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Federica Araco: “Le féminicide n’est que la partie émergée d’un iceberg bien plus vaste”

04. Mai 2025 um 10:07

Dans notre société, les violences faites aux femmes restent trop souvent invisibles, dissimulées derrière des discours culpabilisants, des stéréotypes persistants, ou des statistiques qui peinent à rendre compte de la réalité vécue par les victimes. Pourtant, derrière chaque chiffre, il y a une histoire, une voix qui mérite d’être entendue. À l’occasion de la conférence « Des journalistes contre les violences faites aux femmes : Pour une presse libre et éthique », organisée le 2 mai 2025 à Tunis par le Conseil de l’Europe Tunisie en partenariat avec MedFemiNiswiya et le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Seniors, Federica Araco,journaliste italienne engagée, travaille depuis de nombreuses années avec Babelmed, premier magazine en ligne dédié aux cultures méditerranéennes. Elle collabore également avec plusieurs réseaux féministes et de journalistes indépendants, et s’intéresse particulièrement aux questions de migrations, d’exclusion sociale, d’égalité de genre et d’environnement… Interview:

 

Quelles sont les principales étapes qui ont marqué votre parcours et votre engagement ?

Je m’appelle Federica Araco. Je travaille depuis de nombreuses années avec Babelmed, le premier magazine en ligne dédié aux cultures de la Méditerranée. Je me suis longtemps occupée de la version italienne, mais aussi de la traduction du français et de l’anglais vers l’italien. Depuis 2021, je collabore avec Medfeministria, le réseau féministe d’information méditerranéenne, ainsi qu’avec L’Orient  XXI, un réseau de journalistes méditerranéens, et avec le réseau des médias indépendants du monde arabe. Je traite principalement des phénomènes migratoires, de l’exclusion sociale, des questions de genre, mais aussi d’environnement et de décroissance, et plus généralement de toutes les thématiques sociales.

En parlant de la  législation sur le féminicide en Italie, que pensez-vous de la nouvelle loi sur le féminicide en Italie ?

La loi sur le féminicide, très récente, a été présentée le 8 mars 2025. Elle reconnaît le crime de féminicide, mais n’a pas encore apporté de changements significatifs. De nombreuses associations féministes estiment qu’il ne s’agit pas d’un véritable progrès. Même l’opposition politique considère cette loi surtout comme un geste médiatique de la part du gouvernement d’extrême droite, sans réelle avancée sur le traitement du féminicide.

En Italie, nous avons déjà le « Codice Rosso » (Code Rouge) depuis 2019, qui prévoit un traitement accéléré des cas de violences, car l’un des principaux problèmes de la justice italienne est la lenteur des procès. Entre deux audiences, de nouvelles agressions peuvent survenir, malgré les mesures de protection censées protéger les femmes qui portent plainte.

 

 Existe-t-il des centres pour les femmes victimes de violence ?

Oui, il existe des centres anti-violence, mais ils sont confrontés à plusieurs problèmes comme le manque de financement et retards dans l’octroi des fonds, le nombre insuffisant de centres, surtout dans le sud du pays ainsi que la capacité d’accueil limitée par rapport au nombre de femmes ayant besoin de protection

À Rome, par exemple, les deux principaux centres de soutien aux femmes, Lucia et Siesta, ainsi que la Casa Internazionale delle Donne, ont failli fermer en 2022 faute de financements municipaux, alors même que la maire était une femme. Cela montre qu’il ne suffit pas d’être une femme, il faut aussi être féministe et défendre les droits des femmes, ce que ne fait pas la Première ministre Giorgia Meloni. J’ajouterai que beaucoup de travail est effectué sur une base volontaire

Quelles sont les causes principales du féminicide ?

La cause fondamentale est une mentalité patriarcale et sexiste très répandue, qui crée des rapports de force inégaux entre les genres. Les femmes ont moins de droits et sont subordonnées à la figure masculine, qui se sent souvent légitimée à les opprimer, agresser, marginaliser ou abuser d’elles.

La violence de genre prend de nombreuses formes : violence verbale, psychologique (dévalorisation, contrôle, menaces, contrôle économique) ou encore la violence physique et sexuelle, souvent au sein du couple. Le féminicide n’est que la partie émergée d’un iceberg bien plus vaste

Les médias et la publicité véhiculent une image stéréotypée et hypersexualisée de la femme, la réduisant à un objet. Cela se retrouve dans les programmes télévisés, où les femmes sont souvent reléguées à des rôles d’image, rarement invitées comme expertes, et traitées différemment des hommes. Cette éducation au sexisme est absorbée dès l’enfance et contribue à perpétuer ces inégalités.

Existe-t-il un modèle à suivre ?

Oui, l’Espagne constitue un modèle. Depuis 2004, une loi contre la violence de genre et un pacte d’État contre le patriarcat, signé par tous les partis politiques, ont permis de réduire de 30% le nombre de féminicides en 20 ans (de 73 en 2003 à 48 en 2024).

Les mesures espagnoles incluent : lutte contre le langage et les images sexistes dans les médias et la publicité, éducation à l’affectivité, à la sexualité et au féminisme dès l’école, la la formation spécifique pour la police, les avocats, les magistrats et la création de plus de 100 tribunaux spécialisés dans la violence de genre. 

Tout cela a eu un impact significatif. En Italie, rien de tout cela n’existe encore, et les chiffres restent alarmants : en 2024, il y a eu 113 féminicides, dont 99 dans le cadre familial, et 62 commis par un partenaire ou ex-partenaire. Pour les femmes, la famille reste le lieu le plus dangereux.

Un mot de la fin 

Un travail en profondeur est possible, mais sans un engagement réel des institutions, la société civile ne peut à elle seule endiguer un phénomène systémique et endémique comme la violence de genre, enracinée dans une mentalité patriarcale, sexiste et misogyne, renforcée par la culture dominante. 

Federica Araco,journaliste italienne engagée, répond aux questions de l'Economiste Maghrebin

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