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L’école tunisienne et la réhabilitation de l’intelligence spirituelle 

28. September 2025 um 11:01

La récente prière collective d’élèves dans la cour du lycée Mohamed Boudhina de Hammamet, qui a suscité une vive polémique, n’est pas un simple incident disciplinaire. C’est le signe visible d’un manque de repères symboliques et spirituels qui fragilise nos jeunes. Et au-delà de la gestion institutionnelle, il révèle une faille plus profonde : l’oubli du sens et l’absence d’une véritable intelligence spirituelle dans notre système éducatif. Quand l’école oublie de former à l’intelligence spirituelle, elle produit des diplômés compétents mais désarmés face aux dogmes. 

Manel Albouchi *

Les Lumières sont arrivées jusqu’à nous, mais comme des valises étrangères. Sans histoire. Sans enracinement. 

À l’école, on apprend par cœur des versets du Coran, on récite Voltaire, on mémorise des théorèmes. Mais pense-t-on vraiment ? 

Depuis l’indépendance, l’école tunisienne a repris les modèles coloniaux et modernisateurs. Le savoir y est réduit à un instrument utilitaire, souvent simple levier d’ascension sociale. Le diplôme en devient l’horizon unique. On apprend aux élèves à réussir aux examens, à accumuler des savoirs techniques, mais rarement à se poser des questions de sens. 

Comme le dit Edgar Morin, une éducation réduite à la transmission de connaissances techniques est incomplète : elle oublie ce qui relie les savoirs entre eux, ce qui relie l’homme à sa culture et à sa propre intériorité. 

Ainsi, notre école a certes permis l’ascension sociale, mais elle a aussi produit une génération d’esprits brillants mais déracinés, flottant entre le vide et le dogme. 

La dimension manquante 

L’intelligence spirituelle ne peut se réduire à un courant de pensée, à un dogme ou à une religion. Elle inclut la sagesse, l’intuition et la conscience de la transcendance, c’est-à-dire du lien avec ce qui nous dépasse. 

Le psychologue Robert Emmons a montré que l’intelligence spirituelle est la capacité à mobiliser des ressources intérieures pour affronter les épreuves, donner du sens à sa vie et transformer la souffrance en croissance. 

Pour Danah Zohar et Ian Marshall, le Spiritual Quotient (SQ) est «l’intelligence ultime», celle qui intègre toutes les autres : raison, émotion, intuition. Sans elle, l’homme reste prisonnier de ses conditionnements; avec elle, il accède à une véritable liberté intérieure. 

C’est cette dimension qui manque aujourd’hui. Sans intelligence spirituelle, nous formons des diplômés brillants mais fragiles, capables de résoudre des problèmes techniques, mais incapables d’habiter leur vie avec cohérence et profondeur. L’élève est alors comme une feuille emportée par le vent des dogmes : tantôt soumise, tantôt révoltée. Avec elle, il apprend à se tenir debout dans le monde, même au cœur des tempêtes.

Un langage du vide 

L’incident de Hammamet n’est pas un simple problème de discipline. Il dit quelque chose de plus profond : l’absence d’un langage intérieur qui aide les jeunes à articuler leur foi, leur liberté et leur vie sociale. 

Comme l’a montré Viktor Frankl, fondateur de la logothérapie, l’homme peut survivre à tout s’il trouve un sens. À l’inverse, le vide existentiel rend vulnérable aux idéologies et aux certitudes rigides. Ce n’est donc pas seulement la loi qui doit s’imposer à l’école, mais le sens : une boussole intérieure qui protège du fanatisme et du nihilisme. 

La transmission vivante et le sacré oublié 

Avant l’école moderne, le sens se transmettait par les récits, les contes, les mythes. Comme l’explique Mircea Eliade, le mythe n’est pas une fable, mais un récit fondateur qui relie l’homme au sacré. 

Le rôle des mères était central : elles transmettaient mémoire et sens par leurs paroles. Par leurs berceuses et récits, elles offraient à l’enfant plus que du lait : une mémoire et une inscription dans l’histoire symbolique du groupe. 

Aujourd’hui, cette parole vivante a presque disparu, remplacée par des écrans et des savoirs fragmentés. La conséquence est claire : une génération privée de repères symboliques, donc plus fragile face aux dogmes. 

Le chemin de l’individuation 

L’intelligence spirituelle ne se manifeste pas toujours tôt. Elle surgit souvent après les épreuves, dans la maturité. Carl Gustav Jung a parlé du Soi, centre organisateur de la psyché, qui se révèle progressivement dans le processus d’individuation. 

Individuer, c’est intégrer ses contraires : raison et intuition, émotion et réflexion. C’est ce chemin qui permet de résister aux dogmes, non pas par rejet, mais par discernement. 

Ainsi, l’éducation doit préparer ce terrain. Non pas seulement transmettre des savoirs, mais ouvrir un espace où raison, créativité, émotion et quête de sens peuvent dialoguer. 

Réhabiliter le sens à l’école 

Réformer l’école tunisienne, ce n’est pas seulement changer des programmes ou moderniser des infrastructures. C’est redonner aux jeunes une boussole intérieure. 

L’intelligence spirituelle est cette couronne qui ordonne toutes les autres intelligences, nourrit la liberté intérieure et protège contre la soumission aveugle. 

Sans elle, nous formons des diplômés efficaces mais orphelins de sens. Avec elle, nous donnons à nos enfants la capacité de réussir, mais surtout d’exister pleinement 

* Psychothérapeute, psychanalyste.

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L’islam politique n’est pas vaincu en Tunisie  

28. September 2025 um 09:53

La scène rocambolesque de prière collective dans la cour d’un établissement scolaire public à Hammamet à laquelle nous eûmes droit il y a quelques jours via les réseaux sociaux a marqué, à sa manière, la rentrée politique 2025/2026 en Tunisie. De par sa symbolique, ses visées et le contexte général très tendu dans lequel elle eut lieu, elle nous interroge sur l’évolution de notre société, pas encore débarrassée des «séquelles» de l’islam politique qui y a régné entre 2011 et 2021. 

Raouf Chatty *

Au terme de quatre ans d’exercice sans partage du pouvoir politique, les autorités en place semblent avoir été prises de court par un événement qui n’a pas fini de susciter des interrogations sur sa portée éminemment politique. 

En effet, fruit d’une mise en scène savamment orchestrée, la prière collective dans la cour d’un établissement scolaire étatique à Hammamet, célébrée par des élèves visiblement embrigadés par des agitateurs islamistes, n’a pas fini de susciter des interrogations sur ses tenants et des aboutissants. Elle vient rappeler que les islamistes n’ont pas été mis hors d’état de nuire, qu’ils sont loin d’avoir abandonné leurs vieilles méthodes entristes et qu’ils aspirent même à revenir sur les devants de la scène politique. Chassés par la porte de l’Assemblée, où ils ont régné sans partage pendant toute une décennie dite noire, ils tentent aujourd’hui de revenir par la fenêtre des écoles et des mosquées.

A la reconquête du pouvoir

Pour les commanditaires de la fameuse prière collective dans la cour du lycée Mohamed Boudhina de Hammamet, il s’agissait clairement de narguer le pouvoir en place, de tester ses capacités de réaction et de préparer d’autres actions similaires à l’avenir. Les islamistes, car c’est d’eux qu’il s’agit, ne désespèrent pas en effet de la reconquête du pouvoir politique. Chassés du pouvoir par les masses populaires le 25 juillet 2021 au terme d’une décennie de gestion catastrophique des affaires publiques, ils croient que la situation générale dans le pays est suffisamment pourrie pour qu’ils envisagent leur retour et s’y préparent à leur manière : par l’activisme socio-politique. 

Si la fameuse prière collective des lycéens de Hammamet est en apparence un acte anodin, il n’en est pas moins cynique, calculé et dangereux. Il prouve, s’il en est besoin, que les islamistes croient pouvoir embobiner encore une fois les Tunisiens, en recourant aux mêmes méthodes cyniques et démagogiques de l’agitation religieuse. Au risque de dénaturer les nobles valeurs de l’islam et d’offrir de cette religion une image pitoyable. 

Reprise en main du champ de la foi

L’embrigadement des jeunes, on le sait, fait partie des méthodes utilisées par les islamistes pour imposer leur loi à la société. La prière collective, dont le déroulement a été savamment planifié, devait marquer un moment important dans le processus de reprise en main du champ de la foi. Qui plus est, à une période marquée par un climat social très tendu et de grandes difficultés économiques et sociales. Le moment, à savoir la rentrée scolaire, a également été bien choisi pour frapper la conscience des millions d’élèves, d’enseignants et de parents. L’objectif étant de faire sortir leur mouvement de l’oubli dans lequel il a sombré ces dernières années et occuper de nouveau une scène politique laissée désespérément vide par un pouvoir politique hostile aux partis, aux associations et aux corps intermédiaires d’une façon générale.

Pour remplir ce vide, l’Etat doit sortir de sa léthargie et organiser un débat national auquel seront associées toutes les forces politiques civiles et progressistes et les grands partenaires sociaux et économiques. Le débat devrait porter sur le caractère civil de l’Etat, l’école républicaine et le principe d’égalité entre l’homme et la femme. 

* Ancien ambassadeur.  

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