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Mohsen Hassan: « Tout passe par le développement de l’investissement »

24. November 2024 um 19:14

Qu’on parle de projets structurants ou de croissance économique en général, le mot d’ordre, c’est l’investissement. Pour M. Mohsen Hassan, avec un taux d’investissement national de 15%, difficile de déplacer les montagnes. Pour y remédier, comme il le précise, il faudra d’abord instaurer un climat d’affaires propice et en la matière, il reste beaucoup à faire. Comment y arriver ? C’est ce que va nous expliquer l’expert en finance et ancien ministre du Commerce lors de cette interview. Une occasion aussi pour revenir sur l’actualité, notamment le PLF 2025, l’indépendance de la BCT et le déficit courant.

Vous avez déclaré dernièrement qu’il n’y a que les grands projets qui peuvent garantir des milliers de postes d’emploi. Précisément, on veut vous interroger sur les projets structurants, sur l’importance de ces projets dans une économie, l’économie tunisienne en l’occurrence. Pourquoi, à votre avis, ça bloque sur le sujet ?

Il est évident que les projets structurants sont d’une importance capitale dans une économie et dans l’économie tunisienne en particulier. L’avantage ou l’intérêt économique d’un tel choix trouve son explication dans la création des emplois directs et indirects pour le développement d’un tissu industriel autour des projets structurants. Il est temps que le gouvernement mette en place une stratégie afin d’accélérer l’implémentation de ces projets. Cette stratégie doit reposer d’abord sur la levée des contraintes au niveau des procédures administratives. Ceci n’est possible qu’à travers une amélioration du cadre législatif, notamment en ce qui concerne le problème foncier. Il y a aussi la question de la réglementation bancaire et du financement bancaire.

Aujourd’hui, je pense que l’industrie bancaire n’encourage pas et ne motive pas le financement de grands projets, elle
en est même très loin. Avec un taux directeur de 8%, des taux d’intérêt qui ne cessent d’augmenter, les projets structurants n’ont plus accès au financement. Le système bancaire préfère allouer ses ressources au financement du budget de l’État plutôt que pour ce genre de projet. Les projets structurants publics ont besoin de fonds et tout le monde connait les problèmes du pays au niveau des finances publiques. Nos moyens sont limités.

Pour donner un exemple, le budget de l’État 2025 n’a prévu que 5,4 milliards de dinars pour l’investissement public. C’est pratiquement 7% des dépenses de l’État. C’est trop peu pour financer des projets structurants. D’un autre côté, le PPP (partenariat public-privé) n’a pas encore joué son rôle en la matière. Il est temps de revoir son cadre juridique, cela doit être une priorité pour le gouvernement. Il est temps de développer cette voie pour le financement des projets structurants. C’est une question structurelle. Il faut une vision qui recommande et qui exige même le développement du PPP comme instrument, comme levier, pour le développement de l’investissement. D’autant qu’il y a un blocage au niveau de l’investissement privé. Fin 2023, le taux d’investissement a atteint 15,6%. C’est un taux qui reflète bien l’environnement des affaires en Tunisie. Il faut dire, toutefois, que dernièrement, un intérêt certain
de la part du gouvernement s’est manifesté pour ce genre de projets. Des conseils ministériels consacrés à ce sujet ont été tenus, et ils ont abouti à la création d’un comité pour accélérer l’implémentation des projets structurants. Et c’est tant mieux.

Selon vous, quels sont les projets structurants prioritaires aujourd’hui en Tunisie ?

Je commencerais par le dossier que je connais pour avoir dirigé le ministère du Commerce. Aujourd’hui, la mise à niveau des circuits de distribution est une priorité pour le pays. Je pense que l’État doit créer un réseau de marchés de production et de marchés de gros. Ce sont des projets structurants qui permettent d’assurer la fluidité qu’il faut au niveau du circuit de distribution. Il y a aussi la transition énergétique, où d’autres projets peuvent être envisagés. Sur les 15 milliards de dinars de déficit commercial, plus de 9 milliards proviennent de l’énergie. L’investissement dans la transition énergétique est donc indispensable. Il y a aussi l’investissement dans la logistique. Je citerais le port en eau profonde d’Enfidha. Il est, à mon sens, impératif que l’Etat investisse, en partenariat avec le privé, pour la réalisation de ce port. Dans le même cadre, on peut parler du transport public. On ne peut avancer sans un secteur de transport efficace. Pourquoi ne pas penser à la réalisation d’un grand aéroport ? Nous avons pour cela des réserves foncières énormes. Il ne faut pas aussi oublier le réseau routier, notamment les autoroutes. Il faut penser à des autoroutes transversales pour désenclaver les régions intérieures. On peut penser aussi à ces grands projets urbains, comme celui de « Sama Dubaï », par exemple. Ce sont ces grands projets qui créent l’emploi et changent la face du pays. D’ailleurs, c’est un fait, la baisse de la croissance ces dernières années est due en grande partie au ralentissement qu’a connu le secteur du bâtiment, de la construction, de l’immobilier d’une façon générale. Les grands projets immobiliers jouent un rôle très important. Ils ont un effet d’entraînement sur les petits métiers, c’est là où se trouve la plus grande niche d’emplois.

Cela permettra aussi de faire de Tunis une capitale méditerranéenne, comme Barcelone, Marseille ou Alexandrie.

Oui, et on en a besoin. En plus de l’effet économique, il y a l’effet psychologique, l’effet d’annonce, l’image qu’on donne au monde, l’image d’une capitale prospère. C’est ce qui attire les investisseurs étrangers. Il y a lieu aussi de construire des hubs universitaires et sanitaires. On peut les réaliser en collaboration avec le PPP, dans le cadre d’une stratégie nationale des projets structurants. Tout cela pour dire que les projets à réaliser ne manquent pas.

On va profiter de votre présence pour revenir un petit peu sur le projet de loi de finances 2025. Une lecture générale.

Il y a des chiffres sur lesquels on peut s’attarder, comme les hypothèses de base qui ont été adoptées, notamment le taux de croissance de 3,2%. Je pense que c’est plutôt optimiste, si on le compare à ce qu’a prévu la Banque mondiale, soit 2,3%. C’est réalisable, encore faut-il pour cela qu’on arrive à réunir toutes les conditions, notamment en termes d’investissement et de demande intérieure. Côté recettes de l’État, les fonds propres représentent 63,9% dont 45,2 milliards de dinars proviennent des recettes fiscales, soit une augmentation de 7,3% par rapport à l’année dernière. Je reviens sur ce chiffre pour mettre en évidence la hausse continue de la pression fiscale. En fait, la première
source de financement du budget de l’État, c’est la fiscalité. Cela pose problème, surtout lorsqu’on sait que la hausse de la pression fiscale est disproportionnée par rapport à la croissance du PIB. Au niveau des dépenses, qui sont de l’ordre de 60 milliards de dinars, 24,3 milliards de dinars seront consacrés aux salaires, ce qui représente près de 40,8% de l’ensemble des dépenses et 13,3% de PIB.

Quant aux dépenses d’intervention, elles représentent 20,5 milliards de dinars, soit environ 33% des dépenses de l’État, dont 11 milliards de dinars de dépenses de compensation (près de 7,2% de PIB). C’est trop. En 2010, l’objectif était de réduire les dépenses de compensation à 2% de PIB. Aujourd’hui, on est à 7,2% de PIB, c’est énorme. Ainsi, il ne reste que 5,4 milliards de dinars pour l’investissement public. On comprend alors pourquoi cela bloque côté projets structurants. Revenons maintenant aux ressources d’endettement. Les ressources d’emprunt sont de l’ordre de 28,2 milliards de dinars, dont un peu plus de 6 milliards de dinars d’endettement extérieur, contre 16 milliards pour l’année 2024. Le reste, soit 22 milliards de dinars, sera de l’endettement intérieur. Ces quelques chiffres confirment que la situation est un peu critique. Surtout concernant l’endettement intérieur et l’endettement extérieur à court terme. Fin 2025, l’endettement public sera de 147 milliards de dinars, soit 83% de PIB.

Enfin et pour conclure, la loi de finances 2025 a une vocation sociale. On s’oriente de plus en plus vers l’État-providence, avec moins de libéralisme, moins d’intérêt pour la question économique. Cette orientation sociale du rôle de l’État se fait au détriment du rôle économique.

L’intégralité de cette interview est disponible   dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 907 du 20 novembre au 4 décembre 2024 

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Météorologie

24. November 2024 um 12:51

Le ministre du Transport vient d’annoncer qu’un projet de loi visant à réglementer la diffusion de prévisions météorologiques non officielles sera prochainement présenté par l’Institut national de météorologie à l’ARP. C’est vrai que dans ce domaine, souffler le chaud et le froid au point de dire tout et son contraire est devenu un sport national. Mais bon, de là à en faire une loi, cela fait froid dans le dos. Il faut dire qu’il se passe tellement de choses incongrues chez nous qu’on finit par s’y habituer et qu’il n’y a pratiquement plus rien à ajouter. Sauf peut-être à en rajouter sur la pluie et le mauvais temps. La météo est capricieuse et il lui arrive rarement de tenir compte des vœux des hommes, même quand ces hommes et ces femmes siègent à l’ARP, haut lieu, comme tout un chacun le sait, des espoirs du peuple et des rêves des plus démunis.

Historiquement, il en a toujours été ainsi et tous les adages populaires à ce sujet tournent autour de l’inconstance, certains disent l’alternance, entre la pluie et le beau temps. L’ennui, c’est que les « actuels » tiennent de plus en plus les « autres » pour des comploteurs ou tout au moins des empêcheurs de tourner en rond. On les voit défendre l’indéfendable, mais ils se mettent, vite, aux abonnés absents quand il s’agit de trouver comment assurer les récoltes ou faire fructifier les richesses du sous-sol, en dépit du populisme qui gagne le monde.

Et c’est là que l’on voit bien pourquoi il est passablement incongru de se chamailler autour des problématiques lois de finances. Pour avoir de quoi payer, il faut encore pouvoir compter sur les recettes. L’actuel chef du gouvernement en sait quelque chose. On peut lui prêter toute la bonne ou mauvaise foi que l’on souhaite, il n’y aurait manifestement rien d’autre à faire que de frapper à la porte de la Banque centrale. On peut toujours s’y opposer, à tort ou à raison, mais la persistance du discours ambiant met toutes les institutions en proie au doutes, pour ce qui reste à perdre, il faut dire. La mode est à celui qui sera le plus fort dans le blocage de tout ce qui ressemble à du travail, et à des travailleurs désireux de gagner leur pitance à la sueur de leur front.

L’habitude a été prise de demander à l’Etat tout et son contraire. Et comme le plus bel Etat ne peut donner que ce qu’il a, en fait pas grand-chose par les temps qui courent. L’abondance de pluie va continuer à boucher les égouts et le manque de pluie à boucher les oreilles. On parle bien d’une « lutte contre la corruption et la spéculation », mais personne n’écoute les économistes qui disent que c’est la rareté qui crée la spéculation et son corthège funèbre, la corruption.

Mais qu’à cela ne tienne, on nous dit qu’on vient d’adopter une nouvelle approche pour lutter contre le phénomène. Il s’agit de privilégier le dialogue et la sensibilisation à la répression. Une nouvelle approche qui semble porter ses fruits. La preuve : plusieurs commerçants spéculateurs ont décidé de leur propre chef, selon un communiqué de la présidence de la République, de ne plus spéculer sur les denrées alimentaires et de baisser les prix de leurs marchandises. Il y a même un commerçant, selon le même communiqué, qui est allé spontanément dans l’arrièreboutique pour ramener les sacs et les caissons de denrées alimentaires cachés, les exposer de nouveau après avoir baissé leurs prix, le tout en scandant « Vive la Tunisie ». Toujours selon le communiqué, cela montre que les Tunisiens, quand ils ont confiance dans leurs dirigeants, retrouvent aisément leur élan de compassion et de solidarité.

Il y a longtemps, un ancien Premier ministre, H. Nouira pour ne pas le nommer, avait expliqué sa réussite en affirmant que « la pluie avait voté pour lui ». On en est toujours là. Signe des temps, Les dirigeants ne sont pas en reste, ils font la pluie et le… mauvais temps. C’est là la volonté des Tunisiens.

Le mot de la fin est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 907 du 20 novembre au 4 décembre 2024 

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