Polémique au Parlement : Deux régimes juridiques pour un même délit de chèque sans provision
Les commissions de la législation générale, du règlement intérieur, des lois parlementaires et électorales ainsi que de la fonction électorale à l’Assemblée des représentants du peuple ont tenu, ce vendredi au Palais de Bardo, une séance conjointe consacrée à l’audition des représentants du ministère de la Justice. Cette réunion s’inscrit dans le cadre de l’examen en cours d’une proposition de loi portant sur l’amnistie générale pour le délit d’émission de chèque sans provision, initiée par un groupe de députés.
Les représentants du ministère de la Justice ont rappelé les dispositions de la loi n° 41 de 2024, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de commerce. Selon eux, cette réforme repose sur une approche globale visant à concilier les intérêts de toutes les parties tout en préservant le tissu économique grâce à l’assainissement et à l’amélioration des transactions financières par l’usage du chèque.
Ils ont également mis en garde contre le risque de voir coexister “deux régimes juridiques distincts pour une même situation”, si l’amnistie générale est accordée aux émetteurs de chèques sans provision d’un montant inférieur ou égal à cinq mille dinars. Une telle situation créerait, selon eux, une incohérence juridique difficilement justifiable.
Par ailleurs, ils ont souligné que la proposition de loi ne garantit pas un équilibre entre les droits du débiteur et du créancier, puisqu’elle ne prévoit pas de mécanismes assurant aux bénéficiaires des chèques le recouvrement de leurs créances. À titre de comparaison, le décret n° 10 de 2022, qui portait déjà sur une amnistie similaire, incluait des garanties permettant aux créanciers d’être indemnisés.
Certains députés ont proposé d’amender le texte afin d’y intégrer des garanties supplémentaires en faveur des créanciers. Ils ont notamment souligné que la proposition actuelle s’inscrit dans la continuité des objectifs de la loi n° 41 de 2024, visant à : assainir le climat économique, réduire l’inflation, accroître la transparence dans les transactions par chèque et alléger la pression sur le système judiciaire.
D’autres parlementaires ont suggéré de limiter progressivement l’usage du chèque dans les transactions financières et de renforcer le recours à la lettre de change en lui conférant un caractère exécutoire.
Des problèmes d’application de la Loi n° 41 de 2024
Les députés ont également mis en lumière des difficultés dans la mise en œuvre de la loi n° 41 de 2024. Ils ont pointé du doigt le refus des banques d’instaurer des plafonds différenciés pour les carnets de chèques selon la solvabilité des clients, le retard des établissements bancaires dans l’application des nouvelles dispositions de l’article 412 du Code de commerce, qui prévoit une réduction des taux d’intérêt fixes sur les prêts en cours de remboursement et e non-respect par certains notaires du barème officiel des honoraires pour la rédaction d’engagements ou d’accords de médiation.
Face à ces constats, les députés ont insisté sur la nécessité d’harmoniser les procédures entre les différentes juridictions, notamment en ce qui concerne les délais de prescription. Ils ont également appelé à une meilleure coordination entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire afin d’assurer l’application effective des lois en vigueur.
À cet égard, le projet de loi en question, composé de trois articles, a été présenté par 45 députés issus de divers blocs parlementaires. Il a été transmis aux commissions compétentes par le bureau du Parlement le 13 février, avec une demande d’examen en urgence.
Reste à savoir si cette proposition sera amendée pour garantir un équilibre entre les droits des créanciers et ceux des émetteurs de chèques, ou si elle sera rejetée au nom de la cohérence juridique.
L’article Polémique au Parlement : Deux régimes juridiques pour un même délit de chèque sans provision est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.