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Discours du gouverneur de la BCT : entre lucidité macroéconomique et pari sur une alliance encore fragile

19. Dezember 2025 um 15:11

Le discours prononcé par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie à la clôture de la 39 édition des Journées de l’Entreprise marque, par sa densité et sa cohérence, une volonté manifeste de repositionner l’investissement productif au cœur du débat économique national. Rarement un gouverneur aura autant insisté, avec autant de constance, sur la nécessité de rompre avec une économie de gestion de crise pour renouer avec une économie de projection.

Dès l’ouverture, le diagnostic est posé avec clarté : la Tunisie ne souffre ni d’un déficit de talents ni d’un manque d’idées, mais d’un déficit d’investissement et d’un mauvais aiguillage du crédit. Cette affirmation, qui pourrait sembler consensuelle, prend ici une dimension stratégique, car elle remet implicitement en cause un modèle économique dominé depuis plus d’une décennie par la consommation contrainte, la dette publique et la logique de court terme.

Le chiffre avancé – un taux d’investissement plafonnant à 16 % du PIB – agit comme un révélateur brutal. Il situe la Tunisie nettement en dessous du seuil nécessaire à une croissance inclusive et durable. Plus encore, la structure même de cet investissement, majoritairement autofinancé et faiblement soutenu par le crédit bancaire, révèle un déséquilibre profond dans la répartition du risque économique. Le discours met ainsi en lumière un paradoxe central : les entreprises portent l’essentiel du risque sans bénéficier d’un véritable effet de levier financier, tandis que les banques demeurent enfermées dans une posture défensive.

 

Le chiffre avancé – un taux d’investissement plafonnant à 16 % du PIB – agit comme un révélateur brutal. Il situe la Tunisie nettement en dessous du seuil nécessaire à une croissance inclusive et durable. Plus encore, la structure même de cet investissement, majoritairement autofinancé et faiblement soutenu par le crédit bancaire, révèle un déséquilibre profond dans la répartition du risque économique.

 

Sur ce point, le Gouverneur adopte une rhétorique d’équilibre. Il évite la stigmatisation des banques, reconnaît leurs contraintes prudentielles et réglementaires, mais refuse que celles-ci deviennent un alibi à l’inaction. En appelant les établissements de crédit à passer du rôle d’intermédiaire à celui « d’architecte du développement », il esquisse une redéfinition ambitieuse de la fonction bancaire, encore largement absente du paysage tunisien. Cette ambition, toutefois, se heurte à une réalité institutionnelle lourde : un système bancaire structurellement exposé à la dette publique, fragilisé par les créances douteuses et soumis à des exigences de solvabilité de plus en plus strictes.

Le discours se distingue également par sa tentative de réhabilitation du risque. Dans un contexte marqué par l’aversion généralisée à l’incertitude, le gouverneur renverse la perspective : le véritable danger n’est plus de prendre des risques maîtrisés, mais de rester immobile. Cette inversion du paradigme est intellectuellement solide et économiquement fondée, notamment à l’heure des ruptures technologiques, énergétiques et géopolitiques. Toutefois, elle suppose l’existence d’un environnement institutionnel capable d’absorber l’échec, de sécuriser l’investissement et de garantir une concurrence loyale — conditions encore imparfaitement réunies.

Sur le rôle de la Banque Centrale, le discours se veut rassurant et pédagogique. La priorité donnée à la stabilité monétaire et financière est réaffirmée avec fermeté, tout en étant présentée non comme une fin en soi, mais comme un socle indispensable à la relance de l’investissement. La mise en avant des progrès réalisés – maîtrise de l’inflation, stabilité du dinar, amélioration de la notation souveraine – vise à démontrer que les conditions macroéconomiques s’améliorent et que l’argument de l’instabilité ne peut plus justifier l’attentisme généralisé.

 

Le discours se distingue également par sa tentative de réhabilitation du risque. Dans un contexte marqué par l’aversion généralisée à l’incertitude, le gouverneur renverse la perspective : le véritable danger n’est plus de prendre des risques maîtrisés, mais de rester immobile.

 

Néanmoins, une tension traverse l’ensemble du propos : comment concilier l’intervention exceptionnelle de la BCT pour soutenir la trésorerie de l’État avec la volonté affichée de préserver la dynamique du crédit à l’économie réelle ? Le Gouverneur répond par un cadrage légal et temporel strict, mais la question de l’effet d’éviction demeure en filigrane. Tant que la dette publique continuera d’absorber une part significative des ressources financières domestiques, l’appel à une réallocation massive du crédit vers l’investissement productif restera partiellement contraint.

L’un des apports notables du discours réside dans son ouverture vers l’innovation financière et institutionnelle : digitalisation des procédures de change, soutien aux fintechs, développement du capital-investissement, finance verte. Ces orientations témoignent d’une volonté de modernisation réelle de l’écosystème financier. Toutefois, leur impact dépendra de leur articulation avec des réformes plus profondes touchant à la gouvernance, à la justice économique et à la lutte contre la rente.

 

L’appel à une « nouvelle alliance » entre entreprises, banques et Banque centrale constitue le cœur politique du discours. Il s’agit moins d’un simple appel à la coopération que d’une tentative de refondation du contrat économique implicite.

 

Enfin, l’appel à une « nouvelle alliance » entre entreprises, banques et Banque centrale constitue le cœur politique du discours. Il s’agit moins d’un simple appel à la coopération que d’une tentative de refondation du contrat économique implicite. Mais cette alliance ne pourra se concrétiser sans un quatrième acteur pleinement engagé : l’État stratège, capable de donner de la visibilité, de sécuriser les règles du jeu et de restaurer la confiance.

En définitive, ce discours marque une inflexion importante dans la communication et, potentiellement, dans l’action de la Banque Centrale. Il trace une trajectoire, pose des responsabilités partagées et ouvre une fenêtre d’opportunité. Reste à savoir si cette fenêtre sera exploitée ou si elle se refermera, une fois de plus, sous le poids des inerties structurelles. Car en économie comme en politique monétaire, la crédibilité ne se mesure pas seulement à la qualité du diagnostic, mais à la capacité collective de passer de l’intention à l’action. 

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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