La rationalisation administrative, solution ou risque ?
Sous l’effet d’une pression budgétaire et d’un appareil bureaucratique hypertrophié, la Tunisie a engagé une profonde réflexion pour la restructuration de ses administrations et ses entreprises publiques. Une réforme indispensable mais délicate, dont le succès dépendra davantage de sa mise en œuvre que de ses ambitions.
Avec une masse salariale attendue à 14,1% du PIB fin 2025, un des taux les plus élevés au monde, la fonction publique tunisienne pèse lourdement sur les finances. C’est l’héritage d’un système où chaque gouvernement ajoutait de nouvelles structures sans jamais en supprimer d’autres. Le résultat est un enchevêtrement de doublons et une inefficacité persistante.
Le plan gouvernemental n’est pas encore publiquement connu, mais le bon sens indique qu’il devrait s’articuler autour de trois axes : fusionner les organismes aux missions similaires, simplifier les procédures et accélérer la digitalisation. L’objectif serait également triple : réduire les coûts, améliorer les services et limiter la corruption en diminuant les interactions directes.
L’éclairage des expériences internationales
La Tunisie ne serait pas la première à le faire. L’histoire administrative récente offre des enseignements précieux.
Le Royaume-Uni, dans les années 80-90, avait créé des agences semi-autonomes pour exécuter les politiques publiques. Initialement, cela a amélioré l’efficacité, mais à long terme, la prolifération de ces agences a créé une nouvelle complexité.
La France, avec la fusion de ses régions en 2014, montre en revanche qu’une réforme structurelle peut fonctionner. Les économies d’échelle ont été réelles sur le fonctionnement. Toutefois, la réduction des effectifs sans modernisation parallèle a dégradé certains services publics. Il faut donc digitaliser massivement afin de ne pas tomber dans une situation de recul des services.
Les clés de la réussite
À notre avis, le véritable enjeu réside dans la dimension humaine et organisationnelle. Chaque administration repose sur une structure hiérarchique précise (avec des directeurs, sous-directeurs, chefs de service, etc.) qui encadre et oriente l’action publique. Dès lors, une fusion ou une restructuration ne peut se résumer à un simple regroupement de postes ou de fonctions. La question centrale est celle de la fluidité opérationnelle. Comment garantir qu’une entité fusionnée, rassemblant des cultures administratives et des méthodes de travail différentes, puisse fonctionner de manière cohérente et efficace ?
Au-delà des organigrammes, c’est aussi le capital humain et l’expertise métier qui sont en jeu. Toute décision de fusion ou de fermeture doit intégrer le risque de perte de compétences, notamment si des départs non maîtrisés viennent affaiblir le savoir-faire technique et la capacité d’action des services. L’adhésion des agents est déterminante. Sans une communication claire, les résistances internes et la démotivation peuvent compromettre les objectifs mêmes de la réforme.
En résumé, si l’intention réformatrice est essentielle, c’est bien par l’exécution que se jouera la réussite, ou l’échec, de cette transformation.
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