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Samia Kassab Charfi: « La littérature nous aide à construire un esprit critique »

27. Dezember 2025 um 13:01

“Chaque livre est une porte. Il suffit d’ouvrir. Et parfois, une porte mène à un monde entier. Un monde que vous n’auriez jamais imaginé, peuplé de gens que vous ne rencontrerez jamais, vivant des vies que vous n’oseriez pas rêver. Et pourtant, vous êtes là. Vous êtes eux. Et eux, c’est vous”. Tels sont les mots de l’écrivaine américaine Nora Roberts, qui nous transporte à travers ses livres et ses best-sellers vers un voyage où les personnages vivent des aventures et découvrent des vérités sur eux-mêmes, transformant le lecteur en personnage principal de sa propre histoire.

Rencontrée lors de la 5e édition des prix FABA 2025, Samia Kassab-Charfi, présidente du jury, dresse un bilan d’une édition marquée par une qualité exceptionnelle des soumissions, malgré une quantité moindre. Dans un entretien exclusif accordé à L’Économiste Maghrébin, elle nous rappelle cette transmission culturelle tunisienne.​

Il convient de noter que ces prix FABA, remis le 29 novembre 2025 à Tunis, confirment la vitalité littéraire tunisienne en reliant roman, essai et poésie autour de thèmes comme l’altérité…

Lors de la cérémonie des prix Faba 2025, vous avez dressé un bilan élogieux de cette édition. Pouvez-vous nous en dire plus sur le niveau des soumissions ?

Samia Kassab-Charfi : Le niveau et la qualité des soumissions étaient vraiment au rendez-vous, je parle au nom de toute l’équipe d’évaluateurs. Contrairement à l’année précédente, le nombre d’ouvrages a diminué, privilégiant une quantité moindre au profit d’une qualité accrue. Le pourcentage global de productions remarquables a ainsi progressé, avec des plumes affûtées et des récits dynamiques qui captivent le lecteur jusqu’à la dernière page. Cette excellence se manifeste pleinement chez les lauréats, dont les œuvres retiennent l’attention sans relâche. Ces livres empêchent le lecteur de les lâcher avant la fin, créant une emprise irrésistible dès les premières lignes.

Quel rôle joue le jury dans les critères de sélection ?

Le jury assume un rôle d’intermédiaire essentiel entre l’auteur et son futur public, légitimant des voix méritantes et offrant un coaching indirect précieux. L’écrivain, qui doute souvent de son projet comme d’une bouteille à la mer, voit sa voix porter enfin, couronnée d’une consécration à la fois intellectuelle et commerciale. Dans un marché éditorial où les éditeurs captent la majeure partie des bénéfices, les auteurs ne touchant que des sommes modestes, le prix Faba braque tous les projecteurs sur le créateur, boostant sa visibilité et sa confiance.

Vous avez insisté sur la dimension intime et thérapeutique de ces œuvres. Pouvez-vous développer ?

Beaucoup d’auteurs puisent dans des expériences personnelles, explorant la résilience face à la maladie, le développement personnel ou une catharsis aristotélicienne. L’écriture agit comme un canal idéal pour évacuer les tourments enfouis, transformant les « mauvaises ondes » en une communauté d’expériences partagées. Loin de l’image élitiste de l’écrivain solitaire dans sa tour d’ivoire, il s’agit aujourd’hui d’un artiste qui sublime le quotidien : luttes familiales, remontées spectaculaires après des chutes abyssales, ou même récits jubilatoires puisant dans la vie ordinaire.

Parmi les lauréats, quels exemples illustrent cette richesse ?

La vie en sauce de Héla Msellati illustre magnifiquement cette transgénérationnalité. L’œuvre dépeint deux générations en quête d’un langage commun : une jeune émigrée en France, ignorant les racines, et son aînée en Tunisie, qui transmet le terroir à travers la gastronomie tunisienne – ces ustensiles et saveurs qui font l’âme du pays. Ces témoignages personnels ne se contentent pas de raconter ; ils invitent à l’empathie, faisant écho à des réalités tunisiennes contemporaines, entre exil, santé publique et transmission culturelle. Les essais, eux aussi plébiscités, revisitent l’histoire tunisienne sous un angle hétérogène. J’évoque la « pâte de nos mots », cette culture faite d’altérité plutôt que d’une tunisianité homogène : des ouvrages explorant des figures marquantes du passé, ou des réflexions sur la « matière » linguistique et culturelle comme les mots « alcalins » d’un auteur, ou les expériences de maladie métamorphosées en actes de résistance.

L’année dernière, nous avions terminé par une citation de Marcel Proust. Pour clore cet échange, pourriez-vous nous offrir une autre citation emblématique ?

Le poète Saint-John Perse, prix Nobel de littérature 1960, né en Guadeloupe et français d’origine, répondait à la question « Pourquoi écrivez-vous de la poésie ? Pourquoi écrire ? » par ces mots : « Pour mieux vivre ». La littérature aide ainsi à mieux vivre. Elle nous aide à construire un esprit critique puissant, au sens fort du terme, c’est-à-dire à objectiver l’existence, à prendre conscience que ce que nous vivons est digne d’être raconté. Nous avons besoin de récits : quand nous étions petits, nous en écoutions pour nous évader, pour mettre les choses à distance et les maîtriser en les écrivant. L’écriture est comme la peinture, la sculpture ou la musique : c’est une arme extraordinaire, à la fois une arme et une passerelle, un pont. Elle crée une continuité non seulement entre le lecteur et l’auteur, mais aussi entre plusieurs auteurs qui se retrouvent autour d’un même thème, que ce soit dans un roman, un essai ou un poème. Elle relie les genres, balisant nos souvenirs contre l’oubli et l’uniformisation culturelle.

Comme un chantier abouti, l’œuvre littéraire invite à circuler dans une « maison lumineuse », emplie d’empathie et de découvertes. On y apprend, on interagit, on se reconnaît dans des pensées qu’on n’avait pas su formuler. Cette édition 2025 confirme la vitalité de la scène littéraire tunisienne, entre introspection personnelle et ancrage collectif.

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