Alors que les prix explosent à l’international et que la production européenne fléchit, la Tunisie dispose d’atouts pour renforcer sa résilience et accroître sa valeur ajoutée. Néanmoins, il devient urgent de stimuler la demande intérieure, encore faible. Des initiatives ciblées, soutenues par le Conseil oléicole international et les institutions tunisiennes, visent désormais à ancrer l’huile d’olive dans les habitudes de consommation nationales, tout en soutenant les petits producteurs et en valorisant l’image du produit local.
La Presse — La Tunisie dispose de leviers qui lui permettent aujourd’hui de se positionner en tant que régulateur du marché mondial. Ce challenge est relevé par les producteurs qui sont à l’affût de formations dans le domaine pour se mettre au diapason de ce qui se fait dans le reste du monde.
Cela étant dit, le monde oléicole est en effervescence depuis des années. Le prix de l’huile d’olive sur le marché mondial a pratiquement doublé l’année dernière, passant de 4.000 à 8.000 euros la tonne d’huile d’olive, et les prix risquent d’augmenter encore plus à cause de la baisse drastique de la production en Espagne qui assure, à elle seule, plus de 50 % de la production mondiale. Ajoutons à cela le niveau du stock mondial qui est très critique ainsi que l’augmentation très palpable de la consommation à travers le monde.
Depuis que la production d’huile d’olive a été identifiée comme un secteur stratégique pour le développement économique de la Tunisie, les responsables locaux et internationaux se sont efforcés de rendre les oléiculteurs plus rentables et plus résilients au changement climatique.
L’huile d’olive est l’une des principales productions agricoles de la Tunisie et constitue un produit d’exportation stratégique pour le pays. La Tunisie est en effet le quatrième exportateur d’huile d’olive après la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Cette position commerciale résulte en partie de la politique de soutien à la filière oléicole, favorisant l’exportation de la production d’huile d’olive. En termes de production, la Tunisie fait partie des six plus importants producteurs mondiaux.
Des subventions pour booster la consommation locale
La Tunisie produit en moyenne entre 180.000 et 250.000 tonnes par an, selon les données de l’Office national de l’huile (ONH). Pourtant, la consommation locale reste relativement faible, oscillant autour de 3,5 à 4 kg par habitant et par an, contre plus de 10 kg dans certains pays méditerranéens comme la Grèce ou l’Espagne.
Dans ce contexte, le Conseil oléicole international (COI) a annoncé, récemment, l’ouverture d’un appel à propositions pour financer des programmes de promotion de la consommation locale d’huile d’olive et d’olives de table dans ses pays membres, dont la Tunisie fait partie.
Le COI a alloué un budget total de 40.410 euros, avec un plafond de 6.000 euros par projet, pour soutenir des initiatives à mettre en œuvre au cours de l’année 2025. Ces subventions couvriront jusqu’à 50 % des coûts éligibles des projets sélectionnés. Les actions admissibles incluent l’organisation de séminaires, salons, ateliers, la production de matériel promotionnel, la participation d’experts internationaux, ainsi que des concours nationaux valorisant la qualité de l’huile d’olive vierge extra, conformément aux normes du COI.
Les entités éligibles sont des structures publiques ou privées à but non lucratif, légalement établies dans un pays membre.
En Tunisie, plusieurs régions oléicoles pourraient bénéficier de ces subventions pour renforcer la consommation locale. Les gouvernorats de Sfax, Sousse et Monastir concentrent plus de 60 % de la production nationale. D’autres zones comme Kairouan, Zaghouan, Béja ou encore Médenine disposent également d’un fort potentiel de valorisation locale.
Selon Moez Ben Omar, directeur général de l’ONH, « la Tunisie a exporté de l’huile d’olive vers plus de 60 pays au cours de la saison 2024-2025, tout en observant une amélioration de la consommation locale, grâce à une offre abondante et des prix jugés accessibles ». Il appelle néanmoins à intensifier les efforts de sensibilisation pour ancrer la culture de consommation d’huile d’olive dans les habitudes alimentaires tunisiennes.
La promotion de la consommation locale ne se limite pas à une logique économique.
L’huile d’olive est un produit emblématique du régime méditerranéen, reconnu pour ses bienfaits sur la santé. Encourager sa consommation permettrait de réduire la dépendance aux huiles importées, souvent moins qualitatives, et de soutenir les petits producteurs en stabilisant la demande intérieure. De plus, les olives de table, souvent négligées dans les campagnes de promotion, représentent un segment à fort potentiel.
La Tunisie produit environ 30.000 à 40.000 tonnes d’olives de table par an, principalement dans les régions de Nabeul, Sfax et Siliana. Une meilleure valorisation de ces produits, notamment à travers des labels de qualité et des circuits courts, pourrait renforcer leur présence sur les marchés locaux.
Une hausse de 46,3%
Au cours des cinq premiers mois de la campagne 2024-2025, les quantités exportées de l’huile d’olive tunisienne depuis le début de la campagne à fin mars 2025 ont atteint 157,2 mille tonnes contre 107,5 mille tonnes au cours de la même période de l’année précédente, soit une hausse de 46,3 %.
La quantité de l’huile d’olive conditionnée représente seulement 10,2%, le reste est exporté en vrac (89,8 %). Par ailleurs, la catégorie extra vierge représente à elle seule 82,7% du volume total exporté.
En termes de valeur, la recette des exportations enregistrée durant la campagne en cours est de 2126,2 MD à fin mars 2025 contre 2865,7 MD durant la même période de la campagne précédente avec une baisse de 25,8 %. Sachant que seulement 15,8 % de la recette proviennent des exportations de l’huile d’olive conditionnée.
Le prix moyen de l’huile d’olive durant le mois de mars 2025 a baissé de 54 % par rapport au même mois de la campagne précédente avec une variation de 8,0 DT/kg à 18,4 DT/kg selon les catégories.
Comme toujours, c’est le marché européen (UE) qui en détient la plus grande part avec 60,8 % du volume des exportations, viennent ensuite l’Amérique du Nord (23,2 %) et l’Afrique avec seulement 9,8 %.
Le premier pays importateur de l’huile d’olive tunisienne est l’Italie avec une part de 29,8 % des quantités exportées durant les cinq premiers mois de la campagne 2024-2025, suivi par l’Espagne (26,9 %) et l’USA (18,6 %).
Malgré une tendance haussière, la production tunisienne est caractérisée par une forte variabilité, les rendements étant largement impactés par la pluviométrie. La transition vers la vente d’huile en bouteille pourrait augmenter la valeur ajoutée et les recettes en devises, positionnant la Tunisie comme l’un des principaux marchés mondiaux pour la production et l’exportation d’huile d’olive.
La Tunisie veille à optimiser ses exportations et à les valoriser en mettant en place un ensemble d’actions spécifiques et ciblées. C’est dans ce cadre que le Fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée (Foprohoc) a été créé en 2006.
Il vise l’amélioration de la notoriété et la visibilité de l’huile d’olive tunisienne à l’échelle internationale et vient appuyer les efforts déployés par les industriels tunisiens pour conquérir de nouveaux marchés, tels que la Chine, la Russie, l’Afrique et le Japon, et se placer sur d’autres marchés lointains et porteurs tels que le Canada, la Corée du Sud, l’Australie, la Russie…