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Quand l’État “rabaisse” le prix de l’huile d’olive, la Tunisie pénalise ses agriculteurs

26. Dezember 2025 um 11:30
Moktar Lamari
Moktar Lamari

C’est officiel, depuis hier, le prix de référence de l’huile d’olive est administré de nouveau, fixé à 10 dinars le litre cette saison. Moins que 3 euros le litre, un prix en deçà des coûts de production moyens. Un prix cassé favorisant l’exportation en vrac et en masse. Un cadeau pour les exportateurs, un drame pour les agriculteurs et les investisseurs dans le secteur. La colère sociale monte et pas pour rien. La Tunisie ne dispose pas de tribunal de Commerce, pour éventuellement recevoir les plaintes légitimes des producteurs. Un procès, pour spoliation des ruraux par les urbains…

L’Etat contre ses paysans ?

Chaque saison oléicole en Tunisie commence par le même rituel. Le ministère du Commerce, le ministère de l’Agriculture, l’ONH (Office National de l’Huile) et le CEPEX montent sur scène, chiffres à la main, sourire jaune mais satisfait et enrobé de discours démagogique. Annonçant, d’une seule voix, que « les productions d’huile d’olive sont en hausse », que « la Tunisie confirme son rang mondial », mais que « les prix de cet or vert sont divisés par deux ».

Rideau tombé et applaudissements nourris des intermédiaires, banques et autres intrus dans la filière. Les médias reproduisent les discours, sans comprendre et sans expliquer les vrais enjeux, les perdants et les gagnants.

Sur le terrain, le producteur regarde ses bidons et barils partir à des prix cassés qui insultent son travail et volent son produit, par ce mécanisme d’administration indue des prix. Mais ça, ce n’est pas dans le communiqué des ministères et organes officiels. Ils s’en balancent.

L’État tunisien ne ment probablement pas : c’est les fonctionnaires incompétents qui trichent par omission. Ils parlent toujours de volumes, jamais de valeur. De tonnes, jamais de prix. De classement mondial, jamais de revenus pour ceux qui produisent réellement l’huile.

L’olive et l’huile d’olives deviennent des chiffres abstraits, utiles pour les rapports et les discours, inutiles pour la reproduction des fermes oléicoles et et les oliviers comment tels.

Langue de bois pressée à froid

L’Office National de l’Huile se présente comme régulateur. En réalité, il agit comme un agent d’écoulement rapide. Quand les prix chutent, on n’entend jamais un discours sur la protection du producteur ou la limitation de la vente en vrac. On entend plutôt des formules recyclées :

« Il faut s’adapter aux conditions du marché international »
« La conjoncture mondiale est difficile »
« L’Espagne influence les prix »

Traduction : l’État abdique, mais avec hypocrisie bureautique, élégance technocratique, qui fait au final saigner les producteurs, et ruinent l’espoir des investisseurs.

Le ministère du Commerce parle de compétitivité, comme si vendre moins cher que tout le monde était une stratégie et non un aveu d’échec.

Le ministère de l’Agriculture, lui, invoque la tradition, la qualité, le terroir… tout ce qu’il refuse ensuite de défendre concrètement par une politique de marque, de conditionnement et de prix plancher.

Quant au CEPEX, il exporte. Peu importe quoi. Peu importe comment. Peu importe sous quel nom. L’essentiel, c’est que ça sorte du territoire et que les tableaux Excel soient verts.

L’huile d’olive tunisienne devient un simple flux logistique. Un liquide qui coule, qui fuit et qui tâche, mais dans l’intérêt des intermédiaires, pas des producteurs.

Les élites parlent, les médias radotent et les producteurs encaissent les pertes et les déceptions.

Les économistes universitaires restent à l’écart, ils ne veulent pas toucher à un sujet explosif, qui dévoilera leurs incompréhensions des enjeux. Probablement, leur incapacité des politiques d’administration des prix, et régulations des marchés de la Tunisie profonde de Sidi Bouzid à Zarzis, en passant par Kairoaun ou Akkouda.

Dans les salons climatisés des hôtels étoilés et des conférences des diplomates, on entend toujours les mêmes phrases, le même refrain prononcés par les mêmes profils :

« On ne peut pas aller contre le marché »
« Il faut être réaliste »
« L’État ne peut pas tout faire »

Curieusement, ces élites trouvent toujours le réalisme quand il s’agit de baisser les prix, jamais quand il s’agit de construire une stratégie nationale ambitieuse. Elles savent expliquer pourquoi on ne peut pas protéger le producteur, mais jamais pourquoi l’Italie peut vendre notre huile trois fois plus cher que nous.

Le syndicat des agriculteurs parle des deux coins de la même bouche, chacun dit son discours. Supposément au nom des agriculteurs, mais reste souvent coincé entre communication institutionnelle forcément en langue de bois , double discours et impuissance réelle.

Le producteur, lui, n’a ni micro ni plateau télé. Il a juste ses olives, ses dettes et un État qui lui demande de comprendre et de redoubler d’effort dans l’intérêt des politiciens en place. Les larmes pour pleurer et la prière pour se oublier.

Un État qui vend vite, ses caisses étant vides

La vérité est brutale : l’État tunisien traite l’huile d’olive comme un produit éternellement en crise, pas comme un pilier stratégique. Les envolées lyriques de certains journalistes engraissés par la publicité mensongère ne changent rien à la réalité.

L’huile d’olive tunisienne est simplement bradée, probablement pour combler un trou budgétaire urgent, des revenus en devises, mais pas pour construire une richesse durable. Le court terme l’emporte sur le moyen terme.

On la brade comme quand on liquide tout ce qu’on n’a pas eu le courage de défendre. On la brade, parce que l’Etat n’a pas investi dans les infrastructures de stockage, les technologies de traçabilité, ou l’innovation de produit.

Pas de marque nationale forte. Pas de mesure pour contrôler la qualité et vérifier la traçabilité. Pas de politique sérieuse contre la domination du vrac. Pas de protection réelle des prix à la production.

Mais beaucoup de discours. Beaucoup de conférences. Beaucoup de “succès”. Les médias du sérail applaudissent les gagnants et oublient les producteurs de la Tunisie profonde. Eux, les journalistes préfèrent les réceptions des ambassades aux investigations de terrains et sondages des producteurs et acteurs de la filière oleicole.

Mais, ce faisant l’Etat transfère volontairement les surplus des producteurs, vers celui des intermédiaires et autres rentiers liés aux marchés de l’exportation.

L’incompétence extra vierge

Le bradage de l’huile d’olive tunisienne n’est ni une fatalité ni un accident. C’est le résultat d’un choix institutionnel répété, maquillé par des mots creux et des chiffres flatteurs. L’État tunisien ne manque ni d’experts ni de rapports. Il manque de volonté politique et de respect pour ce qu’il possède.

Un État qui vend son meilleur produit comme un surplus ne mérite pas de parler de souveraineté économique. Un État qui célèbre les volumes mais ignore les prix ne protège rien, il administre le déclin.

L’huile d’olive tunisienne continuera d’être excellente.

La question est : jusqu’à quand la gouvernance de la filière oléicole continuera-t-il à être médiocre ?

Par Moktar Lamari -Economics for Tunisia 

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