Khaled Sdiri : « La contribution sociale de solidarité ne peut réussir sans partenaires sociaux »
La contribution sociale de solidarité prévue dans la loi de finance 2026 risque de manquer son objectif faute de concertation avec les partenaires sociaux. C’est l’avertissement exprimé par Khaled Sdiri, expert en sécurité sociale et auteur de Analyse économique et pilotage des régimes de la retraite, dans une déclaration accordée à L’Économiste Maghrébin. Il dénonce un système de « financement épuisé » et des « mesures mal préparées », susceptibles de compromettre la pérennité du modèle de protection sociale tunisien.
Selon lui, le modèle reposant presque exclusivement sur les cotisations salariales ne peut plus assurer l’équilibre du système de retraites. Les taux appliqués, parmi les plus élevés au monde, pèsent lourdement sur les entreprises comme sur les salariés. Cette pression contribue à renforcer l’informalité, à freiner les embauches, à encourager l’automatisation ou la délocalisation, et finit par rétrécir l’assiette contributive. Ce déséquilibre financier est aggravé par les évolutions démographiques, avec un nombre de cotisants qui diminue face à une population de retraités croissante.
Dans ce contexte, Khaled Sdiri estime indispensable de diversifier les sources de financement. Limiter les recettes au seul travail salarié ne correspond plus aux réalités économiques actuelles, où une grande part de la richesse se crée en dehors du salariat traditionnel, notamment dans l’économie numérique. Il juge nécessaire d’élargir l’assiette fiscale, par exemple, en mobilisant de nouvelles formes de fiscalité, y compris écologique. Et ce, afin de faire contribuer des secteurs aujourd’hui peu sollicités. Cette diversification permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis du marché du travail formel, de mieux répartir l’effort entre les secteurs économiques et de renforcer la résilience du système face aux crises.
La contribution sociale solidaire prévue pour 2026 pourrait s’inscrire dans cette logique, mais l’expert en critique les modalités. Le fait qu’elle ne concernerait qu’une très faible proportion des employeurs limite fortement son impact sur les recettes de la sécurité sociale. Il y voit une réforme peu ambitieuse, incapable de répondre à l’ampleur du défi. Il regrette également que cette mesure ait été élaborée sans consultation des partenaires sociaux. Leur implication, estime-t-il, est indispensable pour anticiper les effets de chaque disposition, ajuster les paramètres si nécessaire, garantir son acceptabilité et assurer une mise en œuvre efficace. Cette critique renvoie à un besoin plus large de transparence dans la gouvernance des organismes de sécurité sociale, avec une information claire sur les comptes, les hypothèses et les choix stratégiques.
Par ailleurs, Khaled Sdiri pointe un manque de préparation technique. Les mesures inscrites à la loi de finances 2026 n’auraient pas fait l’objet d’études d’impact suffisamment approfondies. Ce qui augmente le risque d’effets pervers, comme un renforcement de l’informalité ou une pénalisation des entreprises, sans amélioration notable des recettes. Il plaide pour une démarche méthodique fondée sur l’expérimentation et l’évaluation avant toute généralisation. Tout en estimant qu’une réforme solide ne peut naître d’une accumulation de décisions improvisées.
Pour être durable, la réforme du financement de la sécurité sociale doit, conclut-il, s’inscrire dans une vision de long terme. Elle doit articuler une diversification réelle des ressources, une gouvernance modernisée et transparente, une méthodologie rigoureuse fondée sur l’évaluation et un horizon stratégique cohérent avec le fonctionnement de systèmes qui se déploient sur plusieurs décennies.
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