Comment opère un mendiant pour vous soutirer de l’argent ? La méthode est imprenable. Un mode d’emploi auquel certains sont peut-être habitués. Et comme les temps changent, les méthodes des mendiants changent aussi et prennent donc de nouvelles formes.
Il – ou elle – vous approche par un obligé « Assalam Alleikom » en vous jetant un regard triste et cherchant un soutien. Et si cela ne vous pousse pas à mettre votre main à la poche et à lui glisser les pièces tant désirées, il y a toujours une accélération. Elle consiste à prier Dieu le Tout Puissant afin qu’il vous accorde sa miséricorde. Et évidemment cela peut ne pas fonctionner. Alors, on sort les grands moyens : une ordonnance que l’on vous tend ou encore une facture quelconque à payer. Là non plus, il y a moyen que l’hameçon ne prenne pas.
Alors, le dernier recours reste celui d’insister en vous rappelant que l’on s’adresse à vous parce qu’on est au chômage, que l’on est orphelin ou que l’on élève des orphelins en bas âge, que l’on souffre d’un handicap et que l’on ne peut travailler, que…
Il arrive souvent que notre mendiant – ou notre mendiante – ne lâche pas le morceau en faisant avec vous jusqu’à quelques pas en espérant que cette insistance porte ses fruits. Et oubliant quelquefois que vous avez déjà été approché auparavant, quelques-uns – ou quelques-unes – vous refont tout le programme. Ils n’ont pas du reste honte lorsqu’ils découvrent que vous connaissez la partition. Dans ce cas, ils s’en vont généralement sans piper mot. Tout content quand même d’avoir essayé !
Là non plus, il y a moyen que l’hameçon ne prenne pas. Alors, le dernier recours reste celui d’insister en vous rappelant que l’on s’adresse à vous parce qu’on est au chômage, que l’on est orphelin ou que l’on élève des orphelins en bas âge, que l’on souffre d’un handicap et que l’on ne peut travailler…
Une ordonnance vieille de cinq mois
« Pratiquement un jour sur deux, je suis approché par la même femme qui s’installe devant le même magasin pour me raconter la même et unique histoire : elle a besoin d’argent pour acheter un médicament en me tendant une ordonnance vieille de cinq mois ! Et lorsque je m’étonne qu’elle n’ait pas ramassé la somme nécessaire depuis tout ce temps, elle ne répond pas en passant au client suivant », raconte Fatma, enseignante à la retraite habitant le quartier Lafayette.
Inutile de préciser que la mendicité a ses temples : un carrefour, devant la porte d’un magasin, un cimetière, un café ou un restaurant, une station de métro, une agence bancaire ou un bureau de poste ou encore un Distributeur automatique de billets (DAB). « Soit », comme dit Mansour, costume et cravate, un cadre bancaire travaillant au même quartier de Lafayette, en esquissant un petit sourire, « du plat directement au four ».
Et même à proximité des trottoirs
Tout le monde connaît cette histoire des « bébés loués à la journée » ou encore celle de ces « emplacements réservés » qui permettent de bien gagner de l’argent. Car, la mendicité est devenue tout un art. Les moyens changent aussi. Beaucoup mendient en vous proposant un paquet de papiers mouchoirs. Il y a aussi ceux – et cela est bien visible dans les trains de la banlieue sud – qui vous tendent un flyer contenant des sourates du Saint Coran, ou encore un bonbon et font par la suite une tournée dans le wagon avant de venir chercher leur pécule.
Mais combien rapporte le commerce de la mendicité ? On parle quelquefois de sommes mirobolantes. Une enquête réalisée il y a un an, ou presque, parle de sommes pouvant aller jusqu’à 150 dinars par jour. L’Organisation Internationale de Défense des Droits de l’Homme (OIDDH), qui a mené un travail de terrain et donné ses résultats en octobre 2024, s’appuie sur le témoignage de personnes travaillant dans des boulangeries et des commerces de fruits secs qui font souvent la monnaie aux mendiants.
Une autre forme de mendicité déguisée prend aussi de l’ampleur avec notamment cette période d’été connue pour les ruées vers les plages et la séance unique. Il s’agit des agents de « parkings sauvages ». Et même à proximité des trottoirs. Des emplacements hors-la-loi et une facture salée : on exige un minimum de 2 dinars.
15 % seulement sont réellement pauvres !
Mais combien rapporte le commerce de la mendicité ? On parle quelquefois de sommes mirobolantes. Une enquête réalisée il y a un an, ou presque, parle de sommes pouvant aller jusqu’à 150 dinars par jour. L’Organisation internationale de défense des droits de l’Homme (OIDDH), qui a mené un travail de terrain et donné ses résultats en octobre 2024, s’appuie sur le témoignage de personnes travaillant dans des boulangeries et des commerces de fruits secs qui font souvent la monnaie aux mendiants.
Et combien sont-ils ces mendiants ? 15 000 dont 5 000 dans le Grand Tunis (les gouvernorats de Tunis, de Ben Arous, de La Manouba et de l’Ariana). Dont aussi 500 à 1 000 enfants et 60 % de femmes. La même enquête fait apparaître aussi que 15 % seulement des mendiants sont réellement pauvres ! « Lorsqu’on est dans le besoin, réellement dans le besoin, on ne mendie pas », opinion, à ce titre, Mansour. En ajoutant : « Et puis, on ne mendie pas fréquemment ».
L’article Mendicité – On en voit de toutes les couleurs est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.