Un sommet en Alaska, pour quoi faire ?
Russes et Américains se sont mis d’accord pour la tenue d’un sommet sur la guerre d’Ukraine le 15 août prochain aux Etats-Unis, plus précisément en Alaska. Le sommet et l’endroit choisis pour le tenir en ont étonné plus d’un.
Le sommet ne va pas avoir lieu au cœur du territoire américain, mais sur une portion lointaine qui faisait partie de la Russie jusqu’en 1867, année où le tsar Alexandre II vendit ce bout de territoire, plusieurs milliers de kilomètres loin de Moscou, pour la modique somme de 7,200 millions de dollars. Donc, en se déplaçant pour le sommet, Poutine ne sera qu’à 85 kilomètres loin de son pays, soit la largeur du détroit de Béring qui sépare le territoire russe des Etats-Unis.
La tenue d’un tel sommet a-t-elle un sens ? C’est la question que se posent la plupart des observateurs. Tout d’abord, il faut préciser qu’un sommet qui mérite son nom est un processus qui prend des semaines, voire des mois de préparation entre les deux délégations concernées, composées des ministres des Affaires étrangères et des experts de chaque partie. Ceux-ci discutent en profondeur les aspects politiques et techniques, arrondissent les angles des différends avant de rédiger une version finale de l’accord. C’est seulement à ce stade que les deux chefs d’Etat se réunissent en sommet non pas pour discuter, mais pour apposer leurs signatures.
Or, le sommet de l’Alaska est l’un des plus bizarres de l’Histoire proche ou lointaine. Il a été décidé juste quelques jours après que Trump eut donné à Poutine « un ultimatum de 50 jours pour arrêter la guerre », avant qu’il ne change aussitôt d’avis, affirmant « 50 jours, c’est beaucoup, je lui donne 10 ou 12 jours » !
Quelques jours après, oubliant son « ultimatum raccourci », Trump envoie son représentant Witkoff à Moscou pour rencontrer Poutine. Après cette rencontre, le monde apprend que Trump et Poutine se rencontreront bientôt. Après deux jours d’incertitude sur le lieu de la rencontre, on apprend que le sommet aura lieu le vendredi 15 août en Alaska.
On imagine l’état de choc des élites gouvernantes européennes lorsqu’elles ont appris la nouvelle. Un choc d’autant plus dur que Trump a accepté la condition de Poutine d’exclure de la rencontre le président ukrainien Zelensky.
La plus forte déception est ressentie en Grande-Bretagne, ennemie historique de la Russie. Une déception et une mise en garde exprimées dans un éditorial du quotidien londonien le Daily Telegraph du 9 août en ces termes : « M. Trump ne doit pas prendre le risque de tomber dans le piège des compromis pour une paix décidée à la hâte. Poutine pourrait penser que la guerre d’usure joue en sa faveur. La ligne qui ne doit pas être franchie est que les Etats-Unis acceptent de conclure un accord qui serait favorable pour Poutine et intolérable pour Zelensky. Le prix de cette guerre est terrible, mais une paix injuste serait pire que sa continuation ».
On ne peut pas être plus clair. La Grande-Bretagne, depuis la désastreuse intervention en avril 2022 de son Premier ministre d’alors, Boris Johnson, pour faire échouer l’accord d’Istanbul jusqu’à aujourd’hui, reste la principale force hostile à toute tentative visant à mettre fin au conflit; malgré les terrifiantes pertes humaines subies par l’Ukraine.
L’entourage de Trump n’est pas moins hostile que les Britanniques à tout arrêt de la guerre tant que la Russie est avantagée sur le terrain. On peut légitimement se demander si le président américain a les mains libres pour conclure un accord avec Poutine qui serait inacceptable non seulement pour les Ukrainiens et les Européens, mais aussi pour les néoconservateurs influents dans son entourage, dans le parti républicain et au sein du Congrès. Ceci d’une part.
D’autre part, il est hautement improbable que Poutine fasse la moindre concession ou accepte un cessez-le feu qui ne répondrait pas aux conditions de la Russie qui a la haute main sur le terrain. D’où la question qui se pose avec insistance : un sommet en Alaska, pour quoi faire ?
L’article Un sommet en Alaska, pour quoi faire ? est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.