ECLAIRAGES – La flambée des prix en Tunisie – Des filières commerciales, aux lobbies
La Tunisie traverse une période de forte inflation qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des citoyens. Face à la montée incessante des prix alimentaires, un mouvement de protestation commence à prendre forme, incitant les consommateurs à boycotter certaines filières commerciales spéculatives.
Ce phénomène, déjà observé dans d’autres pays d’Europe de l’Est, résonne particulièrement dans le contexte tunisien, où la crise économique et le quotidien des Tunisiens sont fortement impactés par la hausse des prix.
Un contexte économique difficile
Au cours des dernières années, la Tunisie a connu une détérioration de sa situation économique, exacerbée par des facteurs internes et externes. Les taux d’inflation ont atteint des niveaux alarmants, dépassant les 10% en 2024 après un pic de 15% en 2022. Ces chiffres, certes en décélération, illustrent très mal une pression croissante sur les budgets des ménages, en particulier pour les produits de première nécessité tels que les fruits, les viandes, légumes et les produits laitiers toujours en hausse.
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Les économistes de la place, expliquent cette inflation par plusieurs facteurs. Au-delà des variations conjoncturelles des marchés, la dévaluation du dinar tunisien a renchéri le coût des importations, augmentant ainsi le prix des produits étrangers. Par ailleurs, l’endettement public élevé et une gestion économique jugée inefficace, notamment au niveau des circuits de distribution, alimentent un climat d’incertitude qui pèse sur la confiance des consommateurs et des investisseurs.
Boycott ? une réponse citoyenne, mais…
Conscients des difficultés croissantes, des organisations de la société civile appellent, très timidement, à un boycott de filières commerciales contrôlées par des lobbies. L’objectif est d’inciter les Tunisiens à privilégier les marchés traditionnels et les petits commerces locaux qui proposent souvent des produits à des prix plus raisonnables et soutiennent l’économie locale.
À l’approche du mois de Ramadan, des figures publiques, des syndicalistes et des membres de la société civile s’organisent pour relayer ce message. Sur les réseaux sociaux, des campagnes de sensibilisation se multiplient, appelant à une mobilisation collective pour défendre les droits des consommateurs. Les appels au boycott de grandes surfaces et autres commerces spéculatifs portés par des hashtags de plus en plus viraux, gagnent du terrain, tandis que de nombreux internautes partagent leurs témoignages sur la flambée des prix dans les supermarchés, exprimant ainsi leur mécontentement.
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Les conséquences des boycotts
Bien que le boycott ciblé puisse sembler une réponse logique à la hausse des prix, il soulève également des préoccupations. Le gouvernement tunisien, tout en reconnaissant la légitimité des revendications des consommateurs, met en garde contre les effets néfastes d’une telle initiative. Les grandes surfaces, en particulier, jouent un rôle essentiel dans la distribution de nombreux produits alimentaires, et un boycott prolongé pourrait nuire aux petits producteurs qui dépendent également de ces canaux de vente.
De plus, cette situation pourrait conduire à une pénurie de certains produits, rendant encore plus difficile l’accès à des aliments abordables pour les populations vulnérables. Les responsables gouvernementaux soulignent la nécessité d’adopter des mesures équilibrées, telles que l’encouragement de la production locale et le plafonnement des prix sur certains produits essentiels, pour répondre aux préoccupations des consommateurs sans nuire à l’économie.
Un mouvement à suivre
La tendance actuelle en Tunisie est révélatrice d’un mécontentement croissant au sein de la population. Les prochaines semaines seront cruciales pour évaluer l’impact de boycotts ciblés sur le marché et la réaction des décideurs. Les citoyens, de leur côté, espèrent que cette dynamique de protestation contribuera à faire pression sur le gouvernement pour qu’il prenne des mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat et de la protection des producteurs locaux.
Dans ce contexte, il devient essentiel pour les acteurs politiques et économiques de rester attentifs aux attentes de la population et d’agir de manière proactive pour restaurer la confiance et améliorer la situation économique du pays, via un assainissement effectif des circuits de distributions.
Le boycott ciblé de filières commerciales pourrait être le catalyseur d’un changement nécessaire, mais il devra s’accompagner de dialogue et de solutions durables pour garantir la stabilité et le bien-être des Tunisiens.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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