Ancienne gloire du handball ivoirien, Halima Traoré a connu la lumière des terrains avant le choc brutal d’un accident de voiture qui lui a coûté ses jambes et qui aurait pu tout éteindre. Elle a choisi de se relever, de servir son pays autrement et de transformer la douleur en combat. Portrait d’une femme qui incarne, par son parcours, la résilience et la dignité.
Il y a dans le regard de Halima Traoré une intensité qui ne laisse pas indifférent. Derrière le calme apparent, on devine une force forgée par les épreuves. Elle n’a rien oublié de ses années de gloire, quand elle faisait vibrer les salles de handball en Côte d’Ivoire, mais elle parle aujourd’hui d’une autre victoire — celle de s’être reconstruite sans renier ni sa foi, ni son identité.
Née dans une grande famille musulmane polygame, Halima grandit dans un univers à la fois chaleureux et contraignant. Les traditions, la discipline, la hiérarchie familiale — tout y est codifié. Mais très tôt, elle sent que sa respiration est ailleurs. «Le sport a été mon échappatoire, ma manière de respirer», confie-t-elle. Avant de découvrir le handball, c’est l’athlétisme qui lui ouvre la voie : le 200 mètres comme un espace de liberté. «Le handball m’a révélée, dit-elle encore. Enfant, je me sentais peu aimée, incomprise. Ce sport m’a permis de m’affirmer et de me construire une identité.»
La chute et la renaissance
Le destin bascule un jour d’accident. Une tragédie qui aurait pu la condamner à l’oubli. Halima se retrouve face à elle-même, brisée mais vivante. «On me disait souvent que je ne serais rien. J’ai grandi dans le jugement et le mépris. Alors, ma revanche, ça a été de me prouver que j’étais plus forte que l’image qu’on avait de moi», raconte-t-elle. Refusant de se laisser abattre, elle transforme la douleur en énergie vitale.
Son salut viendra d’un homme : Félix Houphouët-Boigny, le président ivoirien. «Il m’appelait chaque jour pendant mon hospitalisation. Il croyait en moi, même quand je doutais. Grâce à lui, j’ai pu reprendre une activité professionnelle et être affectée à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris.» Un geste d’humanité qui marquera sa vie.
À Paris, Halima découvre un autre monde, celui de la représentation diplomatique, souvent codifié et hiérarchique. «Dans ce milieu, j’ai rencontré du mépris, surtout envers les professeurs d’éducation physique, confie-t-elle. Mais le sport m’a appris la discipline et l’esprit d’équipe. Être diplomate, c’est aussi savoir écouter et coopérer.»
Elle s’y forge une place, avec la même rigueur que sur le terrain. L’expérience lui donne une nouvelle perspective sur la vie, sur la place des femmes et sur la perception du handicap.
Longtemps, elle a refusé les propositions de handisport venues de l’étranger. «Sur le moment, je ne pouvais pas accepter de me voir en fauteuil roulant. J’aimais la vitesse, la liberté du corps. Mais avec le recul, je regrette de ne pas avoir saisi cette chance.» Derrière cette lucidité, aucune amertume. Seulement la conscience d’un parcours singulier, guidé par la dignité.
Un combat pour la visibilité
Aujourd’hui, Halima prépare la création de HDR, une ONG destinée aux enfants handicapés et orphelins. Son objectif : redonner confiance et visibilité à ceux que la société marginalise. «Tant que nous cacherons notre handicap, dit-elle, la société continuera à nous invisibiliser. Il faut être fiers, visibles, unis. Nous rions, nous aimons, nous travaillons — nous sommes des êtres humains à part entière.»
Pour elle, la véritable inclusion passe par la fierté et la visibilité. Le handicap, loin d’être une faiblesse, peut devenir une force. C’est le message qu’elle souhaite transmettre à la jeunesse africaine. «Ne négligez jamais vos études, répète-t-elle. Le sport est magnifique, mais il doit aller de pair avec la connaissance. Il faut croire en soi et ne pas renoncer.»
Ce qui frappe chez Halima, c’est cette alliance entre la foi et la lucidité. Elle ne se présente pas comme une héroïne, mais comme une femme ordinaire qui a refusé la défaite : «Ma foi, mon sens du devoir et le souvenir de ceux qui ne sont plus là me portent chaque jour. Ma persévérance est une manière de leur rendre hommage.»
Son livre, “Halima Traoré – Handballeuse fauchée en pleine gloire”, qu’elle souhaite voir traduit en plusieurs langues, est à la fois un témoignage et un appel à la dignité. «La vie d’une personne handicapée est un combat quotidien. Être soi-même, malgré tout, c’est ma plus belle victoire.»
Djamal Guettala
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