Sauvons le patrimoine encore vivant de Djerba !
En 1858, Gustave Flaubert disait de l’île de Djerba que «l’air y est si doux qu’il empêche de mourir». Perle de la Méditerranée inscrite récemment au patrimoine mondial de l’Unesco, Djerba ne se résume pas à ses plages et à son hospitalité. Elle abrite un héritage architectural et culturel unique, fruit de siècles d’ingéniosité et d’adaptation aux conditions insulaires. Mais aujourd’hui, ce patrimoine est en danger : les puits, majels, les mosquées, les huileries et surtout les traditionnelles houchs et les menzels disparaissent peu à peu sous l’effet de l’urbanisation, de l’abandon et du manque de protection.
Fethi Ben Messaoud *

Les majels, des trésors d’ingéniosité hydraulique :
Dans une île aride où l’eau douce est rare, les habitants ont inventé des systèmes ingénieux pour collecter et conserver l’eau de pluie. Les «bouches», ces citernes souterraines alimentées par les toitures, et les puits creusés à même le sol, témoignent d’un savoir-faire écologique précurseur. Aujourd’hui, beaucoup sont négligés, remplacés par des solutions modernes, souvent plus coûteuses et moins durables.
Les mosquées, un patrimoine spirituel et architectural unique :
Djerba compte des dizaines de petites mosquées, souvent discrètes, blanchies à la chaux, intégrées au paysage. Certaines servaient à la fois de lieux de culte, de refuges. Ces joyaux de simplicité et d’harmonie risquent l’effacement, faute d’entretien et de reconnaissance.
Les huileries traditionnelles, mémoire de l’économie djerbienne :
L’olivier, arbre de vie, est au cœur de l’identité de Djerba. Les huileries traditionnelles, souvent souterraines pour préserver la fraîcheur, racontent le lien entre l’homme et la terre. Abandonnées au profit de moulins modernes, elles s’effondrent peu à peu, alors qu’elles pourraient devenir des lieux de mémoire et d’attraction touristique.


Les menzels et les houchs, un mode de vie en symbiose avec la nature:
Menzel et houch, maison traditionnelle djerbienne, est bien plus qu’une habitation, c’est une véritable unité de vie, pensée pour être autonome et adaptée au climat. Construit autour d’une cour centrale, le menzel intègre des citernes pour l’eau, des espaces pour l’agriculture, des oliviers. Il illustre une architecture écologique avant l’heure, utilisant des matériaux locaux et répondant parfaitement aux besoins des familles élargies. Malheureusement, beaucoup de menzels tombent en ruine ou sont remplacés par des constructions modernes uniformisées, rompant avec l’équilibre entre l’homme et son environnement.
Un appel à l’action collective
Préserver ce patrimoine, c’est protéger l’âme de Djerba. C’est aussi offrir aux générations futures un modèle de vie durable, respectueux de l’environnement et enraciné dans une histoire plurimillénaire. Associations locales, autorités publiques, chercheurs et habitants doivent unir leurs forces pour documenter, restaurer et valoriser ces trésors.

La sauvegarde passe par :
– la restauration et l’entretien des citernes, puits, mosquées et menzels;
– la transformation des huileries en musées vivants;
– l’intégration du patrimoine dans les parcours touristiques, comme c’est le cas de Djerba Wood; – la sensibilisation des jeunes à la richesse de leur héritage.
Djerba ne doit pas perdre son âme au profit de la modernité. Sauver ses menzels, ses houchs, ses majels, ses mosquées et ses huileries, c’est sauver une mémoire, une identité et un art de vivre unique au monde.
* Ancien fonctionnaire de l’Office national du planning familial (ONFP).
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