Les crimes sans fin des mercenaires russes au Mali
Alors que les flux des migrants subsahariens s’intensifient vers les pays d’Afrique du Nord, notamment la Tunisie, fuyant les guerres et les violences, de vastes régions du Mali sont devenues le théâtre de graves exactions perpétrées ces derniers mois par l’Africa Corps, une organisation paramilitaire russe qui a pris le relais de la sulfureuse société russe de mercenaires Wagner depuis la mort de son dirigeant Evgueni Prigojine.
Imed Bahri
Cette «Légion africaine» sème la terreur et les populations civiles se retrouvent à la fois la proie des terroristes islamistes mais aussi des mercenaires russes.
La présence russe dans la région du Sahel qui a supplanté celle des militaires français a non seulement échoué à éradiquer le terrorisme et à pacifier la région mais pire, elle s’en prend aux civils. C’est l’exil ou la mort.
Monica Brontsuk et Caitlin Kelly ont recueilli pour le compte du Los Angeles Times les témoignages de dizaines de réfugiés ayant fui vers la frontière mauritanienne qui révèlent des massacres, des viols, des décapitations et des pillages de villages perpétrés sans distinction, dans le cadre d’une campagne conjointe des forces maliennes et de l’unité russe opérant sur place à la demande des autorités maliennes.
Africa Corps remplace Wagner
Le journal souligne que les autorités maliennes n’ont jamais reconnu publiquement la présence de Wagner ni de Africa Corps mais les médias d’État russes ont publié ces dernières semaines des reportages en provenance du Mali faisant l’éloge de cette «Légion africaine» pour sa défense du Mali contre les terroristes. Le ministère russe des Affaires étrangères a également confirmé que cette unité opère à la demande des autorités maliennes.
Malgré l’espoir des civils que le départ de Wagner et son remplacement par l’Africa Corps atténuerait la brutalité du conflit, les réfugiés ont confirmé que rien n’avait changé. Les mêmes tactiques persistaient : incendies de villages, exécutions sommaires, enlèvements de femmes et insultes racistes proférées à l’encontre des habitants. En réalité, seule la dénomination de l’entité de mercenaires a changé.
Tenant son plus jeune fils dans ses bras, Boukar a déclaré avoir compté tous les hommes tués ou enlevés par Wagner et l’armée malienne dans sa ville natale, un total de 214. «Seul le nom a changé. Les vêtements, les véhicules et les hommes sont les mêmes. Les méthodes sont les mêmes voire pires. C’est pourquoi nous sommes repartis».
Entre le marteau et l’enclume
Le journal rapporte que les civils se retrouvaient pris en étau entre la violence des groupes extrémistes comme Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) et la répression de l’armée malienne et de l’Africa Corps. Obéir aux ordres des extrémistes les exposait à des représailles de l’État, tandis que les ignorer faisait d’eux des cibles pour les mercenaires.
Dans ce chaos, les exactions se multiplient dans des zones difficiles d’accès pour les journalistes et les organisations humanitaires. Selon certains témoignages, des corps ont été retrouvés mutilés, une pratique précédemment attribuée à Wagner.
Si certaines statistiques indiquent une baisse du nombre de victimes civiles imputées aux Russes, les experts remettent ces chiffres en question. Un ancien d’un village témoigne : «C’est la politique de la terre brûlée. Les soldats ne parlent à personne. Ils tirent sur tous ceux qu’ils voient. Sans poser de questions, sans prévenir et les gens ignorent pourquoi ils sont tués».
Ainsi, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest sont devenus la région la plus dangereuse du monde en matière d’extrémisme. Cette situation a encore davantage isolé le Mali après le retrait des forces de maintien de la paix de l’Onu et son exclusion de la Cour pénale internationale, rendant les enquêtes criminelles encore plus difficiles.
Les témoignages des réfugiés font état d’histoires tragiques : une mère a vu son fils se faire massacrer sous ses yeux avant que sa fille ne soit enlevée. Une autre a perdu ses enfants en fuyant. Une troisième raconte avoir fui, prise de panique, au point d’oublier son bébé. Dans chaque récit, les «hommes blancs», comme les appellent les habitants, apparaissent comme les plus terrifiants.
Fatima, une réfugiée à la frontière mauritanienne, raconte que lorsque les hommes blancs sont arrivés au village de Koura, tout le monde a fui, sauf elle, car sa fille s’est évanouie en entendant des coups de feu. Les hommes allaient de maison en maison, volant les bijoux des femmes et tuant les hommes. Lorsqu’ils sont entrés chez elle, ils ont cru sa fille morte et l’ont laissée là.
Fatima ne voulait pas parler des sévices que les hommes blancs lui avaient infligés. Mais lorsqu’ils sont partis, elle a découvert le corps de son fils, il avait été tué dans sa boutique. Puis elle a trouvé son frère blessé et alors qu’elle entamait son voyage vers la Mauritanie, sa fille est décédée.
«Avant le conflit, j’étais forte et courageuse», a dit Fatima avant d’ajouter: «Maintenant, la vie n’a plus de sens. Je ne suis plus qu’un être vivant, qui a l’apparence de ce que j’étais, mais en réalité, je ne suis plus vivante. Je ne sais pas ce que nous avons fait pour mériter cela».
Personnes violées, torturées et tuées
Les experts affirment qu’il est impossible de connaître le nombre exact de personnes tuées et agressées au Mali, en particulier dans les zones reculées où l’accès des journalistes et des travailleurs humanitaires est de plus en plus restreint. «De nombreuses personnes ont été violées, torturées et tuées», a déclaré Şükrü Cansızoğlu, représentante du HCR en Mauritanie, ajoutant : «Il est parfois difficile d’identifier précisément les auteurs de ces crimes».
Des experts juridiques ont souligné que l’intégration formelle de l’Africa Corps au sein du ministère russe de la Défense rend Moscou directement responsable de tout crime que cette force pourrait commettre au Mali. Pourtant, les opérations se poursuivent sans transparence ni contrôle tandis que les témoignages s’accumulent, faisant état d’une spirale de violence qui ne montre aucun signe d’apaisement.
Pour les personnes en fuite, la question la plus pressante est : pourquoi subissent-elles tout cela ? La réponse, conclut le journal, se perd dans le conflit qui oppose une force russe opaque, une armée affaiblie et des extrémistes tout aussi brutaux. Et ce sont les populations civiles qui, hélas, sont les victimes qui subissent les atrocités des belligérants.
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