Marseille | Les dessous du meurtre de Mehdi Kessaci
Le meurtre, jeudi 13 novembre 2025, à Marseille, de Mehdi Kessaci (20 ans), jeune frère de Amine Kessaci — militant marseillais engagé contre le narcotrafic —, près de cinq ans après le meurtre par balles de son grand frère, Brahim, affole les enquêteurs et oblige la justice française à envisager des scénarios jusque‑là rarement exprimés aussi ouvertement.
Djamal Guettala
Le Parquet de Marseille a annoncé l’ouverture d’une enquête pour assassinat en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, qui laisse entendre que des moyens importants ont été mobilisés dans cette exécution.
La victime, âgée d’environ 20 ans, «totalement inconnue des services de police et de justice», selon le procureur Nicolas Bessone, venait de garer son véhicule dans le 4ᵉ arrondissement de Marseille lorsqu’une moto s’est portée à sa hauteur et qu’un passager arrière a ouvert le feu à plusieurs reprises. Plusieurs étuis de calibre 9 mm ont été retrouvés.
Assassinat d’avertissement
La particularité de cette affaire tient à trois éléments : d’abord, le profil de la victime — sans antécédent — ce qui infirme immédiatement l’hypothèse d’une guerre interne aux trafics ; ensuite, le lien avec Amine Kessaci, connu pour sa lutte contre les réseaux de drogue, ce qui place l’affaire hors du cadre habituel des règlements de comptes ; enfin, la qualification juridique retenue et la piste d’un «message adressé» évoquée par le parquet. Ce dernier a reconnu que l’hypothèse «n’était pas exclue».
Ce triple faisceau conduit à envisager que les auteurs aient voulu frapper non seulement un jeune homme mais envoyer un signal à toute une communauté, et particulièrement à Amine Kessaci. L’idée d’un assassinat «d’avertissement» ou «d’intimidation» est aujourd’hui prise au sérieux par les enquêteurs.
La communication du parquet mérite l’attention : en qualifiant l’affaire de «bande organisée» et en évoquant l’hypothèse d’un message criminel, le parquet indique qu’il ne s’agit pas d’un homicide isolé mais d’un acte structuré. Cette posture vise à mobiliser les outils de la justice contre les systèmes criminels, mais aussi à envoyer un message aux habitants de la cité : l’État ne tolérera pas que s’installe l’impunité ou la peur. Au‑delà de l’émotion, c’est une stratégie de cadrage.
Le contexte marseillais
Cependant, la prudence reste de mise. Le parquet insiste : «Aucun lien direct établi à ce jour entre l’engagement d’Amine Kessaci et le meurtre de son frère». Il s’agit donc d’une enquête ouverte dans plusieurs directions, sans présupposer de réponse.
Le contexte marseillais amplifie la gravité de l’affaire. Marseille est depuis des années secouée par des violences liées à l’industrie de la drogue, et cet assassinat aux caractéristiques «hors norme» pourrait symboliser un nouveau palier. Comme l’indique un responsable policier cité par la presse, «tous les six mois, ils mettent la barre un peu plus haut dans l’horreur».
Pour les habitants, cette exécution dans un quartier jusque‑là perçu comme «calme» renforce un sentiment de fragilité. Le fait que la victime ait voulu rejoindre les forces de l’ordre donne à l’affaire une portée morale inquiétante : un jeune, sans histoire, pris dans une dynamique criminelle contre laquelle il ne luttait pas directement.
La violence pour imposer le silence
L’enjeu est maintenant double : pour l’enquête, il s’agit d’identifier la chaîne complète — du tireur à l’éventuel commanditaire — en exploitant les caméras, les témoignages, les écoutes et la traçabilité des armes. Pour la société, il s’agit de percevoir la nature de l’acte : était‑ce une erreur de cible ou bien un acte calculé visant un symbole ? Le parquet penche pour cette dernière lecture mais refuse de l’affirmer avant les résultats.
À Marseille, les yeux sont désormais tournés vers l’avancement de l’instruction. Le procureur a clairement planté le décor : «Si l’hypothèse d’un assassinat d’intimidation se confirme, on aura franchi une étape supplémentaire, une dimension nouvelle».
Cette affaire marque potentiellement un tournant. Elle ne se réduit plus à un acte de violence parmi d’autres mais interroge la capacité de l’État à protéger les personnes engagées, à donner une réponse ferme et visible à ceux qui utilisent la violence pour imposer le silence. Pour la ville de Marseille, c’est un défi posé à son État de droit.
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