Normale Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.
Heute — 06. September 2025Haupt-Feeds

L’automédication en Tunisie, une fatalité ?

06. September 2025 um 07:55

La surconsommation des médicaments, l’automédication et la non-conformité dans la délivrance des médicaments de la part d’un nombre non négligeable d’officines, ne sont un secret pour personne. Que la présidente du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) en parle est tout à fait normal, du moment que l’on a choisi de s’inscrire dans une dynamique de réforme et d’assainissement. Qu’il y ait des réactions impulsives ou irréfléchies, passe encore, mais nier l’existence de ce problème relève de l’inconscience.

Dr Monem El Achkham

Dans nos officines, le pharmacien il faut l’avouer n’est pas toujours présent. Le préparateur, quant à lui, agit sans que l’on ne sache si c’est un médecin, un pharmacien, un guérisseur ou un insouciant vendeur, inconscient de la sensibilité et de la gravité de sa marchandise. J’ai vu de mes propres yeux l’un d’entre eux remplacer, sur l’une de mes ordonnances, un paracétamol par un antibiotique, en assurant qu’il était «de loin plus efficace». Le mari de ma patiente qui ne m’avait pas reconnu a apprécié l’attention. Lors de la consultation de contrôle, il me l’a avoué avec une certaine fierté et non sans un soupçon de reproche. J’ai dû rappeler au couple qu’il était complètement inutile voire absurde de payer une consultation médicale pour aller ensuite puiser dans le savoir et les conseils du préparateur.

Les responsabilités sont partagées

À ce stade, les responsabilités sont partagées : le pharmacien, par son manque d’assiduité, le préparateur, par son audace morbide et le patient, par son ignorance. Mais vous l’avez compris ce n’est pas tout. Une autre pratique gangrène ce domaine et ceux qui s’en plaignent le plus, sont ceux-là même qui l’ont initié : les médicaments en promotion.

Les laboratoires alimentent ce système en proposant aux officines des lots de médicaments «trois au prix de deux» ou «sept au prix de cinq» et il y a même paraît-il, des qui intéressent secrètement le préparateur.

Ces vagues promotionnelles favorisent la substitution sauvage des prescriptions, et bien entendu les laboratoires qui n’avait pas choisi de lancer leurs propres promotions durant la même période, voient leurs chiffres baisser et dénoncent ceux qui s’y sont adonné, la bonne vieille moralité à la tunisienne quoi.

Et les médecins dans tout ça ?

Nous avons donc déjà quatre acteurs dans ce fléau nuisible à la santé, à l’économie et à l’optimisation des soins : le pharmacien, le préparateur, le patient et le laboratoire.

Est-ce qu’on a fait le tour ? Que nenni. Le maillon suivant et pas le moindre n’est autre que le prescripteur : le médecin. Peu de gens savent à quel point certains laboratoires rivalisent d’ingéniosité et de roublardise pour influencer les prescriptions médicales. Sous couvert de subventions scientifiques, de congrès et de séminaires, ils proposent aux plus gros prescripteurs des voyages, des croisières, voire des «subventions» directes. L’exemple le plus ubuesque fut celui d’un laboratoire très connu qui a organisé une soi-disant étude qui devait s’achever par une croisière, lors de laquelle les résultats seraient exposés. Les médecins «choisis» devaient prescrire le produit en question à raison d’une moyenne de dix ordonnances par jour pendant quelques mois. Le calcul est vite fait. Heureusement, beaucoup de confrères ont refusé cette humiliation, par respect pour eux-mêmes et pour leurs patients.

Vous l’avez certainement compris, cet exemple est loin d’être sporadique. Lorsque le législateur a incité les laboratoires à soutenir la science et la recherche, ce n’était sûrement pas pour encourager ce genre de mascarade. Que des médecins aient accepté de bonne foi ces avantages en pensant ne pas nuire directement à leurs patients, c’est compréhensible, mais ça ne doit surtout pas nous empêcher de mettre à plat ce mal.

Cette aberration dans le circuit des médicaments, n’est pas qu’une vision de l’esprit. Une étude a comparé en 2018 752 participants, entre étudiants en médecine et patients, révèle qu’un peu plus de 70% d’entre eux s’automédiquent sans différence significative entre les deux lots. 96% d’une population de patients cardiovasculaires à Béja, en 2021, déclarent pratiquer l’automédication avec 56,9% des cas des antibiotiques. 20,6% d’une population pédiatrique à Mahdia en 2020 utilisent des antibiotiques par automédication et dans 39,7 % des cas, c’est le pharmacien qui a conseillé l’antibiotique.

Une défectuosité systémique

    Le coût global de l’automédication en Tunisie est estimé en 2025 à 238,5 millions de dollars américains.

    Nous l’avons donc compris, comme toute autre défectuosité systémique, la cause est généralement multifactorielle et prétendre en venir à bout en pointant un seul des protagonistes, c’est Sisyphe la réforme.

    Il est urgent donc de proposer un projet de loi encadrant cette filière, de rappeler à tous les acteurs l’application des textes en vigueur, et surtout d’encadrer sérieusement la pratique des préparateurs.

    * Chirurgien, Gafsa.

    L’article L’automédication en Tunisie, une fatalité ? est apparu en premier sur Kapitalis.

    ❌
    ❌