En visite officielle en Tunisie, M. Hara revient sur un partenariat de plus de cinquante ans, fondé sur la confiance, la coopération concrète et les valeurs partagées. Ce partenariat historique, illustré par des projets emblématiques dans les domaines de la santé, de l’énergie ou encore de la formation, confirme le rôle stratégique de la Tunisie comme plateforme de coopération vers l’Afrique. Pour le responsable japonais, la coopération triangulaire Japon-Tunisie-Afrique trouve en Tunisie un maillon essentiel, en raison de sa position géographique, de son expertise reconnue et surtout de la richesse de ses compétences humaines.
Quel est le principal objectif de votre visite en Tunisie cette semaine ?
En fait, c’est ma première visite en Tunisie qui constitue un pays très important en termes de coopération dans la région avec la Jica. En premier lieu, j’ai eu l’occasion de rencontrer le ministre de la Santé ainsi que le ministre de l’Équipement et de l’Habitat dans le cadre des discussions autour des futurs projets de coopération et l’évaluation des projets déjà réalisés. C’est là le premier objectif de ma visite.
Le second objectif de ma visite se rapporte au lancement d’un nouveau projet en cardiologie qui traduit une nouvelle forme de coopération triangulaire entre la Tunisie, le Japon et les pays africains.
Justement, dans ce cadre, vous avez assisté à l’ouverture d’une formation en cardiologie dans le cadre d’une coopération triangulaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?
En effet, la première session du programme de formation «Cardiologie pour l’Afrique» a débuté à l’hôpital La Rabta de Tunis, dans le cadre d’une coopération triangulaire entre la Tunisie, le Japon (via la Jica) et sept pays africains francophones. Organisée du 4 au 9 juillet 2025, cette formation spécialisée en cardiologie, centrée sur la valvulopathie, était assurée par une équipe médicale conjointe composée de cinq cardiologues tunisiens dirigés par Dr Mohamed Sami Mourali, chef du service de cardiologie à l’hôpital La Rabta, et de cinq cardiologues japonais, dont le renommé Dr Shigeru Saito, directeur des laboratoires de cardiologie interventionnelle et de cathétérisme à l’Hôpital Général Shonan-Kamakura, au Japon.
Elle s’inscrit donc dans la continuité de la Ticad 8 (Conférence Internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique) tenue en Tunisie en 2022 et en préparation de la Ticad 9 prévue au Japon en août prochain. Soutenu par le plus grand groupe médical Tokushukai et la Cité des sciences de Tunis, ce programme vise à faire de la Tunisie un centre régional d’excellence en santé pour l’Afrique, en renforçant les compétences médicales et les réseaux professionnels dans le domaine cardiovasculaire.
Le mérite de cette nouvelle technique de cardiologie interventionnelle, qualifiée de chirurgie mini-invasive, revient au professeur japonais Inoué (inventeur de la technique du ballon d’Inoue) lors de sa visite en Tunisie dans le cadre de la Ticad 8. Treize participants de sept pays africains francophones ont pris part à cette formation. Ils ont bénéficié de l’expérience combinée des cardiologues tunisiens et japonais. La formation repose sur le transfert de compétences à travers des techniques médicales de pointe, permettant d’améliorer significativement la prise en charge des maladies cardiaques dans la région.
À travers cette initiative, la Tunisie, en tant que centre d’excellence tuniso-japonais pour l’Afrique en matière de santé, accueillera trois sessions annuelles de cette formation spécialisée à l’hôpital La Rabta qui dispose déjà d’une expérience avancée en la matière. L’objectif à long terme est de renforcer les capacités médicales en cardiologie dans les pays africains francophones (et anglophones dans les années à venir), tout en favorisant la création d’un réseau professionnel interafricain et tuniso-japonais dédié à l’amélioration des soins cardiaques sur le continent.
La Jica est un acteur historique du développement en Tunisie. Elle y fête déjà ses 50 ans. Comment évaluez-vous ce long partenariat ?
Je suis très heureux et satisfait de ce partenariat de longue date entre nos deux pays qui se traduit par le grand nombre de projets déjà réalisés avec la participation de plusieurs experts japonais dans les domaines de la santé, de l’énergie, du transport, des technopoles, de la pêche, de l’implémentation de la méthode japonaise Kaizen (méthode d’amélioration continue de la productivité et de la qualité).
Nous sommes contents que la Tunisie ait accueilli la conférence annuelle Kaizen Africa à deux reprises, en 2019 et 2024 à l’initiative de la Jica, et espérons que la Tunisie constituera un Hub pour l’Afrique dans ce cadre. Nous sommes ravis de collaborer avec la Tunisie non seulement pour la réalisation de projets, mais pour qu’elle constitue une porte d’entrée en Afrique, car l’objectif principal de cette Conférence est de promouvoir le concept Kaizen et le répandre en Afrique, échanger les expériences réussies dans les différents pays et renforcer le réseau entre tous les pays participants.
Cela constitue également l’occasion de démontrer le rôle joué par le concept Kaizen pour une transformation structurelle économique et la création d’emplois en Afrique.
Je rappelle à ce titre que la Jica a financé plusieurs projets de développement en Tunisie dans divers secteurs. Parmi ces projets figurent la station de dessalement d’eau de mer de Sfax, la centrale électrique à cycle combiné de Radès, le pont Radès-La Goulette, la contribution à la construction des autoroutes (134 kilomètres), l’approvisionnement en eau d’irrigation (42 mille exploitations agricoles) et en eau potable. Il faut souligner aussi les projets de lutte contre les inondations dans le Grand Tunis, dans la région de l’oued Medjerda, ou encore les projets d’alimentation en eau potable dans certaines zones rurales (comme à Jendouba), ainsi que ceux visant la gestion durable des ressources de la pêche côtière.
Plusieurs projets de collaboration constituent déjà une réussite, et nous en sommes très contents. En termes de coopération, la Tunisie constitue le maillon le plus important, à la fois pour la mise en œuvre initiale des projets et pour leur transfert en Afrique dans un second temps. Nous souhaitons vivement consolider ce partenariat, en raison du potentiel immense de la Tunisie, de sa position géographique stratégique entre l’Europe et l’Afrique, ainsi que de ses compétences humaines.
C’est pour cette raison que nous avons investi dans le processus Kaizen et dans d’autres secteurs, comme le développement des ressources humaines et l’introduction de systèmes innovants.
La Tunisie a accueilli la Ticad 8 en 2022. À l’approche de la Ticad 9, qui se tiendra en aout prochain au Japon, quels seront les grands axes de la Ticad 9 en matière de coopération triangulaire Japon-Tunisie-Afrique ?
«Cocréer des solutions innovantes avec l’Afrique» : c’est le thème principal de la Ticad 9. Avec la croissance économique et le développement soutenu dans les pays africains, on parle désormais d’un partenariat appelé à se renforcer davantage dans les années à venir.
La prochaine édition de la Ticad reposera sur trois piliers : primo, la cocréation avec les femmes et les jeunes, dans les domaines de l’éducation et de la santé. Secundo, le développement de solutions innovantes pour un usage efficace des technologies numériques, la promotion de l’intégration économique de l’Afrique, et l’amélioration de la qualité de vie grâce à des projets d’énergie et d’approvisionnement en eau potable. Et tertio, le renforcement de la coopération internationale, en particulier entre l’Afrique, le Japon et l’Asie.
Le mot de la fin ?
Comme je l’ai déjà souligné, la Tunisie dispose d’énormes potentiels, et j’aimerais que nous travaillions ensemble pour les maximiser : en favorisant l’ouverture de nouveaux marchés, en créant un environnement favorable à l’investissement, et en valorisant les compétences des nouvelles générations.