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Analyse des indicateurs monétaires et financiers au 19 décembre 2025

22. Dezember 2025 um 09:00

À l’approche de 2026, l’environnement économique international demeure marqué par une dissymétrie profonde entre le ralentissement de l’inflation et la persistance de vulnérabilités structurelles. Les grandes banques centrales ont amorcé un infléchissement de leur discours, mais sans opérer de rupture franche avec le régime monétaire restrictif instauré depuis 2022. Cette prudence reflète moins une confiance retrouvée qu’une gestion défensive des risques systémiques.

A l’international,

Aux États-Unis, le reflux de l’inflation s’est confirmé, mais la Réserve fédérale reste confrontée à une économie encore résiliente et à un marché du travail tendu. Dans ce contexte, toute détente monétaire trop rapide serait susceptible de raviver les pressions inflationnistes, notamment via les services et les salaires. La trajectoire des taux américains reste ainsi élevée en termes réels, maintenant une forte attractivité des actifs libellés en dollars et exerçant une pression persistante sur les devises des économies émergentes.

Dans la zone euro, la situation est plus ambivalente. Le ralentissement économique est désormais tangible, avec une croissance atone, une industrie en difficulté et une demande intérieure fragilisée par plusieurs années d’érosion du pouvoir d’achat. La Banque centrale européenne (BCE) se trouve ainsi prise en étau entre la nécessité de soutenir l’activité et l’impératif de crédibilité monétaire. Cette tension explique un assouplissement extrêmement graduel, qui limite les effets positifs à court terme pour les partenaires commerciaux de l’Europe du Sud, dont la Tunisie.

Lire aussi: BCE : Lagarde veut améliorer la position mondiale de l’euro 

 

Sur le plan géopolitique, l’économie mondiale reste exposée à des foyers de tension durables. Les conflits au Moyen-Orient, la militarisation croissante des échanges commerciaux et la fragmentation des chaînes de valeur mondiales continuent d’alimenter une prime de risque élevée sur les marchés. Cette situation entretient une volatilité accrue des prix de l’énergie et des matières premières, pénalisant particulièrement les pays importateurs nets et à faible marge budgétaire.

Par ailleurs, le mouvement de reconfiguration du commerce international, souvent qualifié de friend-shoring ou de near-shoring, avance lentement et de manière asymétrique. Si certains pays émergents en tirent profit, ceux dont l’environnement institutionnel reste instable ou peu lisible peinent à capter ces flux d’investissement. La concurrence pour l’attraction des capitaux productifs s’est ainsi intensifiée, rendant les critères de gouvernance, de stabilité réglementaire et de visibilité macroéconomique déterminants.

Dans ce contexte, les conditions financières internationales demeurent restrictives malgré la détente progressive des taux directeurs. Les spreads souverains des pays à risque élevé restent sous tension, traduisant une sélectivité accrue des investisseurs. L’accès aux marchés internationaux reste coûteux, voire fermé, pour plusieurs économies en développement, renforçant la dépendance aux financements domestiques et multilatéraux.

En Tunisie,

Cet environnement international signifie que la marge de manœuvre externe reste limitée. La stabilisation récente des réserves de change et du taux de change s’inscrit davantage dans une amélioration conjoncturelle des flux qu’à la faveur d’un retournement structurel du cycle mondial. Tant que les conditions financières internationales ne se normaliseront pas pleinement, la stratégie économique nationale devra continuer à privilégier la prudence, la résilience et la consolidation interne.

La fin de l’année 2025 s’inscrit dans un contexte international marqué par une inflexion progressive mais prudente des politiques monétaires dans les économies avancées. Si la Réserve fédérale et la BCE ont amorcé un discours plus accommodant, les conditions financières mondiales demeurent restrictives, avec des taux réels encore élevés, une croissance mondiale modérée et des flux de capitaux toujours sélectifs à l’égard des économies émergentes.

 

Lire également: La BCE laisse inchangés ses taux directeurs pour la quatrième fois, mais…

 

Dans ce cadre, les pays importateurs nets d’énergie et fortement dépendants du financement extérieur, comme la Tunisie, restent exposés à une double contrainte : pression sur les finances publiques et arbitrages délicats en matière de politique monétaire.

Liquidité bancaire : détente relative mais fragile

Les indicateurs monétaires du 19 décembre confirment une stabilisation progressive de la liquidité bancaire, sans pour autant signaler un retour à une situation confortable.

Le volume global du refinancement s’établit à 11 034 MDT, en légère baisse par rapport à la veille et en net repli par rapport à 2024. Cette évolution traduit à la fois un meilleur ajustement des flux de liquidité et une action plus ciblée de la Banque centrale de Tunisie (BCT), notamment via la réduction des opérations d’open market, dont l’encours recule de plus de 2 000 MDT en glissement annuel.

Le maintien du taux directeur à 7,50 %, aligné sur le taux du marché monétaire, confirme une phase de pause monétaire. La BCT semble privilégier la stabilité des anticipations plutôt qu’un assouplissement prématuré, dans un contexte où l’inflation reste sous contrôle mais structurellement élevée.

Finances publiques : une tension persistante sur la trésorerie de l’État

Le solde du compte courant du Trésor, à 1 535 MDT, enregistre une contraction significative par rapport à la veille et surtout par rapport à 2024. Cette évolution illustre la persistance des tensions de trésorerie, liées à la rigidité des dépenses publiques et à une mobilisation encore insuffisante des ressources fiscales structurelles.

La structure de la dette intérieure confirme ce diagnostic. La forte progression de l’encours des Bons du Trésor Assimilables, désormais au-delà de 30 milliards de dinars, traduit un recours accru à l’endettement à moyen et long terme, au détriment des bons à court terme dont l’encours s’est fortement contracté. Ce basculement réduit le risque de refinancement immédiat, mais accroît la charge d’intérêts future.

Secteur extérieur : amélioration relative, mais vulnérabilité persistante

Les indicateurs du secteur extérieur apportent des signaux plus favorables. Les recettes touristiques cumulées atteignent 7,7 milliards de dinars, en progression sensible par rapport à 2024, confirmant le redressement structurel du secteur. Les revenus du travail des Tunisiens à l’étranger poursuivent également leur hausse, dépassant 8,2 milliards de dinars, jouant un rôle stabilisateur crucial pour la balance courante.

Cette dynamique se reflète dans les avoirs nets en devises de la BCT, qui s’établissent à 25,1 milliards de dinars, soit 106 jours d’importation. Bien que ce niveau reste inférieur à celui de 2024, il traduit une capacité de résistance appréciable dans un contexte international incertain.

Taux de change : une relative appréciation du dinar

Le dinar tunisien affiche une appréciation notable face au dollar et au yen, tandis qu’il reste globalement stable vis-à-vis de l’euro. Cette évolution est cohérente avec la détente relative sur le marché des changes et la consolidation des réserves. Elle contribue à contenir l’inflation importée, mais pose à moyen terme la question de la compétitivité-prix des exportations.

 

Lire : Euro en reprise, dollar affaibli : quelles implications pour le dinar tunisien ?

Perspectives à court et moyen terme : un équilibre précaire

À court terme, l’économie tunisienne évolue dans un équilibre fragile, reposant sur trois piliers : la stabilité monétaire, l’amélioration partielle des flux extérieurs et une gestion active de la liquidité bancaire. Toutefois, cet équilibre demeure vulnérable à tout choc externe ou dérapage budgétaire.

À moyen terme, la soutenabilité macroéconomique dépendra moins des ajustements conjoncturels que de la capacité à engager des réformes structurelles crédibles, notamment en matière de finances publiques, de gouvernance économique et de relance de l’investissement productif. Sans ces leviers, la stabilisation actuelle risque de se transformer en stagnation prolongée.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (19 dec. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (19 dec. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

 

L’article Analyse des indicateurs monétaires et financiers au 19 décembre 2025 est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

Analyse économique des indicateurs monétaires et financiers au 19 décembre 2025

22. Dezember 2025 um 19:08

Stabilisation monétaire interne, tensions budgétaires persistantes et environnement international toujours contraignant

À l’approche de 2026, l’environnement économique international demeure marqué par une dissymétrie profonde entre le ralentissement de l’inflation et la persistance de vulnérabilités structurelles. Les grandes banques centrales ont amorcé un infléchissement de leur discours, mais sans opérer de rupture franche avec le régime monétaire restrictif instauré depuis 2022. Cette prudence reflète moins une confiance retrouvée qu’une gestion défensive des risques systémiques.

A l’INTERNATIONAL,

Aux États-Unis, le reflux de l’inflation s’est confirmé, mais la Réserve fédérale reste confrontée à une économie encore résiliente et à un marché du travail tendu. Dans ce contexte, toute détente monétaire trop rapide serait susceptible de raviver les pressions inflationnistes, notamment via les services et les salaires. La trajectoire des taux américains reste ainsi élevée en termes réels, maintenant une forte attractivité des actifs libellés en dollars et exerçant une pression persistante sur les devises des économies émergentes.

Dans la zone euro, la situation est plus ambivalente. Le ralentissement économique est désormais tangible, avec une croissance atone, une industrie en difficulté et une demande intérieure fragilisée par plusieurs années d’érosion du pouvoir d’achat. La Banque centrale européenne se trouve ainsi prise en étau entre la nécessité de soutenir l’activité et l’impératif de crédibilité monétaire. Cette tension explique un assouplissement extrêmement graduel, qui limite les effets positifs à court terme pour les partenaires commerciaux de l’Europe du Sud, dont la Tunisie.

Sur le plan géopolitique, l’économie mondiale reste exposée à des foyers de tension durables. Les conflits au Moyen-Orient, la militarisation croissante des échanges commerciaux et la fragmentation des chaînes de valeur mondiales continuent d’alimenter une prime de risque élevée sur les marchés. Cette situation entretient une volatilité accrue des prix de l’énergie et des matières premières, pénalisant particulièrement les pays importateurs nets et à faible marge budgétaire.

Par ailleurs, le mouvement de reconfiguration du commerce international, souvent qualifié de friend-shoring ou de near-shoring, avance lentement et de manière asymétrique. Si certains pays émergents en tirent profit, ceux dont l’environnement institutionnel reste instable ou peu lisible peinent à capter ces flux d’investissement. La concurrence pour l’attraction des capitaux productifs s’est ainsi intensifiée, rendant les critères de gouvernance, de stabilité réglementaire et de visibilité macroéconomique déterminants.

Dans ce contexte, les conditions financières internationales demeurent restrictives malgré la détente progressive des taux directeurs. Les spreads souverains des pays à risque élevé restent sous tension, traduisant une sélectivité accrue des investisseurs. L’accès aux marchés internationaux reste coûteux, voire fermé, pour plusieurs économies en développement, renforçant la dépendance aux financements domestiques et multilatéraux.

En Tunisie,

Cet environnement international signifie que la marge de manœuvre externe reste limitée. La stabilisation récente des réserves de change et du taux de change s’inscrit davantage dans une amélioration conjoncturelle des flux qu’à la faveur d’un retournement structurel du cycle mondial. Tant que les conditions financières internationales ne se normaliseront pas pleinement, la stratégie économique nationale devra continuer à privilégier la prudence, la résilience et la consolidation interne.

La fin de l’année 2025 s’inscrit dans un contexte international marqué par une inflexion progressive mais prudente des politiques monétaires dans les économies avancées. Si la Réserve fédérale et la BCE ont amorcé un discours plus accommodant, les conditions financières mondiales demeurent restrictives, avec des taux réels encore élevés, une croissance mondiale modérée et des flux de capitaux toujours sélectifs à l’égard des économies émergentes.

Dans ce cadre, les pays importateurs nets d’énergie et fortement dépendants du financement extérieur, comme la Tunisie, restent exposés à une double contrainte : pression sur les finances publiques et arbitrages délicats en matière de politique monétaire.

Liquidité bancaire : détente relative mais fragile

Les indicateurs monétaires du 19 décembre confirment une stabilisation progressive de la liquidité bancaire, sans pour autant signaler un retour à une situation confortable.

Le volume global du refinancement s’établit à 11 034 MDT, en légère baisse par rapport à la veille et en net repli par rapport à 2024. Cette évolution traduit à la fois un meilleur ajustement des flux de liquidité et une action plus ciblée de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), notamment via la réduction des opérations d’open market, dont l’encours recule de plus de 2 000 MDT en glissement annuel.

Le maintien du taux directeur à 7,50 %, aligné sur le taux du marché monétaire, confirme une phase de pause monétaire. La BCT semble privilégier la stabilité des anticipations plutôt qu’un assouplissement prématuré, dans un contexte où l’inflation reste sous contrôle mais structurellement élevée.

Finances publiques : une tension persistante sur la trésorerie de l’État

Le solde du compte courant du Trésor, à 1 535 MDT, enregistre une contraction significative par rapport à la veille et surtout par rapport à 2024. Cette évolution illustre la persistance des tensions de trésorerie, liées à la rigidité des dépenses publiques et à une mobilisation encore insuffisante des ressources fiscales structurelles.

La structure de la dette intérieure confirme ce diagnostic. La forte progression de l’encours des Bons du Trésor Assimilables, désormais au-delà de 30 milliards de dinars, traduit un recours accru à l’endettement à moyen et long terme, au détriment des bons à court terme dont l’encours s’est fortement contracté. Ce basculement réduit le risque de refinancement immédiat, mais accroît la charge d’intérêts future.

Secteur extérieur : amélioration relative, mais vulnérabilité persistante

Les indicateurs du secteur extérieur apportent des signaux plus favorables. Les recettes touristiques cumulées atteignent 7,7 milliards de dinars, en progression sensible par rapport à 2024, confirmant le redressement structurel du secteur. Les revenus du travail des Tunisiens à l’étranger poursuivent également leur hausse, dépassant 8,2 milliards de dinars, jouant un rôle stabilisateur crucial pour la balance courante.

Cette dynamique se reflète dans les avoirs nets en devises de la BCT, qui s’établissent à 25,1 milliards de dinars, soit 106 jours d’importation. Bien que ce niveau reste inférieur à celui de 2024, il traduit une capacité de résistance appréciable dans un contexte international incertain.

Taux de change : une relative appréciation du dinar

Le dinar tunisien affiche une appréciation notable face au dollar et au yen, tandis qu’il reste globalement stable vis-à-vis de l’euro. Cette évolution est cohérente avec la détente relative sur le marché des changes et la consolidation des réserves. Elle contribue à contenir l’inflation importée, mais pose à moyen terme la question de la compétitivité-prix des exportations.

Perspectives à court et moyen terme : un équilibre précaire

À court terme, l’économie tunisienne évolue dans un équilibre fragile, reposant sur trois piliers : la stabilité monétaire, l’amélioration partielle des flux extérieurs et une gestion active de la liquidité bancaire. Toutefois, cet équilibre demeure vulnérable à tout choc externe ou dérapage budgétaire.

À moyen terme, la soutenabilité macroéconomique dépendra moins des ajustements conjoncturels que de la capacité à engager des réformes structurelles crédibles, notamment en matière de finances publiques, de gouvernance économique et de relance de l’investissement productif. Sans ces leviers, la stabilisation actuelle risque de se transformer en stagnation prolongée.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (19 dec. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (19 dec. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

 

L’article Analyse économique des indicateurs monétaires et financiers au 19 décembre 2025 est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

Discours du gouverneur de la BCT : entre lucidité macroéconomique et pari sur une alliance encore fragile

19. Dezember 2025 um 15:11

Le discours prononcé par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie à la clôture de la 39 édition des Journées de l’Entreprise marque, par sa densité et sa cohérence, une volonté manifeste de repositionner l’investissement productif au cœur du débat économique national. Rarement un gouverneur aura autant insisté, avec autant de constance, sur la nécessité de rompre avec une économie de gestion de crise pour renouer avec une économie de projection.

Dès l’ouverture, le diagnostic est posé avec clarté : la Tunisie ne souffre ni d’un déficit de talents ni d’un manque d’idées, mais d’un déficit d’investissement et d’un mauvais aiguillage du crédit. Cette affirmation, qui pourrait sembler consensuelle, prend ici une dimension stratégique, car elle remet implicitement en cause un modèle économique dominé depuis plus d’une décennie par la consommation contrainte, la dette publique et la logique de court terme.

Le chiffre avancé – un taux d’investissement plafonnant à 16 % du PIB – agit comme un révélateur brutal. Il situe la Tunisie nettement en dessous du seuil nécessaire à une croissance inclusive et durable. Plus encore, la structure même de cet investissement, majoritairement autofinancé et faiblement soutenu par le crédit bancaire, révèle un déséquilibre profond dans la répartition du risque économique. Le discours met ainsi en lumière un paradoxe central : les entreprises portent l’essentiel du risque sans bénéficier d’un véritable effet de levier financier, tandis que les banques demeurent enfermées dans une posture défensive.

 

Le chiffre avancé – un taux d’investissement plafonnant à 16 % du PIB – agit comme un révélateur brutal. Il situe la Tunisie nettement en dessous du seuil nécessaire à une croissance inclusive et durable. Plus encore, la structure même de cet investissement, majoritairement autofinancé et faiblement soutenu par le crédit bancaire, révèle un déséquilibre profond dans la répartition du risque économique.

 

Sur ce point, le Gouverneur adopte une rhétorique d’équilibre. Il évite la stigmatisation des banques, reconnaît leurs contraintes prudentielles et réglementaires, mais refuse que celles-ci deviennent un alibi à l’inaction. En appelant les établissements de crédit à passer du rôle d’intermédiaire à celui « d’architecte du développement », il esquisse une redéfinition ambitieuse de la fonction bancaire, encore largement absente du paysage tunisien. Cette ambition, toutefois, se heurte à une réalité institutionnelle lourde : un système bancaire structurellement exposé à la dette publique, fragilisé par les créances douteuses et soumis à des exigences de solvabilité de plus en plus strictes.

Le discours se distingue également par sa tentative de réhabilitation du risque. Dans un contexte marqué par l’aversion généralisée à l’incertitude, le gouverneur renverse la perspective : le véritable danger n’est plus de prendre des risques maîtrisés, mais de rester immobile. Cette inversion du paradigme est intellectuellement solide et économiquement fondée, notamment à l’heure des ruptures technologiques, énergétiques et géopolitiques. Toutefois, elle suppose l’existence d’un environnement institutionnel capable d’absorber l’échec, de sécuriser l’investissement et de garantir une concurrence loyale — conditions encore imparfaitement réunies.

Sur le rôle de la Banque Centrale, le discours se veut rassurant et pédagogique. La priorité donnée à la stabilité monétaire et financière est réaffirmée avec fermeté, tout en étant présentée non comme une fin en soi, mais comme un socle indispensable à la relance de l’investissement. La mise en avant des progrès réalisés – maîtrise de l’inflation, stabilité du dinar, amélioration de la notation souveraine – vise à démontrer que les conditions macroéconomiques s’améliorent et que l’argument de l’instabilité ne peut plus justifier l’attentisme généralisé.

 

Le discours se distingue également par sa tentative de réhabilitation du risque. Dans un contexte marqué par l’aversion généralisée à l’incertitude, le gouverneur renverse la perspective : le véritable danger n’est plus de prendre des risques maîtrisés, mais de rester immobile.

 

Néanmoins, une tension traverse l’ensemble du propos : comment concilier l’intervention exceptionnelle de la BCT pour soutenir la trésorerie de l’État avec la volonté affichée de préserver la dynamique du crédit à l’économie réelle ? Le Gouverneur répond par un cadrage légal et temporel strict, mais la question de l’effet d’éviction demeure en filigrane. Tant que la dette publique continuera d’absorber une part significative des ressources financières domestiques, l’appel à une réallocation massive du crédit vers l’investissement productif restera partiellement contraint.

L’un des apports notables du discours réside dans son ouverture vers l’innovation financière et institutionnelle : digitalisation des procédures de change, soutien aux fintechs, développement du capital-investissement, finance verte. Ces orientations témoignent d’une volonté de modernisation réelle de l’écosystème financier. Toutefois, leur impact dépendra de leur articulation avec des réformes plus profondes touchant à la gouvernance, à la justice économique et à la lutte contre la rente.

 

L’appel à une « nouvelle alliance » entre entreprises, banques et Banque centrale constitue le cœur politique du discours. Il s’agit moins d’un simple appel à la coopération que d’une tentative de refondation du contrat économique implicite.

 

Enfin, l’appel à une « nouvelle alliance » entre entreprises, banques et Banque centrale constitue le cœur politique du discours. Il s’agit moins d’un simple appel à la coopération que d’une tentative de refondation du contrat économique implicite. Mais cette alliance ne pourra se concrétiser sans un quatrième acteur pleinement engagé : l’État stratège, capable de donner de la visibilité, de sécuriser les règles du jeu et de restaurer la confiance.

En définitive, ce discours marque une inflexion importante dans la communication et, potentiellement, dans l’action de la Banque Centrale. Il trace une trajectoire, pose des responsabilités partagées et ouvre une fenêtre d’opportunité. Reste à savoir si cette fenêtre sera exploitée ou si elle se refermera, une fois de plus, sous le poids des inerties structurelles. Car en économie comme en politique monétaire, la crédibilité ne se mesure pas seulement à la qualité du diagnostic, mais à la capacité collective de passer de l’intention à l’action. 

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article Discours du gouverneur de la BCT : entre lucidité macroéconomique et pari sur une alliance encore fragile est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

Virage monétaire mondial et recomposition financière

15. Dezember 2025 um 05:45

La conjoncture internationale de fin 2025 demeure marquée par un tournant monétaire progressif. Après deux années de resserrement brutal, les grandes banques centrales, au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine, ont engagé une phase de normalisation prudente. La baisse graduelle des taux directeurs a entraîné un reflux du dollar, une détente des conditions financières mondiales et un rééquilibrage partiel des flux de capitaux vers les économies émergentes.

Cette inflexion monétaire mondiale constitue un facteur exogène favorable pour les pays importateurs nets d’énergie et fortement dépendants des financements extérieurs, comme la Tunisie. Toutefois, ses effets positifs restent conditionnés à la solidité des fondamentaux internes et à la crédibilité de la politique économique domestique.

En Tunisie : liquidité bancaire, une tension persistante mais maîtrisée

Sur le plan interne, les indicateurs monétaires du 12 décembre confirment la persistance d’une tension structurelle sur la liquidité bancaire, malgré un encadrement étroit par la Banque centrale de Tunisie (BCT).

Le volume global du refinancement atteint 11,8 milliards de dinars, en hausse par rapport à la veille mais en retrait par rapport à fin 2024. Cette évolution traduit une dépendance toujours élevée du système bancaire aux ressources de la BCT, même si l’intensité de cette dépendance tend à se stabiliser.

La structure du refinancement révèle une préférence marquée pour les opérations à moyen terme, notamment les refinancements à six mois (ORPLT); tandis que les interventions d’open market continuent de se contracter. Cette recomposition suggère une volonté de sécuriser la visibilité de la liquidité bancaire dans un environnement encore incertain.

Le volume global du refinancement atteint 11,8 milliards de dinars, en hausse par rapport à la veille mais en retrait par rapport à fin 2024. Cette évolution traduit une dépendance toujours élevée du système bancaire aux ressources de la BCT, même si l’intensité de cette dépendance tend à se stabiliser.

Par ailleurs, la montée des facilités permanentes de prêt à 24 heures confirme des tensions ponctuelles sur la trésorerie de certaines banques. Alors que le recours à la facilité de dépôt demeure négatif, signe d’un excès de liquidité très limité.

Politique monétaire : une détente confirmée, mais sous surveillance

La stabilité du taux directeur à 7,50 %, conjuguée à l’alignement du taux du marché monétaire (TM) sur ce niveau, confirme l’entrée de la politique monétaire tunisienne dans une phase de détente graduelle. La baisse de 50 points de base par rapport à 2024 reflète une amélioration relative du risque inflationniste, sans pour autant signaler un basculement vers une politique franchement accommodante.

La BCT reste manifestement engagée dans une stratégie d’équilibre délicat : soutenir l’activité économique et la capacité de financement de l’État; tout en évitant toute résurgence inflationniste ou pression excessive sur les réserves en devises.

Finances publiques : un Trésor sous contrainte permanente

Le solde du compte courant du Trésor, à 2,2 milliards de dinars, recule légèrement par rapport à la veille mais reste nettement supérieur à son niveau de 2024. Cette situation illustre une gestion de trésorerie sous tension, fortement dépendante du recours au marché domestique.

La structure de la dette publique confirme cette dépendance : l’encours des Bons du Trésor Assimilables progresse fortement sur un an; tandis que les bons à court terme se contractent. Ce basculement vers le moyen et long terme permet de lisser le profil d’amortissement de la dette. Mais, il accroît le stock global et renforce l’effet d’éviction sur le crédit à l’économie.

La structure de la dette publique confirme cette dépendance : l’encours des Bons du Trésor Assimilables progresse fortement sur un an; tandis que les bons à court terme se contractent.

Réserves en devises : une érosion lente mais préoccupante

Les avoirs nets en devises de la BCT s’établissent à 24,8 milliards de dinars, correspondant à 105 jours d’importation. Bien que ce niveau reste au-dessus du seuil critique; la tendance demeure baissière par rapport à 2024.

Cette érosion s’explique par un service de la dette extérieure toujours élevé, malgré une amélioration des recettes courantes. Elle rappelle la fragilité de l’équilibre externe tunisien et la nécessité de maintenir un flux régulier de devises, qu’il s’agisse d’exportations, de tourisme, de transferts ou de financements extérieurs concessionnels.

Secteurs générateurs de devises : des signaux encourageants

Les indicateurs réels offrent néanmoins des motifs d’optimisme prudent. Les recettes touristiques cumulées atteignent 7,5 milliards de dinars à fin novembre, en nette progression annuelle. De même, les revenus du travail des Tunisiens à l’étranger poursuivent leur hausse, dépassant 7,9 milliards de dinars.

Ces deux postes jouent un rôle d’amortisseur macroéconomique essentiel, contribuant à contenir le déficit courant et à soutenir les réserves de change, dans un contexte de financement extérieur contraint.

Taux de change : un dinar plus résilient face au dollar

L’évolution des cours interbancaires du dinar confirme une appréciation sensible face au dollar américain, dans le sillage du repli du billet vert sur les marchés internationaux. Cette dynamique contribue à modérer l’inflation importée, notamment sur les matières premières énergétiques et alimentaires.

En revanche, le dinar s’inscrit dans une légère dépréciation face à l’euro, reflet des relations commerciales asymétriques avec la zone euro et de la structure des échanges extérieurs tunisiens. Cette évolution demeure toutefois maîtrisée et cohérente avec les fondamentaux actuels.

Perspectives à court et moyen terme : stabilité fragile et arbitrages délicats

À court terme, la trajectoire macroéconomique tunisienne devrait rester marquée par une stabilité fragile, soutenue par la détente monétaire, la résilience des recettes en devises et une gestion active de la liquidité par la BCT.

À moyen terme, les marges de manœuvre demeurent étroites. La soutenabilité des finances publiques, la consolidation des réserves en devises et la relance de l’investissement productif constituent des priorités absolues. Sans accélération des réformes structurelles et sans clarification du cadre de financement externe, les ajustements monétaires resteront insuffisants pour enclencher une dynamique de croissance durable.

Dans ce contexte, la politique économique tunisienne continue d’évoluer sur une ligne de crête, où chaque décision monétaire ou budgétaire doit arbitrer entre stabilité immédiate et viabilité à long terme.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (12 déc. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (12 déc. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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