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Brouillard : 404 – Science économique Not Found

23. Juli 2025 um 06:00

Je tiens d’abord à saluer la qualité de l’article-réplique publié sous le titre « Éclairage : Science économique et soupçon numérique », émanant d’un professeur éminent, à la plume rigoureuse et nuancée. Cette réplique, bien qu’opposée à ma thèse, a le grand mérite d’ouvrir un espace de débat contradictoire au sein des médias tunisiens, un espace libéré à la fois de la complaisance académique et des polémiques stériles.

Cette évolution est précieuse, car elle consacre le retour de la confrontation d’idées dans un champ où le consensus mou a souvent servi de refuge à l’inaction intellectuelle.

Cela dit, je persiste et signe. Si mon article « Autopsie de la fin tragique des sciences économiques » a pu heurter certaines sensibilités, c’est précisément parce qu’il pose une rupture que beaucoup s’efforcent de transformer en simple transition. La critique de mon texte cherche à atténuer cette rupture en la ramenant à une « inflexion », un « basculement »; voire une « refondation douce ». Or, ce que j’avance n’est pas une nuance épistémologique : c’est un constat palpable, et documenté, d’effondrement disciplinaire.

Un effondrement structurel, pas un basculement paradigmatique

Le cœur de la réponse tient dans cette phrase : « Ce que l’auteur identifie comme une fin tragique pourrait être interprété, plus justement, comme un moment de basculement paradigmatique ». Or, c’est là toute la confusion. Il ne s’agit pas d’un basculement, comme entre la mécanique classique et la relativité, où les anciens concepts restent valides à certaines échelles. Il s’agit d’un effondrement structurel, où les concepts fondateurs de la science économique (valeur, travail, production, rareté, marché) ne décrivent plus la réalité, même partiellement.

Prenons un exemple simple : la valeur-travail. La critique concède que le capitalisme algorithmique « interroge » cette théorie. Ce n’est pas une interrogation : c’est une mise en faillite. Quand des IA produisent de la valeur à partir de comportements humains non intentionnels (et parfois inconscients), le travail vivant sort de l’équation économique. Cela ne « questionne » pas Marx, cela l’invalide comme cadre opératoire.

L’illusion d’un aggiornamento interne

La critique m’oppose les efforts de renouvellement des sciences économiques : économie comportementale numérique, économie des plateformes, économie computationnelle. Très bien. Mais ces courants ne sont pas une refondation : ils sont des greffes sur un arbre mort. Ils continuent à penser en termes de marchés, d’incitations rationnelles, de productivité, quand ce qui est en jeu, c’est la capture algorithmique de l’attention, la colonisation des affects, et la modulation prédictive du comportement. Ce ne sont pas de simples variables exogènes. Ce sont les nouvelles structures productives.

Comparer l’évolution actuelle de l’économie à la physique, passant de Newton à Einstein, est tentant, mais faux. La physique a intégré la relativité sans abandonner ses fondements mathématiques. Ici, il ne s’agit pas d’ajouter une couche : il s’agit d’admettre que les équations d’origine sont devenues silencieuses.

Marx n’a pas ignoré TikTok : il n’a pas eu à l’imaginer

On me reproche, à mots couverts, d’anachronisme : balayer Marx, Keynes ou Friedman parce qu’ils « ignoraient TikTok ». Mais ce n’est pas leur ignorance que je pointe. C’est le déplacement historique de l’objet même de l’économie. Marx est utile pour penser l’exploitation industrielle. Friedman, pour analyser les équilibres monétaires d’un capitalisme productiviste. Mais dans un monde où le capital est auto-reproductif, autonome, non corrélé au travail, leurs outils ne sont pas seulement dépassés : ils nous aveuglent.

 

 

Le danger n’est pas dans la radicalité de la critique. Il est dans le réflexe de sauvegarde de la discipline. Comme si toute remise en cause devait forcément rester interne à la maison économique. Non : il faut sortir de la maison.

Une science qui refuse de mourir bloque la naissance d’une autre

Je n’ai jamais plaidé pour l’abandon de toute réflexion économique. J’ai plaidé pour sa refondation hors de son épistémè d’origine. C’est pourquoi je propose l’économie des métadonnées, une science transdisciplinaire où l’économie dialogue avec les sciences computationnelles, les théories critiques, les études algorithmiques et l’éthique des systèmes. Ce n’est pas une utopie. C’est une nécessité. Car tant que la vieille science se cramponne à son autorité symbolique, elle empêche la nouvelle d’émerger. A ce titre, mon prochain ouvrage, « Métadonnés : les rouages d’une nouvelle économie », à paraître au mois de septembre prochain, s’attachera à montrer que la transdisciplinarité n’est ni une utopie ni un slogan, mais une nécessité méthodologique pleinement fondée…

Pleinement disposé à débattre des contours de cette nouvelle science, en revanche, difficile de cautionner l’idée selon laquelle la science économique traditionnelle pourrait, avec de simples retouches, intégrer les bouleversements numériques.

La raison est simple : elle ne l’a pas vue venir. Elle ne peut pas la penser. Et elle doit donc être dépassée.

 

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Articles en relation: 

ECLAIRAGE – La science économique à l’ère du soupçon numérique

Autopsie de la fin tragique des sciences économiques

 

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data scientist & Aiguilleur d’IA

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