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‘‘Le bouleversement du monde, l’aprĂšs 7 Octobre’’ : L’hĂ©catombe face au gĂ©nocide? Un dĂ©lire onirique

08. Dezember 2024 um 08:12

Gilles Kepel, qui a consacrĂ© 40 ans de sa vie Ă  l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux Ă  qui il a consacrĂ© son attention et sa rĂ©flexion. EntraĂźnĂ© par son islamophobie hors des sentiers de la rigueur scientifique exigĂ©e des chercheurs universitaires, il n’en finit pas de justifier le gĂ©nocide des Palestiniens. EcƓurant


Dr Mounir Hanablia *

Dans son dernier livre, dĂ©jĂ  dĂ©passĂ© par l’actualitĂ© lors de sa parution, Gilles Kepel situe le 7 octobre 2023 en tant qu’évĂ©nement fondateur d’un ordre international nouveau, hors celui issu de la seconde guerre mondiale. C’est dĂ©jĂ  trop dire.

On a dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© dans les mĂȘmes termes la chute du mur de Berlin, la guerre du Golfe, la disparition de l’Union SoviĂ©tique, le 11 septembre 2001. Concernant la victoire israĂ©lienne de Juin 1967, on avait dĂ©jĂ  parlĂ© de guerre des Six jours en se rĂ©fĂ©rant au rĂ©cit biblique, dĂšs lors qu’il s’agit de Juifs, de la crĂ©ation du monde, en l’occurrence d’un autre monde. Cette tendance Ă  faire de chaque Ă©vĂ©nement contemporain une exception, en particulier quand des Juifs y sont impliquĂ©s, relĂšve plutĂŽt du dĂ©lire onirique.

Le 7-Octobre est encore loin d’avoir dĂ©voilĂ© tous ses secrets et seule une enquĂȘte internationale indĂ©pendante le fera. Mais l’auteur s’appuyant sur un rapport de l’organisation Human Rights Watch en attribue la responsabilitĂ© Ă  la direction du Hamas, plus particuliĂšrement Ă  Yahya Sinwar, dĂ©crit comme un tueur sanguinaire responsable de l’attaque «pogromiste» selon les termes de l’auteur, et qui, ainsi qu’on le sait, tombera les armes Ă  la main contre l’envahisseur.

C’est dĂ©jĂ  choisir son camp que de dĂ©crire les faits d’une maniĂšre plutĂŽt dĂ©nuĂ©e de critiques pour un universitaire, certes Ă  la retraite. Il exonĂšre Ă©videmment IsraĂ«l de toute responsabilitĂ© en tant que victime de l’attaque «pogromiste».

Bien sĂ»r, pour donner le change, il exonĂšre l’Iran de toute responsabilitĂ© dans la tuerie, mĂȘme s’il mentionne bien que c’est la RĂ©publique Islamique qui a armĂ© le Hamas en faisant transiter l’aide militaire par la Mer Rouge, le Soudan, le SinaĂŻ et Ă  travers le corridor Philadelphia avec l’aide financiĂšre du Qatar et la complicitĂ© intĂ©ressĂ©e des gĂ©nĂ©raux Ă©gyptiens.

Tout ce beau monde aprĂšs la niĂšme guerre contre le Hamas n’aurait pas Ă©veillĂ© l’attention des services secrets israĂ©liens. Et mĂȘme ce serait le chef du Mossad qui aurait fait transiter vers Gaza la valise remplie de billets verts qui rĂ©guliĂšrement dĂ©barquait du Qatar. De lĂ  Ă  dire que Netanyahu accusĂ© de corruption aurait prĂ©levĂ© sa part du trafic, il n’y a qu’un pas que l’auteur ne franchit pas.

Un gĂ©nocide avec l’assentiment des AmĂ©ricains

L’Iran accusĂ© de faiblesse militaire dans sa riposte (annoncĂ©e) contre IsraĂ«l et d’incompĂ©tence dans le contre-espionnage aprĂšs l’assassinat de Ismail Haniyeh Ă  TĂ©hĂ©ran et de quelques uns de ses gĂ©nĂ©raux en Syrie, se rĂ©vĂšlera pourtant capable par ses missiles balistiques de hausser le ton aprĂšs l’assassinat de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, et d’infliger de sĂ©rieux dommages Ă  l’infrastructure militaire israĂ©lienne sur tout son territoire, suffisamment dissuasifs pour prĂ©venir des reprĂ©sailles sĂ©vĂšres.

Ce sont les AmĂ©ricains qui en l’occurrence auraient bridĂ© les vellĂ©itĂ©s bellicistes de leurs alliĂ©s, dĂ©montrant que la thĂšse de l’auteur, celle d’un Netanyahu libĂ©rĂ© de toute entrave avec les Ă©lections amĂ©ricaines et la victoire prĂ©visible de Trump, relevaient une fois encore du dĂ©lire onirique. Tout ce qui s’est passĂ© l’a Ă©tĂ© avec l’assentiment de l’administration amĂ©ricaine, qui n’a jamais interrompu son aide militaire ou financiĂšre, il convient de le rappeler, malgrĂ© les contraintes imposĂ©es par la guerre en Ukraine. Comment en aurait-il Ă©tĂ© autrement dans un bouleversement du monde. Mais c’est dans sa tentative d’attribuer Ă  Netanyahu un comportement rationnel que le livre semble le plus critiquable.

On en arrive ainsi Ă  la distinction entre l’HĂ©catombe, conjoncturelle Ă  la guerre sanglante entreprise en reprĂ©sailles, et le gĂ©nocide, terme rĂ©servĂ© aux souffrances du peuple juif par les bien-pensants occidentaux, l’élimination pure et simple de la population civile adverse, par les bombardements directs, la destruction de l’infrastructure nĂ©cessaire Ă  la prĂ©servation de la santĂ© publique, et l’embargo sur l’eau et les produits alimentaires.

Il est clair que ce qu’on voit tous les jours Ă  la tĂ©lĂ©vision relĂšve du gĂ©nocide perpĂ©trĂ© par l’armĂ©e de l’Etat juif et que cela n’a pas Ă©chappĂ© au Procureur de la Cour pĂ©nale internationale (CPI).

Pourtant le premier ministre israĂ©lien, pour rappeler qu’IsraĂ«l est une dĂ©mocratie rĂ©servĂ©e, semble toujours ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme l’otage de sa majoritĂ© extrĂ©miste. Les intentions qu’on lui prĂȘte de prolonger la guerre Ă  des fins personnelles, ainsi que l’en accusent les familles des otages, relĂšvent nĂ©anmoins du crime prĂ©mĂ©ditĂ©. Netanyahu n’a jamais semblĂ© soucieux de faire libĂ©rer ces otages; cela aurait supprimĂ© l’une des principales raisons de l’agression sanglante menĂ©e contre Gaza dont il ne prĂ©voit pas la fin, ainsi qu’on l’a vu.

Alors de quel bouleversement et de quel monde s’agit-il?

Les terroristes de Daech de nouveau Ă  la rescousse

La guerre contre les Palestiniens n’a jamais cessĂ© depuis 1917 date de la dĂ©claration Balfour et la derniĂšre s’insĂšre dans cette continuitĂ©. On veut maintenant supprimer la population de Gaza afin de l’annexer, en crĂ©ant le prĂ©cĂ©dent nĂ©cessaire Ă  l’annexion de la Cisjordanie occupĂ©e et Ă  l’expulsion de sa population. On a essayĂ© de faire de mĂȘme au Sud Liban mais l’entreprise s’est rĂ©vĂ©lĂ©e beaucoup plus difficile que prĂ©vu et la rĂ©sistance du Hezbollah a fini par imposer son caractĂšre incontournable. Maintenant c’est en Syrie grĂące aux terroristes de Daech commanditĂ©s par la Turquie et Ă  la cinquiĂšme colonne au sein du rĂ©gime syrien qu’on prĂ©tend interrompre le ravitaillement en armes de la rĂ©sistance libanaise.

Les rĂ©cents revers militaires d’une armĂ©e syrienne surĂ©quipĂ©e face Ă  des mercenaires brandissant des fusils et de lance-roquettes se dĂ©plaçant dans des pick-up et ressemblant aux hordes sauvages de Mad Max, ne saurait s’expliquer que par la trahison.

Ce sont ces terroristes-lĂ , de Daech, ceux soutenus par le Qatar, la Turquie, les AmĂ©ricains et IsraĂ«l, qui avaient commis les attentats de Toulouse et de Montauban, de Charlie-Hebdo et du Bataclan en 2015 qui ont servi de point de ralliement et d’émergence Ă  l’extrĂȘme droite française dans son discours anti-immigrĂ©. Cela date de bien avant le 7-Octobre, et abstraction faite de la crainte justifiĂ©e de nombreux Juifs français d’ĂȘtre privĂ©s de leur nationalitĂ© ainsi que cela s’était passĂ© sous Vichy, le ralliement sioniste autour de Marine Lepen n’a eu d’autre objectif que d’empĂȘcher la France, et Ă  travers elle l’Occident, d’adopter une attitude anti-israĂ©lienne qui menacerait l’aide militaire et financiĂšre dont le gouvernement israĂ©lien a besoin pour mener Ă  bien sa politique coloniale gĂ©nocidaire.

Faut il dĂšs lors s’étonner que de nombreux Occidentaux, dont les jeunes et les Ă©tudiants, renouant avec une tradition chrĂ©tienne de charitĂ© qui n’existe plus dans leurs sociĂ©tĂ©s, Ă©valuent le gĂ©nocide de Gaza Ă  sa juste mesure et le dĂ©noncent tout autant que l’injustice de leurs propres sociĂ©tĂ©s?

PlutĂŽt que d’un bouleversement du monde, on aurait peut-ĂȘtre dĂ» parler d’un monde Ă  rebours, celui du retour Ă  l’ùre coloniale et Ă  l’extermination des populations allogĂšnes.

DĂ©cidĂ©ment, Gilles Kepel, qui a consacrĂ© 40 ans de sa vie Ă  l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux Ă  qui il a consacrĂ© son attention et sa rĂ©flexion. Ses ouvrages laissent toujours Ă  l’Arabo musulman que je ne cesse pas d’ĂȘtre un goĂ»t d’injustice et d’amertume Ă  la fin du dernier chapitre.    

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