Sous-traitance interdite en Tunisie : un remède social aux effets économiques incertains ?
Dans une publication Facebook détaillée, l’économiste et universitaire Ridha Chkoundali a analysé les implications de l’amendement du code du travail portant sur l’interdiction de la sous-traitance.
Tout en reconnaissant ses aspects positifs sur le plan social, l’économiste met en garde contre ses « effets potentiellement néfastes » sur la compétitivité des entreprises, l’inflation et les finances publiques.
Chkoundali critique la séparation entre les dimensions économique et sociale dans cette loi. Il explique que ce texte s’inscrit dans une logique où la stabilité sociale est perçue comme un préalable à la création de richesse, mais néglige le fait que cette stabilité dépend elle-même du progrès économique. « Cette loi s’inscrit dans une approche qui considère que la stabilité sociale est nécessaire pour créer de la richesse. Mais cette approche oublie que la stabilité sociale ne peut être atteinte sans progrès économique », écrit-il. Il souligne que la relation entre ces deux sphères est « dialectique » et estime que le texte accorde des droits aux travailleurs sans définir clairement leurs devoirs envers les entreprises, pourtant essentielles à leur stabilité financière.
Les effets positifs du texte
Chkoundali relève plusieurs points positifs dans cette réforme. D’abord, elle devrait contribuer à réduire l’emploi précaire en offrant une meilleure stabilité sociale à certains travailleurs. Ensuite, elle pourrait permettre une régulation accrue de l’économie en limitant les activités informelles, ce qui augmenterait les recettes fiscales et les cotisations sociales.
Les risques économiques majeurs
Cependant, l’économiste identifie plusieurs conséquences négatives potentielles. Premièrement, l’obligation pour les entreprises d’intégrer les sous-traitants augmentera leurs coûts salariaux, réduisant leur compétitivité et entraînant une hausse des prix, ce qui pourrait accélérer l’inflation.
Deuxièmement, dans le secteur public, l’intégration massive des sous-traitants alourdira la masse salariale de l’État, creusant le déficit budgétaire. Pour y faire face, le gouvernement pourrait être contraint soit d’augmenter les impôts, ce qui pénaliserait les entreprises et le pouvoir d’achat, soit d’emprunter davantage à la Banque centrale, ce qui réduirait la liquidité disponible pour le secteur privé et freinerait la croissance.
Troisièmement, en rigidifiant le marché du travail, cette réforme pourrait détériorer le climat des affaires en Tunisie, déjà mal classée dans ce domaine, décourageant ainsi les investisseurs étrangers.
Enfin, Chkoundali observe que la crainte des entreprises face à cette loi a déjà provoqué une vague de licenciements dans plusieurs secteurs, un effet immédiat et contre-productif.