Les firmes multinationales, acteurs de la géopolitique du XXIe siècle
La puissance de certaines grandes firmes multinationales les érige en acteurs des relations internationales. Si le fait n’est pas nouveau, depuis le début du XXIe siècle, les firmes multinationales connaissent deux phénomènes essentiels.
D’une part, la dernière vague de mondialisation se caractérise par la montée en puissance d’entreprises asiatiques, en général, et chinoises, en particulier. Plus largement, elles sont de plus en plus diverses dans leur origine et de plus en plus détachées de toute référence nationale précise.
D’autre part, la révolution numérique a accouché de firmes multinationales d’un nouveau genre, symbolisé par les GAFAM et leurs pendants chinoises BATX. Leur capacité d’action reflète le poids et la puissance d’influence des firmes internationales.
La montée en puissance des firmes
Acteurs majeurs de la mondialisation qui érige la puissance économique en facteur essentiel du hard power et du soft power, les firmes multinationales sont parties prenantes des nouveaux équilibres mondiaux. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de quelques firmes multinationales peut être supérieur au produit national brut (PNB) de certains Etats. Même si la qualité de sujet de droit international ne leur est pas reconnue, ce poids économique leur permet désormais de s’imposer comme de véritables acteurs des relations internationales.
Le seuil atteint par leur poids financier ou leur taille économique nourrit des rapports ambivalents avec les Etats, conjuguant logiques de concurrence et de complémentarité.
Les firmes multinationales tendent à échapper au contrôle ou du moins aux instruments de régulation (inter)étatiques. Elles font preuve d’une capacité à définir des stratégies de contournement des contraintes nationales, à mettre les Etats en concurrence et à développer production, commercialisation et investissement dans des pays différents.
Ces acteurs transnationaux ont proliféré en jouant des frontières, en déterritorialisant certaines de leurs activités économiques, en s’affranchissant de la souveraineté fiscale des Etats et en échappant largement à l’autorité des droits et régulateurs nationaux.
Face à leurs stratégies globales et à leurs modes de fonctionnement transnationaux, les Etats peinent à imposer leur autorité. A l’inverse, les entreprises multinationales peuvent influencer les structures réglementaires, économiques et sociales des Etats où elles opèrent.
Un regard critique sur la montée en puissances des firmes
Cette montée en puissance pose des questions de souveraineté (liées notamment au cloud) et d’autonomie stratégique (y compris pour les pays industrialisés). Par exemple, dans le cas des GAFAM, en sus de l’accumulation de capital et de leur poids financier, grâce à leur mainmise sur les câbles de fibre optique sous-marins (secteur jusque-là dominé par les grands opérateurs internationaux de télécoms), ces entreprises dominent l’accès au Web. L’essentiel des communications numériques dans le monde passe en effet par les câbles (notamment sous-marins).
Face au pouvoir croissant des firmes multinationales, ces dernières essuient des critiques d’une double nature : certaines portent sur le risque d’atteinte aux libertés et droits fondamentaux des individus que charrient certaines de leurs activités; d’autres soulignent l’atteinte à l’autonomie et à la souveraineté des Etats que leurs stratégies et modes d’organisation/action entraînent (exploitation des ressources nationales, contournement des systèmes fiscaux et juridiques nationaux, voire recours à la corruption des autorités nationales).
La confrontation entre multinationales et gouvernements d’Etats du Tiers-Monde, qui procédaient notamment à des nationalisations, a marqué la Guerre froide. L’effondrement du bloc communiste et la mondialisation néolibérale soutenue par les institutions internationales ont favorisé les multinationales dans leur rapport de force avec les Etats du Sud. En témoigne le déséquilibre qu’instaurent les traités bilatéraux de protection des investissements entre pays d’origine des firmes et pays d’accueil.
Pour autant, leurs relations avec certains Etats s’avèrent plus complexes et ambivalentes. Ainsi, certaines firmes multinationales sont de véritables acteurs et vecteurs de la politique étrangère de puissances étatiques…
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