L’État hébreu, État paria ?
Une partie croissante des Israéliens, y compris l’ancien chef d’état-major adjoint de l’armée, s’oppose désormais à la guerre impitoyable dans la bande de Gaza, ce qui n’empêche pas le gouvernement de l’intensifier, tant qu’il dispose d’une majorité au Parlement. Cela étant, s’il y avait des élections aujourd’hui, Netanyahou et sa coalition de l’extrême droite les perdraient, selon un sondage publié vendredi 23 mai.
« Un pays sain ne fait pas la guerre à des civils, n’a pas pour hobby de tuer des bébés et ne se fixe pas pour objectif d’expulser des populations ». Israël est en passe de devenir « un État paria parmi les nations ».
Qui a prononcé cet implacable verdict sur l’État hébreu ? Un ennemi juré du « peuple élu » ? L’une des victimes du déluge de bombes qui s’est abattu depuis le 7 octobre 2023 sur Gaza, tel qu’on le compare, par son intensité, aux plus lourdes frappes sur des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale et dont le terrible bilan humain s’élève à 52 000 morts, dont au moins 15 600 enfants ?
Ces vérités qui blessent…
À l’heure où la pression internationale contre Tel-Aviv n’a jamais été aussi insistante, celui qui a formulé, mardi 20 mai 2025 sur la radio publique, ces critiques virulentes sans précédent contre le gouvernement israélien et mis en cause les méthodes brutales de l’armée dans la bande de Gaza, n’est autre que Yaïr Golan, ancien chef d’état-major adjoint et chef de file de l’opposition de gauche disposant de quatre députés à la Knesset.
Au point que cet ancien haut gradé a même été accusé « d’antisémitisme » par une presse de droite déchaînée contre celui qui a eu le courage de dénoncer son propre pays coupable de faire la « guerre à des civils » et ayant pour « hobby de tuer des bébés ».
Un État paria
« Israël est en train de devenir un État paria, comme l’Afrique du Sud par le passé », a encore alerté Yaïr Golan, qui est dans le viseur du gouvernement pour ses propos sur la guerre à Gaza ; d’autant plus qu’il incarne la gauche israélienne partisane de la solution à deux États. Un sacrilège pour Benyamin Netanyahu, le boucher de Gaza.
En effet, le Premier ministre israélien profite de cette aubaine pour dénoncer « la décadence morale » de son adversaire politique et l’accuser de propager des « calomnies antisémites à l’encontre des soldats de l’armée israélienne ».
Dans la foulée, d’autres ministres ont appelé à l’ouverture d’une enquête pour « appel à la haine », après que Yaïr Golan a affirmé, après l’assassinat de deux employés de l’ambassade d’Israël à Washington, que le gouvernement Netanyahu « alimente l’antisémitisme et la haine envers Israël (…), mettant en danger chaque juif à travers le monde ».
Faut-il rappeler à ce propos que cet ancien chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne est un récidiviste. Déjà en 2016, il avait notamment fait un parallèle entre la place de l’extrême droite en Israël et la montée du fascisme en Europe dans les années 1930. « Il n’est rien de plus facile que de haïr l’étranger ; rien de plus facile que de semer la peur ; rien de plus facile que la bestialité, le cynisme et l’autosatisfaction », avait-il lancé. Des propos qui lui ont valu d’être qualifié de « traître de gauche ».
Rebelote. En 2022, ce « sioniste de gauche », qui défend par ailleurs la solution à deux États, sur la base des frontières établies en 1949, n’hésitait pas à qualifier les colons de Cisjordanie de « voyous méprisables » et de « gang qui agresse des Palestiniens innocents ».
Condamnations en cascade
Rappelons enfin que dix-neuf mois après le début des bombardements sur la bande de Gaza, Israël fait face à une vague de critiques sans précédent. Les condamnations se multiplient et même ses plus proches alliés commencent à prendre leurs distances.
Ainsi, l’Union européenne a annoncé une révision formelle de son accord commercial avec l’État hébreu. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, David Lammy, a averti mardi 20 mai 2025 que « l’Histoire les jugera. Bloquer l’aide. Étendre la guerre. Ignorer les préoccupations de vos amis et partenaires. C’est indéfendable. Et cela doit cesser ».
La ministre slovène des Affaires étrangères, Tanja Fajon, a elle aussi dénoncé le silence européen : « Des gens, des enfants meurent de faim, des travailleurs humanitaires sont tués et l’UE reste silencieuse? ».
Aux Pays-Bas, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à La Haye contre la politique d’Israël, dans l’une des plus grandes manifestations vues depuis des années.
Même Donald Trump serait agacé par le comportement de son allié de longue date. Lors de son récent voyage au Proche-Orient, le président américain a ostensiblement évité Israël, envoyant un signal clair : la place privilégiée d’Israël dans la politique étrangère américaine vacille.
En attendant une réaction internationale à la hauteur du massacre du siècle, les bombes continuent à tomber sur les 2 millions de Gazaouis affamés. Silence, on tue. En toute impunité.
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