ZOOM – Emploi en Tunisie : et si on changeait de logique?
Alors que la Tunisie est confrontée à une crise économique persistante et à un chômage structurel, notamment chez les jeunes diplômés, une question lancinante refait surface : quel type d’emploi voulons-nous vraiment créer? Loin des solutions de court terme et des réponses statistiques, il devient urgent de repenser notre modèle d’emploi autour de l’investissement productif, de l’innovation sociale et d’une économie enfin tournée vers l’humain.
Quel est le meilleur emploi pour la Tunisie?
En Tunisie, où le chômage des jeunes dépasse 36 % et où l’économie peine à retrouver une dynamique inclusive, la question du « meilleur emploi » n’est pas un simple débat théorique. Elle se pose avec acuité et urgence. Car le meilleur emploi n’est pas seulement celui qui est disponible : c’est celui qui dure, qui crée de la richesse, qui incite à innover, et qui s’inscrit dans une logique de progrès collectif. C’est un emploi qui génère un effet multiplicateur, capable de nourrir un tissu économique solide et de renforcer la cohésion sociale.
Dans une conjoncture marquée par l’essoufflement des moteurs de croissance traditionnels, la résilience du tissu productif passe désormais par une refonte profonde de notre approche de l’emploi et de l’investissement.
Car le meilleur emploi n’est pas seulement celui qui est disponible : c’est celui qui dure, qui crée de la richesse, qui incite à innover, et qui s’inscrit dans une logique de progrès collectif. C’est un emploi qui génère un effet multiplicateur, capable de nourrir un tissu économique solide et de renforcer la cohésion sociale.
Pas d’emploi sans investissement durable
La crise économique mondiale, conjuguée à nos propres fragilités structurelles, a mis en évidence une vérité trop souvent ignorée : il n’y a pas d’emplois sans investissements. Et ces derniers ne peuvent exister sans un climat de confiance, une stabilité politique minimale et une visibilité sur les règles du jeu économique.
En Tunisie, l’erreur serait de continuer à considérer l’emploi comme une simple variable d’ajustement ou comme un indicateur statistique déconnecté des réalités productives. L’entreprise n’embauche pas pour « rendre service », mais parce qu’elle anticipe un gain, une valeur ajoutée, une contribution au rendement global. Et cela est légitime, à condition que ce rendement profite aussi à la collectivité. C’est là que l’équation entre rentabilité économique et utilité sociale doit être repensée.
L’entreprise n’embauche pas pour « rendre service », mais parce qu’elle anticipe un gain, une valeur ajoutée, une contribution au rendement global. Et cela est légitime, à condition que ce rendement profite aussi à la collectivité.
L’économie de marché… mais au service de l’humain
Faut-il encore débattre de l’économie de marché en Tunisie ? Oui, mais en dépassant les clivages idéologiques. L’économie de marché n’est pas incompatible avec le progrès social. Elle peut, si elle est régulée, devenir un instrument de développement humain. Le défi est de mettre le marché au service de l’homme, et non l’inverse.
Cela suppose une reconfiguration de notre système de formation, souvent déconnecté des besoins réels du tissu économique. Aujourd’hui, des milliers de diplômés attendent un emploi dans des filières saturées, tandis que des secteurs entiers — agriculture, industrie manufacturière, services numériques — peinent à recruter. Ce décalage traduit un « retour sur investissement » nul pour la collectivité, à la fois économiquement inefficace et socialement contre-productif.
Vers une économie sociale de marché tunisienne
L’avenir passe par un décloisonnement entre l’économique et le social. Il ne s’agit plus de penser l’emploi comme une finalité, mais comme un levier de transformation. Il s’agit de construire une économie sociale de marché à la tunisienne, où les investissements sont orientés vers des secteurs à forte intensité d’emplois, porteurs d’innovation, ancrés dans les territoires, et socialement responsables.
L’avenir passe par un décloisonnement entre l’économique et le social. Il ne s’agit plus de penser l’emploi comme une finalité, mais comme un levier de transformation.
Mais ce modèle est-il réellement accessible sans un climat d’affaires assaini, incitatif et transparent, capable de restaurer la confiance des investisseurs ?
Peut-on espérer une relance efficace sans un État stratège, apte à orienter les investissements vers les priorités nationales et à jouer son rôle de régulateur ?
Comment adapter notre système éducatif et de formation si une réforme ambitieuse de l’enseignement supérieur ne vient pas répondre aux besoins concrets du marché du travail ?
Et que valent ces efforts sans une véritable synergie entre les entreprises, les collectivités locales et les acteurs sociaux ?
Enfin, peut-on réellement avancer sans une volonté politique forte, capable de rompre avec le pilotage à vue et d’inscrire l’action publique dans une vision claire, cohérente et de long terme ?
Le meilleur emploi pour la Tunisie, c’est celui qui redonne confiance à une jeunesse désabusée, celui qui stabilise les trajectoires de vie, qui permet d’accéder à un logement, de fonder une famille, de croire à nouveau en un avenir ici, et non ailleurs.
Réconcilier la jeunesse avec le travail
Le meilleur emploi pour la Tunisie, c’est celui qui redonne confiance à une jeunesse désabusée, celui qui stabilise les trajectoires de vie, qui permet d’accéder à un logement, de fonder une famille, de croire à nouveau en un avenir ici, et non ailleurs.
Repenser l’emploi, c’est repenser le contrat social. C’est faire du travail non pas un privilège, mais un droit, adossé à un modèle de croissance équitable et durable. Et c’est peut-être là, la vraie réforme dont la Tunisie a aujourd’hui le plus besoin.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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