Anne Brasseur : « Il n’y a pas de liberté sans responsabilité »
Dans un contexte mondial marqué par une évolution rapide des valeurs et des structures sociales, les partis traditionnels se trouvent confrontés à des défis inédits. Ces partis, autrefois solidement ancrés dans des idéologies bien définies, doivent désormais s’adapter à une société de plus en plus complexe.
Les questions liées au divorce, à l’avortement et à l’égalité des sexes les ont contraints à réévaluer leurs positions, tandis que l’influence de l’Église a connu un déclin notable. Anne Brasseur, ancienne ministre libérale du gouvernement luxembourgeois et ancienne présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, une organisation internationale basée à Strasbourg qui œuvre pour la protection des droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, explore ces questions dans une interview accordée à L’Economiste Maghrébin. Elle y examine comment les partis traditionnels naviguent dans un paysage politique en pleine mutation. Voici un aperçu de cette interview.
Compte tenu de l’évolution politique en Europe et de la montée des partis d’extrême droite, comment les partis libéraux peuvent-ils adapter leur discours et leurs actions pour contrer l’attrait de ces mouvements populistes tout en restant fidèles à leurs valeurs fondamentales de liberté et de responsabilité?
Anne Brasseur : Au Parlement européen, l’extrême droite constitue le troisième groupe; tandis que les libéraux sont relégués au cinquième rang. On constate un affaiblissement généralisé et un attrait pour des pays comme la Hongrie ou la Slovaquie, où la situation évolue de manière inquiétante. De plus, l’observation d’autres pays membres du Conseil de l’Europe, mais non membres de l’Union européenne, comme la Serbie, nous rappelle que la liberté est un combat de tous les jours et qu’elle n’est jamais définitivement acquise. Le libéralisme est parfois mal interprété, associé à un néolibéralisme sans règles. Or, pour moi, le libéralisme est avant tout une question de liberté, mais une liberté indissociable de la responsabilité envers soi-même et envers les autres. En d’autres termes, il n’y a pas de liberté sans responsabilité.
Il est impératif de se battre pour ces valeurs. Je constate une union des populistes à l’échelle mondiale, une sorte d’« internationale illibérale » qui se met en place. Il est donc crucial que les partis démocratiques, qu’ils soient de gauche ou plus modérés, s’unissent pour défendre ce qui est le plus précieux. Nous sommes soumis à une pression constante et devons rechercher des alliés au-delà des affinités idéologiques traditionnelles.
Nous vivons une période d’incertitude, illustrée par les volte-face de Trump en matière de taxes, avec une trêve de 90 jours dont l’issue reste inconnue. Cette imprévisibilité engendre une peur qui alimente l’extrême droite et déstabilise nos sociétés.
Il reste beaucoup à faire dans nos pays, notamment en matière d’éducation. On observe des tentatives de manipulation de l’histoire, de réécriture du passé pour servir des intérêts présents, ce qui est inquiétant. Les schémas sont toujours les mêmes : on s’attaque aux médias, à l’indépendance de la justice, en prétendant que c’est le peuple qui doit juger. Or, le jugement populaire ne peut se faire sans un cadre de règles bien établies et le respect des normes internationales. On assiste à un démantèlement du multilatéralisme. C’est l’argument utilisé aujourd’hui par Mme Le Pen, qui prétend que les 13 millions de Français ayant voté pour elle lui permettraient de s’affranchir des lois. On ne parle plus des affaires d’escroquerie, de détournement de fonds publics et d’abus de biens sociaux.
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