Normale Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.
Heute — 07. Februar 2025Haupt-Feeds

Jean-Marie Collin, directeur d’ICAN France : « La loi Morin n’a en réalité jamais été portée par les différents gouvernements français successifs »

07. Februar 2025 um 13:44

Affaire Boualem Sansal, Larbi Ben M’hidi, Sahara occidental… Les relations entre l’Algérie et la France n’ont jamais été aussi houleuses. S’ajoute à cela la question de la loi algérienne exigeant de la France de nettoyer les déchets radioactifs après les essais nucléaires qui ont eu lieu dans le désert de l’Algérie dans les années 1960.

Jean-Marie Collin, directeur d’ICAN France, la branche française de la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (organisation qui a obtenu le prix Nobel de la paix 2017), a accepté de répondre à ces questions dans l’interview ci-dessous accordée à L’Economiste maghrébin.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?

À la suite de mes études en sciences politiques, je souhaitais travailler sur les problématiques environnementales et les questions militaires et possiblement dans une organisation non gouvernementale. Ces deux sujets ont toujours été pour moi très importants, et la problématique des armes nucléaires recouvre ces différents sujets.

Considérez-vous que votre travail relève d’une forme de militantisme ? 

Je ne sais pas si c’est la bonne formulation. Mais oui, le travail que je réalise s’appuie sur des actions militantes, signifiant la réalisation d’actions de recherche, de plaidoyer et de communication, avec une conviction profonde que notre campagne ICAN peut faire avancer le respect du droit international humanitaire et contribuer ainsi à obtenir une nouvelle forme de sécurité internationale.

Quelles mesures pourraient permettre l’application de la loi Morin? 

La loi dite « Morin » est datée du 5 janvier 2010. Elle est relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français et s’applique à l’ensemble des essais, qu’ils aient eu lieu en Algérie (17 explosions nucléaires) ou en Polynésie (193 explosions). Elle concerne l’ensemble des populations civiles comme militaires. Ce fut une avancée importante et obtenue principalement grâce au travail de pression des ONG, preuve que la société civile peut obtenir des victoires importantes.

Mais cette loi n’a en réalité jamais été portée par les différents gouvernements français successifs. Ils n’ont jamais donné de moyens pour que les potentielles victimes en Algérie ou en Polynésie puissent faire valoir leurs droits.

À titre d’exemple, c’est seulement en 2024, soit 14 années après son entrée en vigueur et sous pression de notre campagne ICAN France, que des documents de cette loi ont été traduits en langue arabe algérienne afin que les populations du Sahara puissent pleinement les comprendre.

Ainsi, sur potentiellement 400 000 personnes (période 1960-1998), à peine 3 000 ont réalisé une démarche pour demander le statut de victime des essais nucléaires français et seulement 1 026 se sont vu reconnaître ce titre ; dont 2 Algériens. Ces chiffres démontrent l’échec de cette loi.

Nous assistons à une dégradation des relations entre l’Algérie et la France. La question des essais nucléaires est venue s’y greffer. Auraient-elles été moins compliquées si la fameuse loi du 5 janvier 2010 avait été appliquée ? 

Sans doute, cela aurait permis une relation plus simple, mais la question nucléaire est loin d’être le seul sujet complexe entre l’Algérie et la France. La relation est complexe à de multiples égards, et force est de constater que malgré certaines périodes comme en 2012 avec l’ouverture « d’un nouveau chapitre de leurs relations », selon la Déclaration d’Alger, il manque toujours une volonté politique forte des deux côtés de la Méditerranée de créer cette vision commune future. La France et l’Allemagne ont su créer, malgré une histoire terrible, une amitié. Il doit en être de même pour l’Algérie et la France.

Les actions des ONG pourraient-elles éventuellement suffire pour aider les victimes d’essais nucléaires ? 

Une ONG est là pour dénoncer, faire avancer des causes, promouvoir le droit, mais elle ne peut pas créer des lois, mettre en mouvement un système de santé ou encore des programmes de réhabilitation de l’environnement. À un moment donné, il est obligatoire d’avoir des relais politiques qui permettent la mise en œuvre d’un dialogue entre la société civile et l’État afin d’obtenir la réalisation d’actions comme des enquêtes de terrain pour connaître les statistiques liées au cancer ou encore des missions de réhabilitation de l’environnement.

En plus du plaidoyer, quelles sont les méthodes qui pourraient aboutir à la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) ?

Le plaidoyer est une action qui vise directement les acteurs politiques et diplomatiques. L’objectif est de les convaincre via un argumentaire juridique, technique ou encore économique de la nécessité de rejoindre le TIAN. Mais ce plaidoyer doit s’accompagner d’actions de communication et de diffusion d’information en direction du monde médiatique, du grand public ou encore de la jeunesse.

À titre d’exemple, notre campagne a créé des bandes dessinées pour expliquer les conséquences des essais nucléaires – notamment traduites en langue arabe – ou encore sur le TIAN.

La situation géopolitique serait-elle une entrave supplémentaire à la ratification du fameux TIAN par les 5 puissances nucléaires qui ont refusé de le faire (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) ?

Il peut paraître totalement utopique de réfléchir actuellement à des processus de désarmement nucléaire vu la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’implication indirecte de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou encore quand la Chine augmente largement son arsenal nucléaire. Mais en réalité, avec le recul de l’histoire, on peut observer que c’est pendant les périodes les plus chaudes de la Guerre froide que des processus ou des prises de conscience de la nécessité de diminuer les arsenaux ont été réalisés.

La destruction à la fin des années 1980 de missiles nucléaires de portée intermédiaire par les États-Unis et l’Union soviétique est à ce titre un exemple marquant.

C’est pour cela que les États non nucléaires doivent créer une pression envers ceux qui possèdent des armes de destruction massive à travers leur implication directe dans le TIAN, c’est-à-dire en devenant membre.

Nous encourageons l’Algérie et plus généralement tous les États à rejoindre ce traité qui compte déjà 94 États signataires, dont 73 États membres. Leur forte participation peut créer une pression sur les États nucléaires et influer à changer le cours de l’Histoire.

L’article Jean-Marie Collin, directeur d’ICAN France : « La loi Morin n’a en réalité jamais été portée par les différents gouvernements français successifs » est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

❌
❌