apparition de l’islam dans une aire gĂ©ographique qui ne subit jamais le joug politique grĂ©co romain, tout en en subissant l’influence civilisationnelle. RenĂ© Grousset l’a appelĂ© la grande rĂ©volte de l’Asie. S’il prit une forme arabe, avec le jeĂ»ne, le calendrier et le pĂšlerinage, il n’en demeure pas moins qu’il vĂ©hicula des idĂ©es grecques d’unicitĂ©, de responsabilitĂ© individuelle, d’égalitĂ© de droits, de devoirs envers la communautĂ©, de rĂšgles Ă©thiques, mais aussi inĂ©vitablement, d’aliĂ©nation de la femme, et de port du voile.

L’injustice des orientalistes europĂ©ens

Il faut se souvenir Ă  cet effet que la femme la plus Ă©mancipĂ©e du Moyen-Orient Ă  l’époque, selon les normes contemporaines, fut l’Egyptienne. Et il y a des ressemblances frappantes entre la Fitna et les guerres des Diadoques; tout comme le ProphĂšte Mohamed, Alexandre de MacĂ©doine n’avait pas dĂ©signĂ© d’hĂ©ritier, et ses compagnons finirent par s’affronter.

Simplement aux droits issus de la naissance, de la race et de la citĂ©, irrĂ©cusables dans le monde grĂ©co-romain, l’islam substitua ceux issus de la foi, donc, au moins thĂ©oriquement, Ă©manant d’un choix.

On comprendra dĂšs lors l’ampleur de l’injustice des orientalistes europĂ©ens refusant de reconnaĂźtre Ă  l’Islam des fondements issus de la civilisation hellĂ©nistique.

Au terme de la lecture de ce livre, on s’aperçoit que les GrĂ©co-macĂ©doniens ont Ă©tĂ© des colonisateurs de l’Orient dont ils ont adoptĂ© quelques-unes des coutumes les plus inacceptables Ă  notre Ă©poque, qu’elles se situent au plan politique Ă  l’instar de l’absolutisme royal qui a conduit au despotisme byzantin qualifiĂ© de cĂ©saro-papisme, ou Ă  celui des mƓurs, pour citer l’horrible inceste, largement pratiquĂ© en Egypte et en Iran. 

NĂ©anmoins, abstraction faite d’illusoires fusions culturelles que le rĂ©gime sĂ©grĂ©gationniste colonial instaurĂ© contre les autochtones n’a que marginalisĂ©es, il demeure lĂ©gitime de penser que sans les Etats hellĂ©nistiques d’Egypte et d’Asie, le monothĂ©isme que nous connaissons et les rĂšgles Ă©thiques qui en dĂ©coulent telles que la solidaritĂ© sociale et l’interdiction de l’inceste, n’auraient probablement pas acquis l’importance que nous leur reconnaissons aujourd’hui. 

* Médecin de libre pratique.

‘‘L’impĂ©rialisme macĂ©donien et l’hellĂ©nisation de l’Orient’’, de Pierre Jouguet, Ă©ditions Albin Michel, Paris, 23 fĂ©vrier 1972, 512 pages.

L’article ‘‘L’impĂ©rialisme macĂ©donien et l’hellĂ©nisation de l’Orient’’ │ La naissance du colonialisme et de l’orientalisme occidentaux est apparu en premier sur Kapitalis.

❌
❌