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A Tunis, démonstration de force des partisans de Kaïs Saïed

17. Dezember 2025 um 13:15

La révolution tunisienne n’a pas eu lieu le 14 janvier 2011, jour du départ précipité de l’ancien président Ben Ali vers l’Arabie saoudite, où il est aujourd’hui enterré, mais un mois plus tôt, le 17 décembre 2010, date de l’auto-immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid. Kaïs Saïed a voulu imposer sa lecture de l’Histoire, et ses partisans l’ont actée, en marquant aujourd’hui cet anniversaire par une marche de soutien au président de la république, au centre-ville de Tunis, sous les slogans mobilisateurs de la préservation de la souveraineté nationale, du rejet de l’ingérence étrangère et de la lutte contre la corruption dont il fait les thèmes récurrents de son discours politique.

Latif Belhedi

Ils étaient quelques milliers à défiler, ce mercredi, à travers l’avenue Habib Bourguiba, venus de plusieurs régions du pays, qui se réclament non pas d’un parti, d’une idéologie, ou d’un mouvement politique, mais d’un homme, Kaïs Saïed, dont ils épousent ou reprennent en chœur les idées, les positions, les slogans et les postures, notamment une défiance à l’égard des élites intellectuelles, des partis politiques, des organisations de la société civile et des corps intermédiaires en général; un rejet des concepts même de libertés publiques et de droits de l’homme, considérés comme des instruments d’ingérence de l’étranger, souvent d’ailleurs présenté comme le mal absolu ; une suspicion envers toute forme d’opposition au régime mis en place par Kaïs Saïed au lendemain de la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021.

Les pancartes agitées par les manifestants déclament ces positions comme des convictions inébranlables et ne supportant aucun questionnement ou aucune nuance.

Les prisonniers politiques et d’opinion, ou activistes incarcérés et présentés comme tels par l’opposition, sont considérés comme des membres de lobbys corrompus au service de l’étranger, des ennemis du peuple voire des traitres à la nation. Leur opposition à Kaïs Saïed, élevé au rang de guide suprême, suffit à les disqualifier et à les rendre suspects au regard de la norme politique instaurée par ce dernier.

La marche populaire d’aujourd’hui est donc censée constituer une réponse aux marches organisées chaque samedi depuis deux mois par l’opposition et la société civile pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire du régime et exprimer le soutien des manifestants au «massar» (processus politique) incarné par le locataire du Palais de Carthage.

Bref, il s’agit de montrer, par cette mobilisation populaire, que Kaïs Saïed, bien qu’il ne soit pas soutenu par un parti politique, bénéficie quand même d’un appui populaire traversant toute les couches de la société. Il serait, à ce titre, le leader populaire par excellence que le peuple oppose aux élites politiques et intellectuelles traditionnelles. Certains y voit une forme de populisme qui ne mènera nulle part. D’autres une voie de sortie d’un «système politique» ancien marqué par le clientélisme et la corruption.

Hier tard le soir, Kaïs Saïed s’était rendu à l’avenue Habib Bourguiba, où devait avoir lieu, quelques heures plus tard, la marche de ses partisans, a annoncé l’agence officielle Tap. Il voulait, probablement, se rendre compte personnellement des préparatifs de ladite marche. Des images de cette visite ont été diffusées par les réseaux sociaux et reprises par la chaîne Al-Jazeera.

Selon Mosaïque FM, des cortèges officiels se sont tenus au siège des gouvernorats, notamment ceux de Kasserine, de Gabès et de Sidi Bouzid, pour célébrer le 15ᵉ anniversaire du déclenchement de la révolution, sous le slogan: «17 décembre 2010… la voix de la révolution ».

Les cérémonies se sont déroulées en présence des gouverneurs et des cadres régionaux et locaux, des responsables et forces de sécurité et militaires, ainsi que des représentants des organisations nationales. Ils ont été marqués par la levée du drapeau national au son de l’hymne, ainsi qu’un hommage aux martyrs de la nation, rapporte aussi Mosaïque, ce qui conforte le caractère très officiel de cette célébration, avec un programme festif comprenant des activités dans les maisons de jeunes et clubs ruraux, réparties entre compétitions sportives, tournois, soirées et événements culturels et récréatifs.

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La révolution tunisienne, 15 ans après | Inachevée mais toujours vivante  

17. Dezember 2025 um 07:30

Le 17 décembre 2025 marque quinze ans depuis l’immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, l’étincelle qui a embrasé la Tunisie et le monde arabe. Cette «Révolution de la dignité» n’a pas seulement renversé une dictature ; elle a fait naître une initiative citoyenne inédite, portée par des textes fondateurs qui ont transformé la révolte en projet politique durable. Ces textes – slogans, chartes, décrets, constitutions, essais réflexifs – forment une généalogie à la fois politique (revendication populaire), juridique (institutionnalisation de la liberté) et symbolique (dignité, vivre-ensemble, autonomie de la sphère civile). Quinze ans plus tard, ils restent des phares dans un paysage où la transition démocratique vacille.

Abdelhamid Larguèche *

1. Les mots d’ordre révolutionnaires

«Travail, liberté, dignité nationale» – «Le peuple veut la chute du régime».   

Ces slogans, anonymes et collectifs, constituent les véritables textes fondateurs. Ils sont des «actes performatifs» : en les énonçant, des sujets jusque-là invisibles (jeunes diplômés des régions intérieures) se sont autorisés à parler au nom du commun. 

Ils fondent l’initiative citoyenne comme droit d’agir sans délégation préalable. Pas d’idéologie, pas de chef : seulement la dignité (karāma) revendiquée par tous. Le philosophe Fathi Triki y voit l’exigence éthique centrale : la révolution est d’abord une reconnaissance mutuelle, un vivre-ensemble dans la dignité. Ces mots ont brisé la peur et ouvert l’espace public à la multitude hétérogène.

2. L’auto-organisation populaire 

Dès janvier 2011, à Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa, des comités de protection de la révolution produisent des appels publics, listes de revendications et chartes de vigilance. C’est une pratique d’auto-organisation hors partis et hors État : un contre-pouvoir populaire pur. 

La Charte citoyenne (lancée par l’Initiative citoyenne en février 2011) cristallise ces revendications en 16 principes : État civil, égalité, indépendance de la justice, alternance, rejet de la violence, préservation des acquis des femmes, liberté de conscience, droit au travail et développement régional équitable. 

Elle affirme : «La véritable légitimité est celle des valeurs citoyennes qui ont permis la victoire de la révolution.» C’est le peuple, et non les partis, qui porte la légitimité révolutionnaire.

 3. Le décret-loi n°2011-88 : la première consécration juridique 

Ce décret, adopté le 24 septembre 2011 sous la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror) présidée par Yadh Ben Achour, consacre la liberté d’association par simple déclaration. Il rompt avec le régime autoritaire des associations sous Ben Ali et transforme l’initiative citoyenne en acteur reconnu de l’espace public. 

Yadh Ben Achour, dans ses écrits, y voit la «deuxième naissance» de la Tunisie : un État de droit où la société civile devient autonome et inaliénable.

 4. La légitimité révolutionnaire institutionnalisée 

Sous Ben Achour, la Haute instance produit rapports et principes reconnaissant explicitement la légitimité révolutionnaire et la participation citoyenne. 

La Constitution de 2014 en est le couronnement : articles 21 (égalité), 31 (liberté d’expression), 35 (liberté d’association), 139 (démocratie participative locale). Pour la première fois, l’initiative citoyenne devient principe constitutionnel.

 5. De la protestation à la proposition 

Les manifestes pour la transparence, la justice transitionnelle, la décentralisation traduisent une maturation : l’initiative citoyenne devient force normative. 

Les penseurs donnent sens à ce mouvement : 

– Fathi Triki : la révolution comme exigence éthique de dignité et reconnaissance. 

– Latifa Lakhdar : crise de l’imaginaire collectif, rôle de la culture et de l’école. 

– Aziz Krichen : crise de l’État et des élites modernisatrices. 

– Hamadi Redissi : sécularisation en marche, islam politique confronté au pluralisme. 

– Mondher Kilani : autonomie de la sphère civile, éclipse du religieux dans le politique, présence des femmes, non-violence.

Moi-même j’y ai vu un symptôme historique de longue durée (marginalisation des régions, héritage postcolonial). 

15 ans après : une révolution inachevée, mais vivante 

Ces textes fondateurs ont permis une transition unique : liberté d’expression, élections pluralistes, Constitution progressiste. Pourtant, la société civile reste tiraillée entre instrumentalisation partisane et autonomie réelle. 

La crise actuelle (concentration des pouvoirs, chômage persistant, inégalités régionales) montre que la flamme de Sidi Bouzid brûle encore. Les slogans de 2011 – dignité, travail, liberté – restent des exigences non satisfaites. 

L’initiative citoyenne tunisienne, née dans la rue, institutionnalisée par la Charte et le décret 88, consacrée par la Constitution, reste la boussole. Comme le dit Fathi Triki : «La révolution n’est pas terminée ; elle est une œuvre éthique en devenir.» 

À l’heure de l’an XV, relisons ces textes fondateurs non comme archives, mais comme promesses : la Tunisie peut encore achever sa révolution citoyenne, inclusive, juste et digne pour tous. 

* Historien.

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