Imed Charfeddine : « La Tunisie doit jouer la carte du véhicule électrique et de l’innovation »
Imed Charfeddine, vice-président de la TAA, a dressé un tableau des défis et opportunités du secteur automobile tunisien. Entre essor du véhicule électrique et attractivité croissante pour les investisseurs asiatiques et américains.
« L’industrie s’adapte au marché et à la consommation », a rappelé Imed Charfeddine en ouverture de son intervention, lors de l’événement « Le secteur automobile face aux transformations mondiales », organisé à Tunis le 13 mai 2025 par la Chambre tuniso-française de l’industrie et du commerce (CTFCI). Face à un marché européen en net recul — « le nombre de véhicules produits ces dernières années est tombé à 1,8 million, et on annonce déjà des chiffres en dessous du milliard d’euros » —, le responsable a souligné l’urgence d’une redéfinition stratégique.
Les marchés traditionnels s’essoufflent, poussant les industriels à explorer de nouveaux débouchés. « Nos clients changent, se tournent vers de nouveaux marchés », a-t-il prévenu, citant notamment l’essor des constructeurs asiatiques, en particulier chinois.
Un tissu industriel déjà solide, mais en mutation
La Tunisie peut compter sur un socle industriel conséquent : plus de 100 000 emplois dans le secteur automobile, en grande partie dans le câblage. Toutefois, ce modèle est en pleine mutation. « On voit émerger des technologies électroniques, l’informatique embarquée, la connectivité. Et nous accompagnons cette transformation », a indiqué M. Charfeddine.
L’industrie locale se tourne vers des compétences plus pointues, intégrant le software, la maintenance prédictive et les bancs de tests électroniques. Il reconnaît toutefois des perturbations récentes dans certains pôles industriels, laissant entendre que des troubles ont freiné certaines dynamiques.
Vers une industrie 4.0 et des alliances stratégiques
Pour le vice-président de la TAA, l’avenir passe par l’innovation. Il appelle les pouvoirs publics à « inciter les entreprises à se transformer vers l’industrie 4.0 ». Et ce, tout en évoquant la nécessité d’un projet universitaire dédié à la montée en compétences : « Il faut former les talents qui accompagneront les nouvelles technologies et les besoins des consommateurs en connectivité et mobilité ».
Par ailleurs, la Tunisie peut tirer parti de ses accords commerciaux avec l’Europe et l’Afrique : « Ce sont des avantages à exploiter pour accompagner le développement du secteur automobile vers de nouveaux marchés ».
Attractivité croissante pour les investisseurs étrangers
Les évolutions du marché mondial ouvrent aussi des perspectives pour la Tunisie en tant que base industrielle stratégique. Face à la nécessité de raccourcir les chaînes d’approvisionnement, les géants asiatiques et américains montrent un intérêt accru pour le pays. Ainsi, « depuis vingt ans, les acteurs asiatiques rachètent des entreprises européennes. Aujourd’hui, ils viennent en Tunisie pour prospecter et envisager l’installation de nouvelles usines », poursuit-il.
M. Charfeddine cite également l’intérêt des acteurs américains et japonais, notamment dans la fabrication de composants pour véhicules électriques. « Le véhicule électrique est plus accessible à produire et à intégrer. C’est une carte que nous devons jouer », a-t-il insisté.
Compétences locales et enjeux de souveraineté technologique
L’écosystème tunisien est en mesure de répondre à ces nouveaux défis : « Plus de 8 000 ingénieurs sont formés chaque année. Nos centres universitaires, professionnels et de recherche ont permis l’émergence d’une filière de compétences remarquable ».
Des entreprises comme Leoni ou Coficab ont investi dans des centres de développement en Tunisie, certains employant plus de 1 000 ingénieurs. « Le coût des ingénieurs en Tunisie reste compétitif, avec une excellente adaptabilité aux technologies émergentes ». La proximité géographique avec l’Europe, l’usage croissant des outils numériques et l’absence de décalage horaire renforcent encore l’attractivité du pays.
Le logiciel, nouveau cœur de la voiture connectée
« La voiture de demain sera un concentré de software », a souligné Imed Charfeddine, évoquant le rôle croissant des fabricants de téléphones dans l’automobile. « Regardez les véhicules conçus par ces entreprises : ils sont vendus dans les mêmes magasins que les smartphones et misent sur l’ergonomie. »
Dans un monde où la voiture devient un terminal mobile, la Tunisie a une carte à jouer : celle de la compétence numérique appliquée à l’automobile.
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