Tunisie – Caisses enregistreuses fiscales : l’État branche les cafés et restaurants au contrôle automatique !
Lutter contre l’économie informelle, sécuriser les recettes de l’État, rétablir l’équité fiscale : telles sont les motivations fondatrices du projet tunisien de caisses enregistreuses fiscales. Un chantier lancé dès 2015… mais qui n’a réellement pris forme qu’en 2025.
Point de départ : l’informel, un fardeau insoutenable
Dès 2015, les chiffres alarmants font consensus :
- 38% à 53% du PIB selon les estimations
 - 40 milliards de dinars d’activité hors radar
 - 2 milliards de dinars de pertes fiscales annuelles
 - 54% de la main-d’œuvre dans l’informel
 
Les experts, comme Moez Joudi ou Anis Wahabi, alertent :
- Le contrôle classique est dépassé, les effectifs sont insuffisants.
 - Il faut digitaliser la chaîne fiscale pour capter le chiffre d’affaires réel.
 
Parmi les solutions recommandées alors :
- La caisse enregistreuse avec puce fiscale dans les commerces de consommation sur place.
 
2016 : Lancement d’une opération pilote… restée sans suite
Article 48 de la Loi de Finances 2016
 Obligation progressive pour cafés, salons de thé, restaurants soumis au régime réel
1ᵉʳ juin 2016 : opération pilote volontaire
 300 caisses offertes aux adhérents
Objectif : modéliser un système de suivi sécurisé et automatisé des transactions
Mais très vite, l’expérience s’enlise.
2017 : Les difficultés techniques suspendent le projet
Lors d’une audition parlementaire, le ministre Ridha Chalghoum est clair :
 Délais sous-estimés
 Architecture technologique insuffisamment préparée
 Besoin d’un bureau d’études spécialisé
Le délai de réalisation estimé passe de 6 mois à 3 ans
 Le projet bascule en stand-by
2024 : Le retour par la grande porte
Sur fond de crise économique et d’augmentation du commerce parallèle, le sujet est remis en priorité.
En septembre 2024, le fiscaliste Mohamed Salah Ayari confirme :
 Le dispositif revient dans la Loi de finances 2025
 Obligation progressive dès janvier 2025
 Extension prévue future à d’autres activités
Avec une nouveauté majeure :
Introduction d’une carte électronique sécurisée intégrée à la caisse
 Stockage inviolable des transactions
 Fin des manipulations comptables
2025 : Mise en conformité obligatoire — le dispositif se déploie
Le 14 octobre 2025, un arrêté ministériel fixe :
- La classification des établissements concernés
 - Les règles de mise en conformité
 - L’intégration systématique au système Nacef (gestion nationale)
 
Procédure simplifiée :
 Fournisseurs accrédités (Jibaya.tn)
 Démarches 100 % à distance
 Assistance par le Centre d’Information Fiscale
- Ambition immédiate : généraliser aux restaurants touristiques, cafés 2ᵉ et 3ᵉ catégories
 - Objectif final : un maillage fiscal total du commerce de proximité
 
Bilan & perspectives
Ce qui change réellement
Avant 
- Recettes fiscales déclaratives
 - Contrôle humain limité
 - Failles logicielles et fraude courante
 - Tissu informel incontrôlé
 
Après
- Recettes traçables et justifiables
 - Supervision automatisée continue
 - Sécurisation cryptographique
 - Progression de l’activité légale
 
Ce qui reste à faire
- Renforcement de la logistique et des capacités techniques
 - Accompagnement des petits commerçants vers le formel
 - Accès aux subventions pour l’acquisition des caisses
 
Conclusion
Dix ans après son annonce, la Tunisie est enfin en train de déployer l’une de ses réformes fiscales les plus structurantes depuis l’indépendance, celle qui permettra de rendre visible une large part de l’économie et de rétablir l’équité entre contribuables.
La réussite de ce projet — symbole d’un État qui se modernise — dépendra désormais de sa mise en œuvre opérationnelle et du soutien aux professionnels.
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