C’était en 2002 : promesses et désillusions de l’économie tunisienne
Parce que l’histoire de l’économie éclaire toujours le présent, WMC lance une nouvelle rubrique rétrospective : « C’était en… ». Chaque semaine, nous replongerons dans les archives de Webmanagercenter, pour revisiter des événements économiques, sociaux et politiques marquants d’il y a 10, 20 ans ou plus.
Avec cette rubrique, WMC se transforme aussi en mémoire vivante de l’économie tunisienne, en donnant une seconde vie à ses archives.
L’année 2002 fut marquée par une série d’événements économiques décisifs en Tunisie. À l’heure où la mondialisation battait son plein, le pays engageait des réformes bancaires, tentait de sauver ses champions nationaux en difficulté et voyait sa compétitivité saluée sur la scène internationale. Retour sur cinq moments clés publiés dans WMC il y a plus de vingt ans, et ce qu’ils nous disent encore aujourd’hui.
Privatisation de l’UIB : la Société Générale s’installe (6 novembre 2002)
La cession de 52 % du capital de l’Union Internationale de Banques (UIB) à la Société Générale française fut un jalon majeur. Le contrat, signé au ministère du Développement, marquait l’ouverture accrue du secteur bancaire tunisien au capital étranger.
Jean-Louis Mattei, directeur de la banque de détail internationale de la SG, promettait alors un retour sur fonds propres de 20 à 25 % et une montée en gamme des services (crédits à la consommation, assurance, leasing).
Avec le recul : L’UIB a effectivement connu une modernisation, mais aussi une intégration poussée aux standards de la maison-mère.
SPDIT – SFBT : une ingénierie financière inédite (9 novembre 2002)
Pour se conformer à la loi interdisant les participations croisées, la SPDIT vendit ses parts dans la SFBT… à ses propres actionnaires. Un montage original, combinant réduction de capital et distribution de dividendes, évita un choc sur la Bourse de Tunis.
Chaque actionnaire SPDIT reçut ainsi une action SFBT pour six détenues, sans mouvement de fonds.
Aujourd’hui : Cette opération illustre déjà la créativité du marché financier tunisien pour contourner des blocages structurels. Vingt ans plus tard, la SFBT est restée un fleuron coté, preuve que certaines innovations ont permis de consolider des acteurs de long terme.
BATAM : le plan de sauvetage d’un géant de la distribution (25 novembre 2002)
En difficulté, le groupe Batam bénéficia d’une “bulle d’oxygène” bancaire de 27 MDT et d’accords avec ses fournisseurs pour éviter la faillite. La loi de 1995 sur les entreprises en difficulté fut mobilisée, permettant un règlement amiable et la suspension de la cotation à la Bourse de Tunis.
Vingt ans plus tard : L’affaire Batam reste un cas d’école des limites du capitalisme tunisien des années 1990-2000, marqué par des montages financiers risqués et une gouvernance fragile. Sa disparition ultérieure montre que les plans de sauvetage ne suffisent pas toujours face aux failles structurelles.
Banques de développement : vers l’universalité (2 décembre 2002)
Créées dans les années 1980 pour financer les grands projets, les banques de développement mixtes tuniso-arabes s’essoufflaient. En 2002, leur transformation en banques universelles fut actée, suivant la nouvelle loi bancaire et l’exemple du rachat de l’UIB par la SG.
Avec le recul : Cette évolution a ouvert la voie à une concurrence accrue, mais elle a aussi accentué la fragilité de certaines institutions, contraintes de se restructurer face à la montée des banques commerciales et des nouveaux acteurs financiers.
Tunisie, 34ᵉ économie la plus compétitive au monde (28 novembre 2002)
Le Forum économique mondial de Davos classa la Tunisie 34ᵉ au monde en compétitivité économique, devant l’Italie, la Grèce, la Turquie, le Maroc, l’Inde ou la Chine. Un succès attribué à la “clairvoyance” des choix politiques et à l’encouragement à l’exportation.
Deux décennies plus tard : La Tunisie est loin de ces classements. La désindustrialisation, la perte d’attractivité et la crise structurelle ont effacé ces performances. Ce contraste illustre la difficulté à maintenir une trajectoire de compétitivité dans un contexte de transition politique et économique.
Conclusion : le miroir du temps
En revisitant 2002, on mesure combien certaines décisions ont façonné le présent. La privatisation de l’UIB annonçait la montée en puissance des banques internationales, l’affaire Batam révélait les fragilités du capitalisme tunisien, tandis que le classement de Davos reflétait un potentiel qui s’est partiellement dissipé.
Relire ces archives, c’est confronter les promesses d’hier aux réalités d’aujourd’hui : un exercice salutaire pour penser l’avenir.
(NB: La date est celle de la publication de l’article sur WMC)
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