ECLAIRAGES â Taux dâintĂ©rĂȘt et lâillusion de relance : Quelques enseignements aprĂšs la baisse du taux directeur de la BCT
La rĂ©cente dĂ©cision de la Banque centrale de Tunisie de rĂ©duire son taux dâintĂ©rĂȘt directeur de 50 points de base pour le porter Ă 7,50% soulĂšve dâimportantes rĂ©flexions sur lâĂ©conomie tunisienne et sur les mĂ©canismes de financement dâune Ă©conomie en transition. Les taux dâintĂ©rĂȘt, en tant que baromĂštres de la santĂ© Ă©conomique, jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans lâallocation du capital, la consommation et lâinvestissement.
Lâimpact des taux dâintĂ©rĂȘt sur lâĂ©conomie
Les taux dâintĂ©rĂȘt influencent directement les dĂ©cisions dâemprunt et dâĂ©pargne. Un taux dâintĂ©rĂȘt plus bas peut inciter les entreprises Ă emprunter davantage pour financer leurs projets, stimulant ainsi lâactivitĂ© Ă©conomique. Par exemple, si une entreprise tunisienne emprunte 100 000 dinars Ă un taux dâintĂ©rĂȘt de 7,50% pour investir dans lâachat de nouveaux Ă©quipements, elle peut espĂ©rer une augmentation de sa productivitĂ© et, par consĂ©quent, de ses bĂ©nĂ©fices. Cependant, cette dynamique doit ĂȘtre examinĂ©e Ă la lumiĂšre de la durabilitĂ© de cette croissance.
LâĂ©quilibre entre Ă©pargne et consommation
La thĂ©orie Ă©conomique souligne que lâĂ©pargne est un pilier fondamental du dĂ©veloppement Ă©conomique. Lorsque les Tunisiens Ă©pargnent, les banques disposent de plus de capitaux Ă prĂȘter, ce qui peut entraĂźner une baisse des taux dâintĂ©rĂȘt Ă long terme. Cela favorise alors les investissements dans des projets Ă fort potentiel. Cependant, dans un contexte oĂč la culture de lâĂ©pargne est moins ancrĂ©e, une rĂ©duction artificielle des taux dâintĂ©rĂȘt peut provoquer des comportements de consommation hĂątifs au dĂ©triment de lâinvestissement productif.
Le danger de lâinflation monĂ©taire
Il est important de faire la distinction entre une baisse naturelle des taux dâintĂ©rĂȘt rĂ©sultant dâune augmentation de lâĂ©pargne (offre de fonds prĂȘtables Ă long termes) et une baisse provoquĂ©e par une expansion monĂ©taire excessive (offre de liquiditĂ©s monĂ©taires Ă court terme). Si la Banque centrale, en rĂ©ponse Ă des pressions Ă©conomiques, augmente la masse monĂ©taire sans une rĂ©elle augmentation de la production de biens et services, cela peut entraĂźner des effets inflationnistes, via Ă des tensions sur les capacitĂ©s de production et sur les couts, dâoĂč une hausse des prix. Les entreprises pourraient ĂȘtre incitĂ©es Ă investir dans des projets peu rentables, car le coĂ»t de lâemprunt semble faible. Cela peut donner lâillusion dâune prospĂ©ritĂ© immĂ©diate tout en posant les germes dâune crise Ă©conomique future.
Les cycles Ă©conomiques et la rĂ©alitĂ© de lâillusion de prospĂ©ritĂ©
Dans une Ă©conomie en croissance, les taux dâintĂ©rĂȘt jouent le rĂŽle de signal. Lorsque ces signaux sont dĂ©formĂ©s par des politiques monĂ©taires trop accommodantes, il en rĂ©sulte souvent des cycles de boom et de rĂ©cession. En Tunisie, cela pourrait se traduire par une surabondance de projets dâinfrastructure ou dâinvestissements dans des secteurs sans demande rĂ©elle et/ou immĂ©diate, menant Ă une situation oĂč, Ă terme, les entreprises ne pourront pas Ă©couler leurs produits ou services, provoquant des faillites et un chĂŽmage accru.
Lâimportance de lâinvestissement productif
Pour Ă©viter cette illusion de prospĂ©ritĂ©, il est primordial que les dĂ©cideurs politiques et Ă©conomiques en Tunisie mettent lâaccent sur des investissements productifs. Ce qui implique lâamĂ©lioration du climat des affaires pour inciter Ă lâinnovation, Ă la formation et Ă lâamĂ©lioration de la compĂ©titivitĂ© des entreprises. Aussi, la rĂ©duction du taux dâintĂ©rĂȘt doit ĂȘtre accompagnĂ©e de mesures visant Ă renforcer la confiance des investisseurs (producteurs) et des consommateurs/Ă©pargnants (rationnels), tout en favorisant une vĂ©ritable Ă©thique dâĂ©pargne/investissement.
En dĂ©finitive, la rĂ©duction du taux dâintĂ©rĂȘt directeur Ă 7,50% en Tunisie peut fournir un coup de pouce temporaire Ă lâĂ©conomie. Cependant, les consĂ©quences Ă long terme dĂ©pendent dâune gestion prudente de la politique monĂ©taire et de la promotion dâune culture de lâĂ©pargne et de lâinvestissement. Sans cela, la transition risque de tomber dans le piĂšge dâune reprise Ă©conomique illusoire, qui pourrait mener Ă lâinstabilitĂ© et Ă la rĂ©cession. Les leçons de lâhistoire Ă©conomique montrent que la prospĂ©ritĂ© durable repose sur des paradigmes solides, et non sur des artifices financiers.
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A lire notre contribution sur LâEconomiste maghrĂ©bin, numĂ©ro 917 â
« LA BAISSE DU TAUX DIRECTEURâ LA MAUVAISE BONNE NOUVELLE ».
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-EconomĂštre.
Ancien Enseignant-Chercheur Ă lâISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de lâInstitut Africain
DâEconomie FinanciĂšre (IAEF-ONG)
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