Normale Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.
Gestern — 14. Juli 2025Haupt-Feeds

ECLAIRAGE – Tourisme tunisien : la discrimination de marché au cœur du modèle

14. Juli 2025 um 07:37

Alors que les plages tunisiennes accueillent des milliers de touristes étrangers, les citoyens tunisiens se retrouvent de plus en plus exclus de l’offre hôtelière nationale. Une situation qui n’est pas le fruit du hasard, mais d’un choix économique discriminatoire qui révèle les impasses d’un modèle de développement tourné vers l’extérieur.

L’alerte lancée par Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne pour l’information du consommateur (OTIC), lors de son passage sur les ondes de « Acharaa Al Tounsi », fait l’effet d’un électrochoc : pour une grande majorité de Tunisiens, les vacances d’été à l’hôtel sont devenues un rêve inaccessible. Avec des nuitées atteignant 400 dinars par personne, soit plus que le salaire mensuel minimum (SMIG), le constat est sans appel : le pouvoir d’achat du Tunisien moyen ne suit plus la logique inflationniste du marché touristique.

Mais plus qu’une simple question de prix, cette flambée tarifaire traduit une discrimination de marché délibérée. Les citoyens tunisiens, dans leur propre pays, sont relégués au second plan. Tandis que les touristes étrangers bénéficient de forfaits avantageux, grâce à des accords avec des tour-opérateurs internationaux ou des tarifs préférentiels invisibles aux consommateurs locaux.

Le tourisme, un secteur miné par les logiques extractives

Derrière cette logique tarifaire se cache un modèle économique fondé sur la recherche de devises étrangères à tout prix. Loin d’un secteur au service du développement national, le tourisme tunisien s’est progressivement transformé en industrie extractive : il capte les ressources territoriales (plages, sites patrimoniaux, main-d’œuvre locale), mais en réserve les bénéfices à une clientèle étrangère et à une minorité d’opérateurs.

Cette orientation n’est pas sans conséquences. Non seulement elle creuse les inégalités entre les Tunisiens et les touristes, mais elle alimente également une fracture territoriale entre les zones touristiques et l’intérieur du pays, qui reste marginalisé, tant en termes d’infrastructures que de retombées économiques.

Le droit au tourisme : une revendication de justice sociale

Face à ce constat, l’appel lancé par l’Organisation tunisienne pour l’orientation du consommateur à inscrire le « droit au tourisme intérieur » dans la loi prend une dimension hautement politique. Il ne s’agit pas seulement de permettre aux citoyens de profiter des plages ou des hôtels, mais de consacrer le droit à la détente, aux loisirs et à la mobilité au sein du territoire national.

Cette proposition s’inscrit dans une logique de démocratisation du tourisme. En obligeant les unités hôtelières à réserver 30 % de leur capacité aux Tunisiens, à des tarifs équitables alignés sur ceux des étrangers, on briserait le monopole actuel du tourisme d’élite et on injecterait une nouvelle dynamique dans la demande intérieure. Ce serait aussi un levier pour stimuler l’activité hors saison, fidéliser une clientèle nationale et renforcer la résilience du secteur.

Une discrimination tarifaire qui nourrit un sentiment d’exclusion

L’inégalité de traitement dénoncée par M. Riahi ne repose pas seulement sur des chiffres. Elle est vécue au quotidien par des familles tunisiennes qui constatent que, dans leur propre pays, elles ne peuvent accéder aux mêmes prestations que des visiteurs étrangers. Ce sentiment d’injustice alimente une frustration croissante, qui renforce la défiance envers un système perçu comme opaque et orienté vers les intérêts des lobbies hôteliers.

La logique de « segmentation tarifaire » est certes défendable d’un point de vue commercial. Mais elle devient problématique lorsqu’elle exclut structurellement une catégorie entière de la population. Le tourisme n’est pas un produit de luxe comme un bijou ou une voiture : il touche à l’accès au territoire, à la culture, au bien-être, au vivre-ensemble. Son exclusion devient alors une forme de violence sociale.

L’enjeu d’une redéfinition du modèle de développement

Le débat sur le droit au tourisme intérieur ne saurait être isolé de la réflexion plus large sur le modèle économique tunisien. Dans un contexte où l’économie peine à se relancer, où le pouvoir d’achat s’effondre et où les inégalités se creusent, persister dans un modèle de croissance basé uniquement sur les recettes extérieures relève d’une myopie dangereuse. Il est temps de penser un tourisme inclusif, durable, enraciné dans les réalités locales et accessible à tous.

Cela suppose une régulation plus forte du secteur, une fiscalité incitative pour les opérateurs qui favorisent le tourisme local, et un investissement public dans les infrastructures touristiques à vocation sociale : auberges, centres de vacances, tourisme rural. Il s’agit de rompre avec une logique de rente pour faire place à une logique de redistribution.

Quid d’un tourisme citoyen, social équitable ?

La crise du tourisme intérieur tunisien, révélée par l’explosion des prix et la discrimination tarifaire, n’est pas une fatalité. Elle traduit avant tout un choix politique : celui d’un modèle tourné vers l’exclusion au lieu de l’inclusion. Reconnaître le droit au tourisme pour tous, c’est affirmer que le territoire national appartient à ceux qui y vivent, et non seulement à ceux qui y séjournent.

Loin d’être une utopie, cette vision ouvre la voie à une nouvelle conception du tourisme, comme levier de cohésion sociale, de relance économique et de fierté nationale. Encore faut-il que la volonté politique suive. Car le droit à la mer, à la montagne et au repos est, en dernière instance, un droit à la dignité.

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Tourisme tunisien : la discrimination de marché au cœur du modèle est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

❌
❌