Le cri d’alarme du Pr Mohamed Louadi : comment l’IA tue notre capacité à penser ?
« Et si l’intelligence artificielle nous rendait… moins intelligents ? » C’est le paradoxe glaçant que dévoile le Pr Mohamed Louadi, professeur à l’ISG, dans une interview percutante sur RTCI ce 9 mai 2025. Alors que l’IA génère des réponses en un clic, l’universitaire alerte : nous sommes en train de perdre l’art du questionnement, cette étincelle qui a toujours propulsé l’humanité.
Le Pr Mohamed Louadi a ouvert son intervention par une analogie musicale éloquente, comparant l’évolution des modes d’apprentissage à la disparition des soirées dansantes des années 1960-1970. « À l’époque, un morceau de neuf minutes permettait des rencontres, des échanges, une construction progressive de la relation. Aujourd’hui, nous zappons d’une réponse à l’autre sans jamais prendre le temps de comprendre. »
Cette métaphore illustre un phénomène plus large : le déclin de la patience cognitive. L’universitaire rappelle que les anciennes générations apprenaient par cœur les tables de multiplication, exercice aujourd’hui rendu obsolète par les calculatrices. « Nous avons externalisé notre mémoire. Pire : nous perdons la capacité même de mémoriser. » Cette tendance s’accélère avec les chatbots comme ChatGPT, où lesvétudiants « réussissent moins bien à long terme parce qu’ils ne retiennent rien », selon une étude de mars 2025 citée par M. Louadi.
L’urgence éducative : réapprendre à questionner dans un monde de réponses toutes faites
Le cœur de l’intervention a porté sur ce que M. Louadi nomme « la crise existentielle de la question ». Avec Google, Wikipédia et l’IA générative, « les réponses sont devenues un bien gratuit, mais la vérité, elle, devient de plus en plus chère ». L’universitaire établit un parallèle historique saisissant :
« Socrate craignait que l’écriture ne tue la mémoire. Les Arabes ont résisté à l’imprimerie par peur de perdre l’art de la transmission orale. Aujourd’hui, nous devons résister à la tentation de déléguer notre curiosité aux machines. »
Le phénomène du prompt engineering (l’art de formuler des requêtes pour l’IA) symbolise cette inversion des valeurs : « Avant, c’était à la machine d’apprendre notre langage. Maintenant, c’est à nous d’apprendre le sien. C’est une capitulation intellectuelle. »
Le paradoxe ultime : une humanité dépassée par ses propres créations ?
En conclusion, le Pr Louadi a abordé la question brûlante de la superintelligence artificielle (AGI). Tout en rejetant l’idée d’une IA dotée de conscience (« C’est de l’anthropomorphisme naïf »), il met en garde contre ses dangers indirects : « Le vrai problème n’est pas que la machine devienne intelligente, mais que l’humain renonce à l’être. Quand un algorithme de TikTok décide à notre place quelle vidéo regarder ensuite, quand ChatGPT rédige nos mails avant même que nous ayons formulé notre pensée, nous sortons progressivement de la boucle cognitive. »
Sa solution? Un retour aux fondamentaux : cultiver la curiosité infantile (« Un enfant qui demande pourquoi le ciel est bleu fait œuvre de philosophe »); valoriser les questions sans réponses immédiates; et surtout, « réapprendre à vivre avec l’incertitude – cette compétence que les machines ne maîtriseront jamais. »
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