L’ordre néo-féodal, ses vassaux et ses barbares

Tawfik BOURGOU
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La sollicitude dont a été entouré Al Joulani montre aux derniers naïfs et idéalistes, que l’Occident n’a d’alliés dans le monde arabe que les forces brutales
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L’ordre mondial en émergence est un ordre néo-féodal, les USA règnent par la force et par la prébende, monnayent leurs interventions comme toute armée de mercenaires
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La longue file des prétendants à la protection, venus se prosterner devant le nouveau Maître, en dit long sur le réflexe de vassalité
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Le prochain épisode est déjà écrit et Trump s’apprête à conclure un accord avec les Russes sur lequel s’aligneront les pays européens
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Même chiites et musulmans, les Iraniens sont d’abord des perses et le sort des Arabes ne les intéresse qu’en tant que supplétifs
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Dans cette ère, la force symbolique du droit international a cédé le pas aux diktats
TUNIS – UNIVERSNEWS Si on devait remercier Monsieur Trump, ce serait pour l’ultime argument et la preuve finale qui nous permet de redire avec certitude, enfin, que l’islam politique et le djihadisme est non seulement une création occidentale mais surtout son outil, son vassal le plus utile, le plus servile.
A en juger par l’empressement avec lequel a été reçu et adoubé l’actuel potentat syrien, qui n’est qu’un vulgaire criminel de guerre, bourreau des minorités, ordonnateur de massacres et d’actes terroristes au cœur de l’Occident même, on peut enfin disposer de la confirmation finale sur les rapports troubles entre les puissances occidentales et l’islam politique.
En 2011, contre tous les crédules et les naïfs, nous avions proclamé que les pseudos révolutions, la faribole des printemps arabes, n’étaient que des « farces de l’histoire » destinées à blanchir et à récompenser l’islam politique, pour services rendus notamment en Afghanistan. La sollicitude dont a été entouré Al Joulani montre aux derniers naïfs et idéalistes, que le monde occidental n’a d’alliés dans le monde arabes que les forces brutales, islamistes et djihadistes et autres prédateurs des droits.
Nous l’avions dit en 2011, au moment où Tripoli était en train de tomber entre les mains des djihadistes payés par le Qatar, encadrés par la Turquie et surtout soutenus par l’OTAN qui a prélevé sa dime sur la fortune du Qatar pour livrer la Libye à d’anciens pensionnaires de Guantanamo. Nous avions eu raison, nous avons toujours raison aujourd’hui.
La même pièce de théâtre, la même farce sera rejouée dans quelques jours à Tripoli. Le décor est là, à la syrienne : supplétifs étrangers, argent du Golfe, visite préalable d’un haut officier de l’armée américaine, des prisons qui se vident soudain, des milices étrangères et enfin, un Joulani local, sorti de nulle part, avec des états de services quantifiables en têtes et en bras tranchés qui se fait proclamer Calife, aussitôt reçu à Washington avec tous les égards. En Libye, les troupes du chaos sont déjà sur place. C’est pour cela que depuis des années nous avions appelé en vain, à une fermeture des frontières devant les vagues migratoires subsahariennes et à une expulsion massive des illégaux.
En Syrie, récemment, c’est la même tactique utilisée depuis 1979 en Afghanistan qui a été mise en œuvre : des djihadistes de tous poils et de toutes nationalités forment la troupe barbare et les forces du chaos, un financeur-pays du Golfe, une armée locale qui entraine et encadre des terroristes et des djihadistes, le Pakistan en 1979, la Turquie depuis 2011 dans le monde arabe, une aide logistique, du renseignement, des troupes spéciales et des précurseurs du renseignement au sol, venant de sociétés militaires privées occidentales, payées par des pays du Golfe. Enfin, des masses qui sortent naïvement pour consentir bêtement à un nouvel ordre barbare.
L’ordre mondial en émergence est un ordre néo-féodal, les Etats-Unis règnent par la force et par la prébende, monnayent leurs interventions comme toute armée de mercenaires. Ils ne sont qu’une version moderne des armées de condottieri qui écumaient la péninsule italienne au temps de Machiavel, des Médicis et des Soderini. Quiconque payera les Etats-Unis s’assure de sa protection. Une sorte de Pozzo planétaire. Le Qatar, jamais avare d’idées, va offrir un avion présidentiel Boeing à son maître d’une valeur de 400 millions de dollars, le prix de sa protection. La République américaine, comparable à un Corleone s’est empressée d’accepter. Une honte transformée en exploit.
La longue file des prétendants à la protection, venus se prosterner devant le nouveau maître en dit long sur le réflexe de vassalité. Il n’y a pas que le monde arabe du Golfe qui se distingue par la courbette diplomatique. Après une période de bruit et de fureur contre le Seigneur Trump, tous sont rentrés dans les rangs, acceptant de payer comme tout vassal à la grande satisfaction du nouveau maitre. Oubliée l’autonomie stratégique, la volonté de se défendre par ses propres moyens, des fariboles servies à des peuples de plus en plus distants de la politique par dépit et par dégoût. L’Europe est dans une posture qui en dit long sur son esprit de résistance face aux Etats-Unis, la Chine et la Russie. Le prochain épisode est déjà écrit. Trump s’apprête à conclure un accord avec les Russes sur lequel s’aligneront les pays européens. Le britannique a déjà montré la voie. Les Etats-Unis encaisseront deux fois. Une fois côté russe et une fois côté européen.
Dans la périphérie, le choix n’est pas très varié : la barbarie sans les Etats-Unis, ou la barbarie avec les Etats-Unis. Au préalable, les stratèges de Trump ont pris la peine de s’entendre avec les Iraniens qui s’écarteront de toute implication, comme à leur habitude, comme au Liban, Palestine et ailleurs. Même chiites et musulmans, les iraniens sont d’abord des perses. Le sort des arabes ne les intéresse qu’en tant que supplétifs.
La Syrie sera le corridor des trois mers (Caspienne, Golfe arabo-persique, Méditerranée) pour le dégagement du gaz de la Caspienne, projet hautement stratégique pour l’Union Européenne aussi, qui ne veut plus dépendre du gaz algérien qui recèle toujours une conditionnalité politique comparable à celle pratiquée par la Russie. A terme, la Syrie permettra le dégagement du gaz israélien vers l’Union Européenne, seule zone solvable
La rencontre entre Trump et Al Joulani va consacrer la mainmise turco-saoudo-qatari sur ce pays, va consacrer son dépeçage en trois pays selon le désidérata d’Israël qui coordonne avec les Etats arabes du Golfe quant au statut final de la Syrie.
Dans cette recomposition comparable à une ère de nouvelles féodalités, ceux qui n’auront pas été en capacité de protéger leurs frontières, ceux qui se seront laissés envahir par des vagues migratoires, ceux qui se sont laissés absorbé par les troubles dans les périphéries disparaitront. Ceux qui ont vendu la terre de leurs ancêtres, seront condamnés à y vivre comme des exilés. Nul besoin de donner des exemples.
Dans cette ère, la force symbolique du droit international a cédé le pas aux diktats. Quant aux discours sur les valeurs démocratiques universelles, les droits fondamentaux, ils n’engagent désormais que les naïfs qui y croient. Seule la force, même brutale, imposerait apparemment le respect. Il semble d’ailleurs que les égards dont a été entouré Al Joulani n’ont pas été mensurés à l’aune de ses diplômes ou à sa connaissance du droit mais vraisemblablement à l’aune du nombre de ses victimes.
Pour convaincre les derniers crédules, nous recommandons une relecture du discours du Caire de Barack Obama à l’aune de ce qui vient d’être dit. Vous aurez à la fois le modus operandi du passé et la suite de la farce.
T.B.
Politologue